L’iTunes Music Store sous le feu des critiques

Mobilité

Malgré les 10 millions de morceaux vendus, l’iTunes Music Store est sur la sellette : la société gérant les droits des Beatles poursuit Apple en justice et les artistes critiquent la politique du magasin en ligne favorisant les distributeurs.

Le magasin de musique en ligne version Apple aura peut-être plus de difficultés à s’imposer que prévu. Le service n’est pour l’instant disponible qu’aux Etats-Unis, même si quelques utilisateurs européens ont réussi à y faire leurs emplettes en utilisant une carte de crédit émise aux Etats-Unis ou leur carte American Express. Et malgré 10 millions de titres déjà vendus, l’échoppe virtuelle doit maintenant faire face à deux difficultés majeures. Premier écueil : Apple se voit poursuivie depuis juillet par la société anglaise Apple Corps Ltd, qui gère les droits des ex-membres du groupe britannique The Beatles. « La plainte porte sur l’utilisation par Apple Computer du mot Apple et de son logo en conjonction avec sa nouvelle application de téléchargement de musique préenregistrée sur Internet. » L’affaire est liée à un accord datant de 1991, par lequel Apple s’engageait à ne pas utiliser son nom ni son logo sur le marché de la musique. La réaction de la société californienne ne s’est pas fait attendre : « Apple et Apple Corps ont maintenant des interprétations différentes de cet accord et devront demander à la cour de résoudre cette dispute », a-t-on indiqué à nos confrères de MacCentral. Bien que la société représentante des Beatles n’ait pas indiqué les dommages et intérêts qu’elle comptait réclamer ou les peines qu’elle entendait faire appliquer, l’opération pourrait bien aller jusqu’à l’interdiction d’opérer sur le marché de la musique. Il est toutefois probable qu’Apple Corps cherche à régler le différend par le versement d’une indemnité au montant non négligeable.

Mais les Beatles ne sont pas les seuls à ne pas voir d’un bon oeil la solution musicale d’Apple : le site downhillbattle.org dénonce quant à lui les inconsistances de la structure de rémunération mise en place autour de l’iTunes Music Store. Le site d’Apple est traité de « ravalement de façade pour une industrie corrompue ». Les créateurs du site maintiennent que la solution trouvée par Apple pour éveiller l’intérêt des fans de musique et les inciter à ne pas voler les morceaux de leurs stars préférées ne fait qu’entériner l’exploitation des artistes par l’industrie musicale. Downhillbattle juge bon l’accord entre les labels indépendants et la firme (voir édition du 24 juillet 2003). Mais pour le site, les artistes ne sont pas rémunérés justement : si Apple prélève 35 %, les maisons de disque s’adjugent 65 % des ventes et reversent seulement de 8 à 14 % aux artistes ! Apple se rémunèrerait trois fois mieux que les artistes ! Et le site contestataire de proposer une solution plus adaptée selon lui (voir encadré).

Un modèle monopolistique

C’est la question du partage de la rente qui pose problème à quelques artistes. Il faut dire qu’iTunes n’est pas seul montré du doigt : si l’on en croit certains musiciens interrogés par le New York Times, les maisons de disques ne semblent pas reverser les royalties qu’elles doivent à leurs artistes, tout du moins aux Etats-Unis. La maison de disques sert d’intermédiaire entre l’artiste et son public. « Je n’ai pas de sympathie pour les maisons de disques. Elles ne m’ont pas du tout payé de royalties », indique Mickey Melchiondo du groupe subversif Ween, qui apparaît toutefois sur l’iTunes Music Store. Steve Jobs, le PDG d’Apple, avait lui-même eu des mots très durs contre les intermédiaires alors qu’il était à la tête de NeXT (voir édition du 26 septembre 2000). L’intermédiation et sa rémunération à l’heure de l’Internet posent donc problème. Les artistes gagnent ainsi plus en réalisant des tournées qu’en vendant des albums. Certains d’entre eux laissent leurs morceaux en téléchargement libre pour faire de l’autopromotion et inciter leurs fans à venir aux concerts. De sorte que l’iTunes Music Store, pourtant la meilleure solution de vente de musique en ligne existante, est surtout critiqué pour la reproduction du modèle monopolistique établi par les maisons de disques. Quant à celles-ci, rassemblées au sein de la RIAA (voir édition du 9 septembre 2003), elles représentent 90 % de la musique enregistrée vendue. Mais jusqu’à quand avec l’évolution des technologies ? Et le modèle iTunes est-il reproductible en dehors des Etats-Unis ?