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La liberté d’expression et ses limites : Facebook ne pourra pas esquiver la justice française

Depuis quatre ans, un internaute français se bat contre Facebook pour qu’un litigé lié au réseau social soit examiné en France. Jeudi 5 mars, le tribunal de grande instance de Paris lui a donné gain de cause.

L’origine du litige peut paraître anodine : un simple partage de lien, rapporte Le Figaro.

Le 27 février 2011, un instituteur passionné d’art recommande sur sa page Facebook un reportage sur le tableau L’Origine du monde (de Gustave Courbet) avec un lien accompagné d’une photo de l’œuvre, représentant un sexe de femme.

Facebook considère ces éléments comme un contenu indésirable sur la foi de ses CGU et suspend le compte de l’utilisateur. Mais celui-ci perçoit de son côté une atteinte à la liberté d’expression et enclenche une action en justice contre le réseau social.

Sur ce motif fondé sur l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme, le plaignant demande la réactivation du compte Facebook ainsi que des dommages et intérêts.

C’est régulièrement un réflexe des grands groupes Internet : considérer dans ses conditions d’usage qu’en cas de litige, seule la législation américaine (souvent californienne en raison de l’implantation dans la Silicon Valley) prévaut quelle que soit l’implantation internationale. Par conséquent, toutes les plaintes à leur encontre sont à déposer devant une juridiction compétente américaine…

Ainsi, Facebook stipule dans son règlement que toute action en justice contre Facebook doit se faire « exclusivement devant un tribunal américain du Northern District de Californie ou devant un tribunal d’État du comté de San Mateo ». Le droit applicable dans un litige est celui de l’État de Californie, « sans égard aux dispositions en matière de conflits de lois ».

Le 23 mars 2012, la cour d’appel de Pau avait déjà rendu un arrêt dans ce sens en la défaveur de Facebook. Un internaute français avait porté plainte pour coupure abusive de son compte sur le réseau social.

Selon le portail juridique Legalis, la société Internet d’origine américaine avait tenté « d’opposer l’incompétence de la juridiction de proximité au profit de la juridiction arbitrale et, à défaut, au profit des juridictions compétentes de l’Etat de Californie (USA) ».

Peine perdue. La cour d’appel de Pau avait alors déclaré « non écrite la clause attributive de compétence aux tribunaux de Californie contenue dans les conditions générales d’utilisation du site internet Facebook ».

Territoires et Internet sans frontières : quelle justice à appliquer ?

Cette technique d’esquive des groupes Internet, on pourrait aussi l’interpréter comme une volonté de canaliser le nombre de procédures judiciaires susceptibles d’émerger au regard de leur aura internationale.

Sur le sol français, d’autres procédures associées à des sociétés Internet de grande influence avaient permis d’aborder les limites de la dimension territoriale « à l’ère du numérique sans frontières ».

Au début des années 2000, Yahoo avait déjà invoqué cet argument dans le procès lié aux enchères nazies réalisées sur son portail.

En 2004, le portail Internet avait cherché à faire reconnaître par la justice fédérale américaine la non-application sur le territoire des Etats-Unis d’une décision d’un tribunal français prise en sa défaveur.

Plus récemment, en 2013, Twitter a cherché à botter en touche dans l’affaire qui l’opposait à l’UEJF à propos de la diffusion par des membres du réseau social de tweets incitant à la haine. Ce qui avait irrité Fleur Pellerin, la ministre déléguée en charge du numérique à l’époque.

Là aussi, la justice française n’a pas suivi cette logique : Twitter a été finalement sommé de se défendre devant un tribunal national.

(Crédit photo : Shutterstock.com – Droit d’auteur : xtock)

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