Liens hypertextes : la responsabilité des auteurs est engagée
Le créateur d’un lien hypertexte vers des contenus illicites est-il responsable ? Oui, répond le Forum des droits sur l’Internet, mais pas autant que l’auteur même du contenu. Quant aux moteurs de recherche, ils doivent rompre les liens dès qu’ils ont connaissance du caractère illégal d’une page.
Les liens hypertextes qui pointent vers des contenus illicites sont-ils légaux ? Quelle est la responsabilité de leur auteur ? Après avoir posé la question du « bon usage de l’hyperlien » (voir édition du 4 mars 2003), le Forum des droits sur l’Internet (FDI) aborde aujourd’hui la question de la responsabilité des auteurs de liens vers des contenus illicites (de type pornographie infantile, racisme, mais aussi fichiers MP3 à diffusion non autorisée et autres sources numériques protégées par la propriété intellectuelle). Après sept mois de travaux en concertation avec des spécialistes (exploitants de moteurs de recherche, webmestres, documentalistes, représentants d’ayants droit, spécialistes du droit de l’Internet…), le FDI délivre aujourd’hui sa recommandation. Celle-ci a notamment pour vocation de fournir une grille de lecture aux autorités judiciaires puisque cette problématique est absente tant dans le projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) de Nicole Fontaine que dans la directive du commerce électronique.
Les moteurs de recherche, tout d’abord. Le FDI recommande que les exploitants d’un tel système d’indexation du Web procèdent « au déréférencement immédiat des pages à caractère illicite dès qu’ils en ont connaissance ». Un avis que ne partage pas l’AFA : l’association des fournisseurs d’accès français estime la mesure à la fois trop restrictive et inefficace dans la mesure où le lien serait, de manière automatique, réactivé sous une URL différente. De plus, selon l’association, il est difficile à un moteur de déterminer ce qui est illicite dans une page Web, et une analyse humaine des millions de pages référencées par les moteurs est impossible. Le FDI souligne cependant qu’il a bien conscience de ces difficultés entraînées par le déréférencement.
Une responsabilité éditoriale à assumer
Les « créateurs manuels de liens hypertextes » sont eux plus à même de contrôler ce qu’ils pointent. Créateurs de sites, gestionnaires d’annuaires ou journalistes ont une responsabilité éditoriale qu’il doivent assumer. C’est pourquoi, en toute logique, le Forum recommande la vérification du contenu avant de poser un lien et, surtout, de maintenir une certaine distance avec ce contenu illicite éventuel. Mais dans tous les cas, si le contenu litigieux est reconnu comme illicite, l’auteur du lien se doit de le supprimer.
D’autre part, le FDI incite les victimes de contenus préjudiciables à se retourner en premier lieu contre les auteurs de ces contenus avant d’attaquer l’hébergeur et, en dernier recours, contre l’auteur d’un éventuel lien. A ce titre, le FDI propose au juge de n’engager la responsabilité d’un auteur de lien que si l’infraction a manifestement été commise en connaissance de cause. « Le fait de créer un lien n’entraîne pas la même responsabilité que le fait de publier un contenu, ce qui signifie par exemple que les éditeurs et les journalistes ne sont pas nécessairement responsables du contenu des sites qu’ils lient. Tout dépend de l’approbation qu’ils manifestent pour le contenu en question », écrivent les auteurs de la recommandation. Quant à la question des liens commerciaux mis en ligne sur les moteurs de recherche, elle fera l’objet d’un autre groupe de travail, même si le FDI considère que « les moteurs de recherche doivent rester vigilants pour éviter de voir leur responsabilité engagée pour contrefaçon dans le cadre du référencement payant ».