Lutte anti-piratage des oeuvres numériques : une avancée majeure mais…
Une nouvelle chronique juridique d’Anne-Katel Martineau, Avocat au Barreau de Paris.
En effet, le projet actuel prévoit la suspension de l’abonnement Internet d’un internaute qui aurait pratiqué plusieurs téléchargements illégaux d’oeuvres numériques. L’identification de l’internaute se fera par l’adresse IP (Internet Protocol) de l’ordinateur utilisé par l’internaute. Or, cette adresse IP constitue une donnée à caractère personnel.
Ainsi, la cour d’appel de Rennes a rappelé dans deux arrêts des 22 mai (X. c/ Sacem et SDRM) et 23 juin 2008 (X. c/ SCPP), que l’adresse IP est une donnée à caractère personnel dont le traitement est soumis à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée. Les juges du fond en ont déduit que la recherche d’une adresse IP nécessite une autorisation préalable de la CNIL lorsque cette recherche est effectuée afin de faire le constat que l’adresse IP est recueillie par un agent assermenté pour établir la contrefaçon d’oeuvres numériques et l’échange illicite de ces oeuvres via des réseaux Peer-to-Peer.
Aujourd’hui si la CNIL refuse de donner son autorisation, il semble difficile de faire aboutir les recherches car les constats risquent d’être annulés comme dans les affaires susmentionnées car les agents assermentés, qui n’ont pas la qualité d’auxiliaire de justice, auront réalisé un traitement de données à caractère personnel en recherchant les adresses IP sans autorisation.
Pourra-t-on avec la nouvelle loi « Création et Internet » contourner un refus de la Cnil ? La nouvelle loi devrait contourner la demande d’autorisation préalable auprès de la Cnil puisqu’une autorité administrative indépendante, la Hadopi (Haute Autorité pour la Diffusion des oeuvres et la Protection des droits de Propriété Intellectuelle), pourra obtenir auprès des Fournisseurs d’accès à Internet (FAI) l’adresse IP.
La Hadopi, qui ne se substituera pas à l’autorité judiciaire, aura pour vocation à prévenir et sanctionner le piratage des oeuvres numériques. Les sanctions, telles que la suspension de la connexion à Internet, seront prononcées par une commission de protection des droits, composée de magistrats, dont les décisions pourront faire l’objet de recours devant les autorités judiciaires.
Anne-Katel Martineau
Avocat au Barreau de Paris