« Techniquement inefficace », « dangereux en matière de libertés » : le dispositif de blocage administratif de sites Web inscrit dans le cadre du plan gouvernemental visant à renforcer la législation antiterroriste ne remporte pas l’adhésion du Conseil national du numérique (CNNum).
Dans un contexte de multiplication des départs de ressortissants français pour la Syrie, l’organisme consultatif avait été saisi le 25 juin 2014 par le ministère de l’Intérieur. Celui-ci sollicitait l’examen des dispositions figurant à l’article 9 de son projet de loi visant à modifier la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN)… en prévoyant la possibilité de suspendre, sans recours à une autorité judiciaire, l’accès à des sites « provoquant à la commission d’actes terroristes ou en faisant l’apologie ».
Adopté à l’unanimité, l’avis du CNNum sur la question (document PDF, 10 pages) a été rendu public ce 15 juillet. Le Conseil reconnaît qu’un tel dispositif vise à répondre à une situation concrète, en l’occurrence la prolifération, sur la Toile, des contenus mettant en scène des actes terroristes ou des victimes de conflits pour susciter l’adhésion et l’empathie des internautes. Mais il estime qu’une telle mesure serait facilement contournable par les recruteurs comme par les internautes, « puisqu’elle ne permet pas de supprimer le contenu à la source ». Les réseaux terroristes seraient en outre poussés à complexifier leurs techniques de clandestinité en multipliant les couches de cryptage, en utilisant des technologies comme les VPN, le P2P ou Tor et en s’orientant vers des espaces moins visibles du réseau.
Considérant plus globalement que le dispositif est inadapté aux enjeux de la lutte contre le recrutement terroriste, le CNNum juge indispensable le recours préalable à une autorité judiciaire, et ce à plusieurs titres. En premier lieu, le nombre de sites de recrutement se limitant, selon les experts, à une fourchette comprise entre une dizaine et une centaine, le risque de surcharge des tribunaux parfois évoqué n’est pas caractérisé. Il existe par ailleurs un risque important de télescopage entre l’activité des autorités administratives et celles des services judiciaires : la fermeture intempestive d’un site ou d’un contenu par l’administration pourrait alerter les terroristes de la surveillance judiciaire dont ils font l’objet.
Recommandant de développer la recherche pour mieux comprendre la dimension sociale de la radicalisation et déterminer précisément le rôle d’Internet dans ce processus, la CNNum dénonce également un projet de loi « [qui] n’offre pas de garanties suffisantes en matière de libertés ». Le dispositif prévoit certes la désignation, par le Garde des sceaux, d’un magistrat de l’ordre judiciaire dont le contrôle portera sur la régularité des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne. Mais ledit magistrat n’est pas en charge du contrôle de l’opportunité du blocage lui-même. Nommé par le gouvernement, il ne dispose pas non plus des garanties d’indépendance offertes par le processus judiciaire.
Le Conseil national du numérique ajoute que contourner ainsi l’autorité judiciaire en autorisant, sur simple demande administrative, le blocage de contenus par les FAI – ou leur retrait par les hébergeurs – « n’est pas justifié par des conditions comme l’urgence imminente ou l’absence de toute autre solution disponible ».
Bernard Cazeneuve ne change pas pour autant de cap. Le ministre de l’Intérieur a fait savoir, ce mercredi, qu’il discutait toujours avec les fournisseurs d’accès. Dans une tribune relayée sur le site du Washington Post, il souligne le caractère limitatif – à quelques dizaines de sites – d’un blocage qui ne saurait par là même créer de délit d’opinion. Et de rappeler que les principales cibles du gouvernement sont « les contenus diffusés par des individus ou groupes djihadistes faisant par ce biais la publicité de leurs exactions, proposant des moyens de rejoindre le théâtre des opérations ou fournissant des conseils ‘techniques’ pour commettre un attentat« . En concluant : « Si de telles manœuvres devaient avoir lieu sur la voie publique, elles seraient naturellement interdites et feraient aussitôt l’objet de mesures coercitives. Il n’est [donc] pas de raison de les tolérer sur Internet« .
* La position du CNNum s’est nourrie d’une quinzaine d’auditions menées auprès d’experts du terrorisme (sociologues, journalistes, représentants d’associations de victimes), de magistrats et avocats spécialisés, de représentants de la société civile, de membres des services de renseignement et de professionnels du numérique.
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