L’Icann attaquée de toutes parts
Un membre du bureau qui porte plainte pour obstruction d’accès aux documents internes, une lettre ouverte appelant à une réforme urgente… l’Icann est attaquée de toutes parts. Même les patrons français, par l’intermédiaire du Cigref, ont exprimé leur mécontentement quant à la direction prise par l’organisme chargé de gérer les noms de domaine.
Rien ne va plus à l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Icann) ! Après avoir rejeté l’idée d’organiser des élections « publiques » (voir édition du 15 mars 2001), le bureau chargé de la gestion des noms de domaines connaît des remous à l’intérieur même de ses murs. Représentant les internautes nord-américains, Karl Auerbach a porté plainte auprès de la cour supérieure de Californie contre l’organisme, le 18 mars dernier, pour obstruction d’accès aux dossiers administratifs, notamment financiers.
Pourtant membre du comité directeur, Karl Auerbach se plaint de n’avoir jamais pu accéder aux documents demandés depuis son élection en novembre 2000. Selon le communiqué de l’Electronic Frontier Foundation (EFF) qui soutient la démarche du plaignant, les dirigeants de l’Icann ont fait traîner les choses avant de changer arbitrairement les règles de consultation des documents administratifs. « Ce n’est pas seulement ennuyeux », écrivent les auteurs du communiqué, « c’est illégal dans l’Etat de Californie » où réside le siège de l’Icann. Naturellement, l’Icann, par l’intermédiaire de son président Stuart Lynn, réfute totalement ces accusations qu’il retourne contre l’auteur en l’accusant de ne pas avoir voulu suivre les règles de procédures internes.
Possible. Mais l’Icann n’est pas seulement attaqué de l’intérieur. Dans une lettre ouverte à la communauté Internet publiée le 18 mars également, trois membres du PFIR (People for Internet Responsability) constatent l’échec du fonctionnement de l’organisme mondial. « L’Icann a fait la preuve de son incapacité à établir des lois, à les appliquer et à les gérer », écrivent David J. Farber, Peter G. Neumann et Lauren Weinstein. « Le manque de représentation significative, son modèle de règles draconiennes et, apparemment, arbitraires, et sa politique de changement ont créé un environnement instable et suspicieux qui est nuisible aux intérêts des utilisateurs d’Internet dans le monde. » En conséquence, les trois protagonistes ne proposent pas moins que de transférer, dans un premier temps et immédiatement, les pouvoirs de l’Icann à une ou plusieurs organisations à but non lucratif. L’Internet Architecture Board (IAB) est d’ailleurs proposé à ce titre. Ensuite, il conviendrait de lancer une vaste étude internationale sur les besoins liés au développement du Net afin de redéfinir le rôle et le fonctionnement de l’Icann.
Les grandes entreprises françaises également mécontentes
Un sentiment qu’exprime également le Cigref. Si le Club informatique des grandes entreprises françaises partage ironiquement l’avis de Stuart Lynn sur la nécessité de réformer l’Icann, il s’oppose totalement aux directions prises. « La proposition de M. Stuart Lynn n’est pas acceptable, avant tout parce qu’elle exclut du schéma les entreprises utilisatrices d’Internet », rapporte Sébastien Bachollet, délégué général adjoint du Cigref. Il accuse notamment l’Icann d’écarter les déposants de noms de domaines et de vouloir créer « une organisation qui s’auto-perpétue en conduisant à un système pyramidal pour la sélection de tous les décideurs ». Ainsi, la participation uniquement financière des Etats nationaux proposée par l’Icann est, selon le Cigref, « une erreur ». Les représentants risqueraient ainsi de se limiter aux seuls Etats qui disposent de moyens financiers, dont les Etats-Unis « qui jouent aujourd’hui encore un rôle trop fort au sein de l’Icann ». Le Cigref recommande plutôt un financement basé sur une participation proportionnelle aux services utilisés pour chaque nom de domaine enregistré. « De cette façon, les utilisateurs finals contribueront pour leur utilisation du système des noms de domaine (DNS) sur une base annuelle et soutiendront le travail mené par l’Icann. »
Le Cigref juge également « crucial » de séparer fonctions politiques et fonctions d’exécution, ce qui n’est visiblement pas le cas actuellement. Attaqué de toutes parts, l’Icann tentera-t-elle de résister obstinément ou consentira t’elle à tendre l’oreille aux critiques ? Le prochain rendez-vous, prévu en octobre prochain à Shanghai, apportera probablement un début de réponse.