En cette période trouble, le gouvernement veut canaliser les réseaux sociaux pour filtrer les contenus dérangeants liés au terrorisme.
Tout au long de la semaine post-attentats de Paris, l’exécutif a mis la pression sur Facebook, Google/YouTube et Twitter pour censurer les photos ou vidéos susceptibles de choquer les Français ou de propagande djihadiste.
Il avait déjà pris ce type de mesures après la série d’attentats de janvier autour de Charlie Hebdo.
Après l’assaut du 13 novembre, des efforts ont été fournis pour extirper les photos prises de l’intérieur avec des corps ensanglantés jonchant sur le sol du Bataclan.
Mais c’est une bataille de longue haleine pour endiguer les dérives : entre janvier et juin 2015, Facebook a bloqué au moins 295 publications à la demande des autorités françaises, rappelle Le Figaro.
Avec l’adoption par le Parlement de la prolongation de l’état d’urgence, les mesures de filtrage vont plus loin. Elles introduisent un blocage immédiat des sites Internet faisant l’apologie du terrorisme.
Présenté par des députés membres des radicaux de gauche et de l’UDI et soutenu par certains socialistes, l’amendement en question permet au ministre de l’Intérieur de « prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ».
Autrement dit, le gouvernement dispose du pouvoir de couper les canaux de diffusion des sites Web de l’islam radical et de propagande djihadiste.
Selon Silicon.fr, l’amendement ne précise néanmoins pas la procédure technique pour rendre de tels sites inaccessibles.
La loi du 13 novembre 2014 renforçant la lutte contre le terrorisme prévoit déjà une telle mesure. Elle permet à l’Etat d’exiger de la part d’un hébergeur de couper l’accès à un site Web. Et ce, hors de tout contrôle judiciaire.
Au-delà de 24 heures, c’est au tour des opérateurs et fournisseurs d’accès Internet de se plier à cette mesure de blocage. Dans le cadre de l’état d’urgence, ce délai de 24 heures est supprimé.
Cette disposition de filtrage par voie administrative a permis le blocage de 89 sites depuis février 2015. Mais LeMonde.fr rappelle que le dispositif n’est pas complètement fiable.
« C’est une goutte d’eau » admet Jean-Jacques Urvoas, député socialiste du Finistère et président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale.
Dans l’émission Des Paroles et des Actes diffusée lundi soir sur France 2, le parlementaire, qui a été l’un des principaux instigateurs de la loi sur le renseignement, déclare :
« La bataille se gagne chez les grandes entreprises qui ont les moyens de diffuser car elles disposent de tuyaux par lesquels passent ces vidéos. Les structures commerciales qui diffusent ce genre de vidéos, il faut qu’elles les coupent.
Cela se fait…lentement. Nous leur avons demandé mais il faut que ce soit d’abord signalé. » Tout en poursuivant : « Chaque jour sur Twitter, je repère des sites. Ils sont coupés dans l’heure. Peut-être qu’ils renaissent ailleurs. »
Au niveau de l’Etat français, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dispose d’une « capacité technique d’entrave » sur ce type de sites (l’outil étant classifié défense, Jean-Jacques Urvoas n’en dira pas plus sur le plateau TV).
Le député est également revenu sur la responsabilité individuelle. Chaque citoyen doit signaler toute dérive constatée en utilisant le portail de signalement des contenus illicites de l’Internet (Internet-signalement.gouv.fr).
Fin janvier, le gouvernement a également lancé un site Internet grand public pour mieux cerner les enjeux et moyens de la lutte anti-terroriste et de la prévention de la radicalisation : Stop-djihadisme.gouv.fr
Du côté de l’opposition, les idées fleurissent ou refont surface. Encore récemment, Nicolas Sarkozy, Président des Républicains, a relancé l’idée de créer un délit de consultation de sites terroristes.
Sur Europe 1, Xavier Bertrand, député LR et candidat aux élections régionales en Nord Pas-de-Calais Picardie, accentue la pression sur les géants du Net.
« Il y a l’imam Google. Un certain nombre de jeunes aujourd’hui, avant même d’aller dans les mosquées, c’est sur Internet qu’ils trouvent le moyen de se radicaliser. »
Dans une vision plus franco-française, Xavier Bertrand émet une proposition originale : que la Hadopi (Autorité de lutte contre le piratage en ligne) change de vocation sur une période donnée en « traquant » les sites Internet djihadistes et mettant hors d’état de nuire toux ceux qui se servent de Google, des réseaux sociaux, pour véhiculer le terrorisme ».
(Crédit photo : illustration copie écran documentaire LCP Djihad 2.0)
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