Hervé Rony, secrétaire général du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), a profité de l’ouverture du Midem à Cannes (du 25 au 29 janvier 2004) pour renouveler ses menaces de poursuites judiciaires à l’encontre des internautes qui diffusent en ligne des titres musicaux protégés par le droit d’auteur. Selon lui, ces échanges illégaux expliquent la baisse de 14,6 % des ventes de disques en France en 2003, pour un chiffre d’affaire de 2,1 milliards d’euros. Si les poursuites judiciaires deviennent « inévitables », le porte-parole du principal syndicat de l’industrie musicale (le SNEP représente une cinquantaine de maisons de disques dont les majors Universal Music, Warner Music, EMI, Sony Music et BMG) n’a pas précisé quand elles commenceraient. La gravure à domicile de CD non protégés serait également responsable de la baisse des ventes de disques.
Contrairement aux Etats-Unis où le marché est en baisse depuis trois ans, la France est confrontée au phénomène pour la première fois. « C’est arrivé de manière très soudaine », a déclaré Hervé Rony à Reuters. « Apparemment, il y a un lien entre la chute du marché et le développement de l’accès à Internet. » Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France, est quant à lui beaucoup plus radical. « Grâce au haut débit, les fournisseurs d’accès ont engrangé 600 millions d’euros de chiffre d’affaires sur une promesse scandaleuse : l’accès gratuit aux contenus musicaux. Considérez que cette somme a été volée aux artistes et aux industries du disque », a-t-il déclaré au magazine Le Point.
Disparités européennes
Si l’industrie du disque en France, et plus largement en Europe, doit prendre à bras le corps le problème des téléchargements illégaux, elle doit aussi composer avec les nouvelles conditions de la distribution commerciale. En effet, le CD audio, une technologie vieille de plus de vingt ans, serait un modèle en perte de vitesse. Et les éventuels successeurs comme le Super Audio CD (SACD) ou le DVD audio n’ont pour le moment pas prouvé leur capacité à remplacer le CD. Influencées par le succès américain de l’iTunes Music Store d’Apple (30 millions de titres vendus en 2003), les maisons de disques lorgnent désormais vers la distribution en ligne. Selon une étude de Forrester Research, la musique numérique en ligne représentera 300 millions de dollars de chiffre d’affaires aux Etats-Unis en 2004 et un tiers des ventes en 2008 (environ 20 % en Europe). Mais les modèles de ventes en ligne se heurtent aux disparités économiques et légales qui existent entre les nations du Vieux Continent. Les entrepreneurs de ce modèle de distribution sont confrontés aux différents modes de paiement en ligne, à la diversité des contrats de licence ainsi qu’au calendrier des sorties différent d’un territoire à l’autre. Autant d’obstacles qui compliquent et retardent l’implémentation des versions européennes d’iTunes Music Stores ou Napster. Mais les représentants de ces deux plates-formes ont promis de se lancer sur le marché européen pour 2004.
Ils ne devraient pas être les seuls. De Coca-Cola au supermarché Wal-Mart, de MusicMatch à RealNetworks, nombre d’acteurs plus ou moins proches de l’industrie musicale ou informatique investissent le marché de la musique en ligne. Même l’ancien créateur de Napster (première version) y croit encore. Avec quelques pionniers du peer-to-peer, Sean Fanning développe une nouvelle plate-forme d’échange de fichiers musicaux en ligne mais dans une version commerciale, cette fois. Sous le nom de code Snocap, cette application de peer-to-peer sera capable de reconnaître un fichier musical installé sur les disques durs des particuliers et d’y rattacher les droits d’exploitation commerciale avant tout téléchargement. Mais aucune date de lancement n’est à ce jour avancée. Il reste d’ailleurs au modèle de vente de la musique en ligne à prouver sa pertinence économique. A moins de 1 dollar le titre, Apple n’a jamais caché réaliser des bénéfices principalement sur les ventes de l’iPod tandis que les maisons de disques, qui récupèrent 70 % du prix de la vente, estiment l’activité non rentable pour elles. Il reste qu’elles n’ont probablement plus d’autre choix que de considérer Internet comme un réseau de distribution à part entière.
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