« La loi Création et Internet va remettre au centre du débat la création de la musique et sa valeur. » Bernard Miyet, président de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), ne laisse planer aucun doute sur la position de sa maison. Au nom des auteurs, les gestionnaires de la société de gestion de droits soutiennent sans réserve la future loi contre le piratage sur Internet présentée hier (mercredi 18 juin) en Conseil des ministres.
Pour mémoire, le texte qui arrivera à l’automne entre les mains des parlementaires prévoit la création de l’Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur l’Internet) qui pourra être saisie par les ayants-droits afin de poursuivre, sans passer par un juge, les internautes qui téléchargent illégalement.
Un principe de riposte graduée sera ainsi instauré. Il prévoit des alertes, par e-mail puis par lettre recommandée, avant une éventuelle coupure temporaire (jusqu’à 1 an) de l’accès Internet contre les récidivistes. C’est à ces conditions que les industriels de la musique oeuvreront pour la généralisation d’offres légales, notamment sans DRM (digital right management ou gestion de droits numériques), des contenus culturels.
Il y a urgence
Et, selon la Sacem, il y a urgence. « Le marché de la musique poursuit sa descente aux enfer« , lance Bernard Miyet. Si les perceptions de la Sacem ont connu un léger mieux de 0,4 % en 2007 (759 millions d’euros dont 9,3 % provenant de l’étranger) par rapport à 2006 (756 millions, en baisse de 0,2 %), la hausse est loin de compenser l’inflation (2,5 % en 2007).
Surtout, les perceptions issues des ventes physiques des disques et vidéos ont chuté de 7,7 % (de 129 à 119 millions d’euros). Une chute que les revenus perçus de la distribution numérique (Internet, téléphonie mobile) sont loin de compenser.
Malgré une hausse de près de 27 %, ils ne représentent guère que 10 millions d’euros (soit 1,3 % des revenus) pour la Sacem. Si les offres légales se multiplient, leurs revenus restent encore marginaux.
A titre d’exemple, le chiffre d’affaire généré par Deezer sur les six premiers mois de son premier exercice s’élève à 70 000 euros (sachant que le service de streaming musical qui soufflera sa première bougie en août prochain). La Sacem perçoit 8 % des revenus de ce service numérique.
Le niveau de revenus des créateurs dégringole
Et ce ne sont pas les récentes offres forfaitaires des fournisseurs d’accès Internet qui vont améliorer significativement la situation dans un premier temps. Selon Bernard Miyet, « le niveau de revenus des créateurs dégringole« .
A travers les contrats signés avec Orange ou SFR qui offrent le téléchargement de 500 titres (300 dans les faits selon un responsable de la Sacem) par mois, « les revenus par titre passent de 5 centimes d’euro à 0,2 centime d’euro pour l’auteur« .
Et de rappeler que sur les 7 centimes que perçoivent les ayants droit pour chaque chanson vendue sur iTunes, les auteurs-compositeurs en touchent à peine 2 centimes. Ce qui fait dire au président que « Internet n’est fait que de micro-transactions qui rapportent peu et coûtent cher à traiter d’où la pertinence du rôle de gestion collective de la Sacem« .
Pour une augmentation de la redevance
Autre source d’inquiétude, la suppression de la publicité sur France Télévisions qui privera la Sacem d’une partie des revenus (aujourd’hui de 202 millions d’euros) qui se concentreront alors essentiellement sur la seule recette de la redevance télévisuelle.
C’est pourquoi la Sacem se prononce pour une augmentation de l’assiette de la redevance plutôt que de taxer les opérateurs et fournisseurs d’accès (FAI) qui « empêcherait la mise en place éventuelle d’une rémunération au profit des ayants droit« . Au passage, la Sacem regrette l’absence de représentants de la création musicale au sein de la Commission Copé chargée de fournir des solutions de financement de l’audiovisuel public.
Donc, en attendant que se mettent en place d’éventuelles solutions d’identification unique des fichiers musicaux (qui permettront de nouvelles sources d’exploitation et une garantie de perception), la lutte contre le piratage est perçue comme la solution d’urgence à la chute de l’industrie musicale.
Et les aspects répressifs que la loi comporte n’impressionnent pas les membres de la Sacem. « Quand on coupe l’électricité ou le téléphone à un abonné qui n’a pas payé, on ne nous parle pas de droit de l’Homme« , argumente Laurent Petitgirard, président du conseil d’administration. « Juguler la piraterie, c’est permettre de reconstruire les bases sur lesquelles la revalorisation du travail des auteurs va pouvoir se faire.« .
Encore faudra-t-il s’assurer de l’efficacité sur le marché des mesures Hadopi qui devraient entrer en vigueur au 1er janvier 2009. Si les mesures répressives font leurs preuves (ce qui restera à vérifier), rien ne dit que les mélomanes sortiront massivement leur porte-monnaie. Avec la multiplication des offres de streaming, la musique gratuite légale (sur le modèle publicitaire) sur Internet est une réalité à laquelle nombre d’internautes se sont accommodés.
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