« Insécurité juridique pour tout le monde ! Voilà ce que la majorité de l’Assemblée nationale a décidé le 26 février 2003, en adoptant en première lecture le projet de loi sur l’économie numérique (LEN). Si les dispositions concernant la responsabilité des intermédiaires techniques devaient être adoptées définitivement, l’égalité devant la loi serait en fait le seul principe constitutionnel respecté par la LEN. » Après les fournisseurs d’accès (voir édition du 28 février 2003), la loi sur l’économie numérique (LEN) de Nicole Fontaine provoque la colère de l’association IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire). Les critiques de l’association envers la loi sont globalement les mêmes que celles des FAI, du Forum des droits de l’Internet (voir édition du 10 février 2003) ou d’autres acteurs du secteur associatif comme Odebi (voir édition du 24 janvier 2003) : la disparition du droit commun remplacé par le seul jugement du FAI ou de l’hébergeur.
Ainsi, IRIS rappelle que cette « insécurité » touchera l’auteur ou l’éditeur d’un site Web qui « serait à la merci du premier mécontent du contenu ». Lequel serait en droit d’obtenir la suppression d’un contenu sur simple notification à l’hébergeur. Ce dernier sera tout autant soumis à l’insécurité engendrée par la LEN puisqu’il « aurait dorénavant non seulement une obligation de surveillance a priori de certains contenus parmi tous ceux qu’il héberge, mais de plus se trouverait contraint d’obtempérer aux demandes de suppression de contenus qui lui seraient notifiés comme illicites, sous peine d’en être considéré comme lui-même responsable », résume IRIS. Selon l’association des fournisseurs d’accès français (AFA), ses membres exercent déjà une surveillance concernant les contenus clairement illicites, notamment ceux en relation avec le racisme et la pédophilie. Pour le reste, les FAI et hébergeurs ne prendront pas le risque de se retrouver devant le juge pour un contenu qu’ils n’ont pas créé. Paradoxalement, c’est par l’auteur du site censuré qu’ils pourraient être poursuivis…
15 000 euros d’amende et un an de prison
En rappelant les risques encourus par l’auteur d’une notification, IRIS se plait à souligner les contradictions mêmes de la loi. L’association relève qu’une personne physique réclamant la suppression d’un contenu « risquerait des poursuites pour caractérisation abusive de l’apparence d’illicéité d’un contenu » (sic). A ce titre, elle risquerait 15 000 euros d’amende et un an de prison, alors qu’actuellement sa plainte n’aurait simplement pas eu de suite juridique. Entre les producteurs de contenus refroidis par le risque de censure, les censeurs échaudés par les risques d’emprisonnement et les prestataires techniques fuyant les ennuis juridiques, le Web français risque de se transformer en un vaste désert. Pour IRIS, « Internet échapperait au droit commun ». L’hébergeur remplacerait le juge et la demande de suppression de contenu éliminerait tout débat.
Pour éviter qu’Internet ne devienne cette « zone de non-droit », IRIS appelle à signer une pétition car l’association a peu d’espoir que le Sénat renvoie la copie à ses auteurs. « Si les sénateurs n’ont pas la sagesse de rendre ce texte conforme à l’État de droit, il sera de la responsabilité de l’opposition parlementaire de saisir le Conseil constitutionnel de cette loi », précise le communiqué. L’espoir que la loi soit revue est donc faible.
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