Loïc Le Meur (LeWeb Londres) : « Airtime, le pitch de Seesmic Vidéo il y a cinq ans »
Grande intervieWWW du « serial-entrepreneur » français, qui vit à San Francisco. Il exporte le concept de son forum LeWeb à Londres et continue à côté de diriger Seesmic (réseaux sociaux).
ITespresso.fr : En tant que Net-entrepreneur, tu as fondé Seesmic. Comment évolue son activité ?
Loïc Le Meur : Le succès escompté n’est pas particulièrement au rendez-vous. Pourtant, on a essayé. On est passé par trois modèles successifs.
C’est marrant : à l’heure où l’on se parle, Sean Parker et Shawn Fanning [fondateurs de Napster, ndlr] viennent de lancer Airtime. C’est exactement le pitch de Seesmic Video à son démarrage il y a cinq ans. Je vois cela comme un compliment. J’ai croisé Sean Parker il y a deux jours et je l’ai félicité. Mais je lui ai aussi dit que j’avais des doutes. Non pas sur la technologie qui est au point mais sur les usages et les raisons humaines.
Les gens sont timides dès lors qu’il s’agit de se montrer en vidéo. Même en HD. La vidéo, c’est parfait pour des entretiens one-to-one ou en famille. Mais l’exploitation de la vidéo publique s’avère plus compliquée. Les gens se trouvent cons. Moi-même, je faisais beaucoup de vidéos et j’en ai pris conscience. C’est un frein énorme mais je souhaite bonne chance à Airtime.
Revenons à notre sujet : Seesmic est passé par différentes phases. Cela reste une équipe d’une douzaine de personnes qui se concentrent sur l’idée de partage dans les réseaux sociaux. Seesmic Ping est un outil simple pour tout partager sur les réseaux sociaux (2000 inscriptions par jour en l’état actuel).
Nous sommes en train de monétiser notre application Android (elle génère environ 20 000 dollars par mois, ce qui est au-delà de nos espérances). Le service Seesmic Ping va aussi passer en exploitation fremium (mi-gratuit, mi-payant) en fonction du volume des mises à jour des réseaux sociaux.
ITespresso.fr : Avec Seesmic, tu t’étais rapproché de l’écosystème Salesforce.com…
Loïc Le Meur : Oui. mais l’offre n’a pas décollé. Nous avions lancé des applications mobiles pour l’écosystème Salesforce. Mais j’ai surestimé la capacité des entreprises à adopter des nouveaux outils. On a conclu que cela demanderait trop de temps pour les faire fonctionner.
Il y a très peu de propagation virale pour les applications professionnelles. Contrairement aux apps grand public qui peuvent se diffuser rapidement si elles séduisent les gens via les réseaux sociaux.
ITespresso.fr : C’est rageant quand on voit Salesforce.com racheter Buddy Media pour 690 millions de dollars ?
Loïc Le Meur : Non, il ne faut pas voir cela comme tel. J’ai d’ailleurs félicité le CEO Michael Lazero dès l’annonce officielle.
Buddy Media est à considérer comme une très grosse Web agency. Il y a quinze ans, quand j’ai commencé dans le Web, mon agence (B2L) développait des sites Internet. Maintenant, la nouvelle génération conçoit des pages Facebook.
ITespresso.fr : On a l’impression que tu voudrais tourner la page Seesmic et lancer un nouveau défi…
Loïc Le Meur : Seesmic est un échec, je le sais. Mais je suis tenace. On multiplie les pistes jusqu’à ce qu’on trouve celle qui marche. J’ai bon espoir d’équilibrer Seesmic avec une petite équipe, un service simple et un modèle stable.
Dans ma vie, j’ai créé cinq start-up et j’en ai revendu trois. Mon objectif personnel n’est pas financier. Je vis plutôt confortablement. J’ai surtout envie de faire des choses qui m’intéressent et je ne compte pas m’arrêter là : faire le prochain Instagram avec le potentiel de millions d’utilisateurs. C’est plus fort que moi.
ITespresso.fr : Entre l’Europe et les Etats-Unis, quelles différences observes-tu en termes de dynamisme d’écosystèmes de start-up ?
Loïc Le Meur : L’ambition et le risque. Parmi les entrepreneurs que tu croises dans la Silicon Valley, ils veulent tous devenir un Mark Zuckerberg et créer un Facebook.
Autre grande différence : l’échec n’est pas un problème ici, c’est la capacité de rebondir.
Néanmoins, il existe une certaine dynamique start-up en Europe. Pour la dernière édition LeWeb Paris, on a recensé 800 start-up en compétition (600 à Londres). C’est énorme. Et elles sont plutôt de bonne qualité et on peut se féliciter de ce regain d’entrepreneuriat.
Mais, après, il faut regarder quelles start-up disposent d’un véritable rayonnement mondial. Tu les comptes sur les doigts d’une main : Rovio, Spotify, SoundCloud…
Dans la Silicon Valley, on est capable de créer des grands succès planétaires comme Zynga. Je trouve qu’il n’y a pas assez de succès globaux à partir de l’Europe. Et c’est dommage. L’environnement n’est peut-être pas encore suffisamment propice.
(Lire la fin de l’interview page 3) : Facebook en Bourse, la politique, la gestion des réseaux sociaux…