VNUnet : Le sport automobile demande aujourd’hui d’être à la pointe au niveau des technologies et de faire le bon choix dans sa stratégie informatique. Concernant cette dernière, vous avez véritablement misé sur le système d’exploitation Linux. Pourquoi ?
Christophe Verdier :Lorsque Prost Grand Prix a racheté Ligier en 97, il n’y avait à l’époque pas de système informatique véritable, à part quelques petits postes sous Windows mais sans serveur. Quand je suis arrivé en 98, j’ai eu carte blanche pour construire le parc informatique et élaborer une véritable stratégie informatique. De culture Unix et ayant travaillé sur NeXT, je cherchais surtout un système fiable dont la pérennité ne faisait aucun doute. En tant que logiciel libre, Linux permettait de le développer en interne, de modifier ses codes et surtout de pouvoir intervenir nous même et dans un temps très court s’il y avait le moindre problème.
VNUnet : Comment l’écurie Prost Grand Prix intègre-t-elle Linux dans sa stratégie ?
Christophe Verdier :Linux est véritablement au coeur de l’écurie, tant en amont sur les trois sites que sur les stands lors des grands prix. Concrètement, nous avons sur le site de Guyancourt, 12 serveurs Linux qui côtoient un ensemble de 100 postes de travail qui fonctionnent, eux, sous Windows Workstation. 5 de ces machines sont toutefois en test et utilisent un système d’exploitation Linux. Nous n’avions pas, à l’époque, opté pour un parc fonctionnant sous Linux en raison des difficultés à trouver des solutions interopérables entre des outils bureautiques standards et Linux. Toutefois en utilisant la suite StarOffice 5.2; nous parvenons en fait à régler ce problème. 60 % de ces postes devraient ainsi prochainement migrer vers Linux.
VNUnet : Sur le terrain, Linux est utilisé pour quel type de tâche ?
Christophe Verdier :Sur les trois sites dont dispose Prost Grand Prix, c’est le site de Guyancourt qui est le point central de l’utilisation de Linux. Les serveurs Linux ont en charge la messagerie, l’accès Internet, l’annuaire de l’entreprise, les comptes utilisateurs, les applications vidéo et l’Intranet. Notre site en Angleterre, qui est un bureau d’étude, utilise Linux via justement notre Intranet.
Magny-Cours, là où se trouve la soufflerie de l’écurie, utilise des machines Linux lors de phases d’essais pour stocker toutes les informations recueillies par les capteurs positionnés sur la voiture.
Lors de grands prix, Linux nous suit aussi dans les stands pour coller véritablement à l’environnement de la voiture et à la stratégie de la course. Sans aller toutefois à embarquer une application Linux au sein de la voiture, nous utilisons deux applications Linux dans les stands. Pendant la course, on récupère par ondes radio des données sur la voiture grâce à des capteurs. Toutes ces données sont transmises à un serveur Linux. Les ingénieurs et analystes peuvent ainsi les étudier et les renvoyer au pilote qui peut ainsi modifier sa conduite en fonction des paramètres recueillis. Le noyau du système a été modifié pour répondre spécifiquement aux besoins de cette mission. Toutes les fonctions inutiles ont été retirées du système. Nous avons aussi augmenté la sécurité autour de ce noyau de manière à s’assurer d’une meilleure fiabilité. La deuxième application Linux que l’on utilise est ce que l’on appelle le « plafonnier pilote ». Lors d’un retour au stand durant des séances de qualification, le pilote qui ne sort pas de sa voiture a ainsi accès sur un écran vidéo à toutes les informations concernant à la fois la course et la voiture. Là aussi, c’est grâce à un serveur Linux profondément remanié que cela est possible, d’où la nécessité d’avoir un système ouvert pour le modeler selon nos impératifs.
VNUnet : Vous avez démontré la fiabilité, l’interoperabilité, la modularité de Linux, est-ce que la gratuité a été un critère de sélection dans votre choix pour ce système d’exploitation ?
Christophe Verdier :Le coût n’a pas été un critère de sélection, il est même secondaire par rapport aux exigences qu’impose une écurie de F1 pour son fonctionnement. En revanche, il n’en est pas de même pour nos postes de travail. Je ne vois pas l’intérêt de mettre à jour notre parc informatique pour passer de Windows vers une autre version de Windows. Débourser 300 KF pour cela ne m’amuse pas. C’est pour cette raison que nous migrerons vers Linux. Mais dans l’ensemble l’économie réalisée concerne surtout le temps. Aujourd’hui installer une version Mandrake est facile même pour un débutant. Il en est tout autre pour une version Windows qui nécessite l’intervention d’un informaticien durant deux heures. En deux ans et demi, on n’a eu à déplorer aucune panne majeure. D’ailleurs, on n’a pas de maintenance à faire, alors que l’on doit déléguer quelqu’un pour les serveurs Windows qui sont une « horreur totale ». De plus, une des particularités de Linux est la présence d’une véritable communauté. On peut obtenir une réponse pour n’importe quel type de problèmes en utilisant Internet, et la réponse est souvent d’ailleurs plus pertinente que via un service d’assistance d’un revendeur de logiciel.
VNUnet : Pourquoi avoir choisi une distribution Mandrake plutôt qu’une autre ?
Christophe Verdier :Avant d’arriver à ce choix, nous sommes passés par différents stades. Nous avons commencé par la distribution Slackware, avant de migrer rapidement vers RedHat, pour enfin être aujourd’hui sur Mandrake. Cette version apporte beaucoup plus de valeur ajoutée dans l’intégration de son produit et concernant la maintenance de la distribution et du matériel. Sur la performance d’un poste de travail, la distribution Mandrake 7.1 est 25 % plus rapide qu’une RedHat 6.2 lors de manipulation de fichiers ou de calcul simple. L’objectif premier a été de mettre en place un serveur une fois pour toute, sans que l’on ait des problèmes de bogues. Linux répond à nos exigences en collant aux besoins spécifiques d’une écurie de F1.
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