Plus de 21 000 participants et 8500 contributions…Fort de cette récolte collaborative dans le cadre de la consultation citoyenne pour son projet de loi sur le numérique, le gouvernement a rendu ses derniers arbitrages cette semaine (le Premier ministre Manuel Valls planchait encore dessus hier soir).
Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique, en a fait la présentation en fin de matinée du texte remanié « collectivement ». Des contributions ont été intégrées au projet de loi. Avec au final « six propositions qui ont changé le projet de loi » et neuf grands débats alimentés. Un exercice inédit dans l’élaboration d’un projet de loi qui rencontre toutefois ses limites.
« On m’a reproché » de faire un effet de comm’, ce n’est pas un gadget. C’est le pari de l’intelligence collective », a commenté Axelle Lemaire. « La semaine prochaine, nous apporterons 200 réponses personnalisées. Cela représente un travail titanesque si on voulait tenir le délai du gouvernement. »
La mouture enrichie du projet de loi passera devant en Conseil des Ministres puis en Conseil des minsitres avant de basculer vers le Parlement. En décembre, la Commissions des lois de l’Assemblée nationale sera saisie au fond (mais d’autres commissions pourront apporter leurs contributions pour avis). Puis le texte sera débattu dans l’Hémicyle début 2016. Si le timing de Bercy est respecté.
Entrons dans le vif du sujet. Six propositions modifient la portée du projet de loi :
– L’ouverture des algorithmes publics : vers plus de transparence sur les règles algorithmiques publiques. Ainsi, lors d’une décision administrative individuelle basée sur un traitement algorithmique (logiciel « admission » post-bac par exemple), un citoyen lambda pourrait avoir le droit de demander à l’administration concernées la communication des règles constituant ces algorithmes et ses principales caractéristiques.
Mais on peut s’interroger sur cette démarche : pour en faire quoi ? Certes, on gagne en « confiance dans les outils de décision » mais le recueil de cette documentation technique risque de dérouter le citoyen lambda…Pourrat-t-on aboutir à une contestation des algos mis en branle ? Le gouvernement n’a pas fourni de précisions à ce sujet ;
– Renforcement des droits des chercheurs à diffuser librement leurs travaux lorsque ces derniers sont financés par des deniers publics;
– Durcissement des pouvoirs de sanction de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs : on pourrait aller vers un système de blacklist des administrations qui ne jouent pas l’ouverture des données publiques prévues par la loi;
– Les gamers vont sortir de l’underground. Reconnaissance des compétitions de jeux vidéo (« e-sport ») : vers une officialisation de cette pratique intensive (vraiment sportive ?) des compétitions de jeux vidéo ? Un article a été ajouté au projet de loi en vue d’une officialisation mais une mission parlementaire devrait proposer des recommandations en vue d’un encadrement de l’e-sport;
– Original : le droit à l’auto-hébergement. Les FAI et les hébergeurs auront l’obligation de laisser leurs clients disposer d’un accès réseau à leurs serveurs NAS individuels. A condition que le client assure sa propre sécurité IT, précise Axelle Lemaire. Pas sûr que cette disposition fasse plaisir aux prestataires concernés. Ne serait-ce justement qu’en raison des risques de sécurité IT en élargissant ouvrant des passerelles d’auto-hébergement. On va entrer assez rapidement dans des considérations techniques.
– L’accessibilité des sites Internet et plus glaoblement la prise en compte du handicap : à classer dans la catégorie e-inclusion. « La grande majorité des propositions ont été directement intégrées au projet de loi. »
Le projet de loi sur le numérique d’Axelle Lemaire agite neuf débats de fond :
– l’ouverture des données publiques progressives;
– le libre accès aux publications scientifiques de la recherche publique (sur la plateforme de consultation citoyenne, l’orientation des débats a déplu de manière surprenante aux éditeurs de publications scientifiques, des universités et le CNRS au point d’alimenter « une discussion animée »). Les dispositions devraient permettre d’aboutir à une réduction des délais d’embargo en fonction des travaux réalisés dans les sciences (humaines, technologies médecine…);
– Neutralité Internet : des dispositions à mettre en lien avec le cadre fixé par le Parlement européen le 27 octobre. On reparle des pouvoirs de sanction générale de l’ARCEP. Mais il sera aussi intéressant de voir comment le Parlement français va affiner la notion de « services spécialisés » qui fait couler de l’ancre autant au niveau UE que USA);
– Définition du « domaine commun informationnel » (article 8) : il disparaît. « C’est trop inquiétant pour les ayants droit. Plutôt qu’un passage en force, le gouvernement a choisi de poursuivre les discussions », a précisé Axelle Lemaire. Le travail de définition se poursuivra, à travers une « mission » pour valoriser le domaine public et favoriser la création de communs, « essentiels à l’innovation et la croissance ».
– Les missions de la CNIL seront élargies à la « promotion de l’utilisation des données de technologie de chiffrement ». Axelle Lemaire en a profité pour préciser qu’en l’état actuel, la fusion de la CNIL et de la CADA n’était pas d’actualité. Néanmoins, les deux administrations devraient se rapprocher en fonction de certains dossiers communs. Une position similaire à celle adoptée pour les passerelles entre l’ARCEP et le CSA (mains on attend encore un approfondissement de la collaboration des régulateurs des télécoms et de l’audiovisuel);
– La promotion du logiciel libre : c’est toujours sympa à placer dans un texte de loi sur le numérique mais il n’y a pas de contraintes ou de préférences pour l’adoption de ce type d’outils par les administrations (même si dans la loi ESR du 22 juillet 2013, on a consenti que « Les logiciels libres sont utilisées en priorité » dans l’enseignement supérieur).
– La reconnaissance et la promotion du chiffrement : après la partie écornée de nos libertés numériques dans le cadre de la règlementation sur le renseignement, on peut considérer cet effort comme un lot de consolation;
– L’action de groupe a déjà un fondement législatif (restreint) et le gouvernement considère qu’il est encore trop tôt pour le modifier. Le dossier de presse précise néanmoins que la DGCCRF est de plus en plus saisie de dossiers qui touchent le numérique. « C’est un axe prioritaire de son programme d’enquête de l’année 2016. »
Dans cette mouture « densifiée » du projet de loi figurent encore trois articles en suspens sur des points précis :
– la transmission de données par voie électronique à l’INSEE dans le sens de la modernisation de l’administration (le champ d’application reste à débattre);
– les travaux statistiques ou de recherche le numéro de sécurité sociale (vers la création d’un code dérivé du NIR qui pourrait faciliter le travail des chercheurs);
– Et le paiement par SMS dans le cadre de dons à des associations caricatives. Des initiaves cross-opérateurs ont déjà été menées dans ce sens lors du séisme qui a frappé Haïti en janvier 2010 (reversement total des fonds aux organisations pour les secours d’urgence). Ce serait vraiment sympa de figer le dispositif. Mais faut-il passer par la loi ?
La nouvelle mouture de la loi sur le numérique devrait être updatée sur la plateforme Republique-numerique.fr. Ce matin, à Bercy, on n’a distribué qu’un simili-wiki sur papier pas vraiment digeste mais c’est réalisé au nom de la « transparence ».
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