Face à une croissance en berne, les acteurs du marché du luxe doivent revoir leurs stratégies commerciales et leurs gammes de produits pour gagner de nouveaux clients et retenir ceux qui sont fidèles.
Sur fond de secteur du luxe qui vacille, la digitalisation est cœur de cette transformation. Plusieurs groupes ont témoigné de cette évolution lors de la conférence Luxury Forward tenue à Paris le 29 novembre dernier.
« Pour la première fois de son existence, l’industrie du luxe est dans la tourmente. Là où les taux de croissance était ces dernières années de 7% à 8% par an, il sera de 2% au mieux de 5% dans les prochaines années », déclare Olivier Abtan, Partner & Managing Director au BCG.
Au cœur de cette tourmente : le ralentissement de la croissance du marché chinois et les nouvelles pratiques de consommation des clients.
« Aujourd’hui, les clients privilégient de plus en plus l’expérience aux produits. Ainsi le marché de la consommation d’expérience de luxe, c’est à dire le spa, la gastronomie, les voyages, et l’hôtellerie était cette année de 500 milliards de dollars contre 300 milliards pour les vêtements et parfums et de 400 milliards pour les voitures et yacht . »
Autre phénomène : le comportement de plus en plus digital des consommateurs et l’apparition de nouveaux business modèles comme la location ou la vente de seconde main de produits, vêtements ou d’accessoires de luxe.
Face à cette crise perçue comme structurelle, les marques sont contraintes d’évoluer. Elles doivent travailler différemment la clientèle, se rabattre sur des consommateurs de proximité et revoir leurs produits pour recruter des populations moins fortunées.
Au cœur de cette indispensable évolution ? La transformation digitale. « Le développement du e-commerce est une demande majeure des clients. 80% des consommateurs découvrent nos produits en ligne et un tiers les achètent via Internet », indique Axel Adida, Chief Digital Officer de L’Oréal France.
Par ailleurs, ils aspirent à une relation-client personnalisée et au partage de leurs expériences consommateurs avec leurs communautés sur des apps comme Instagram (partage de photos, propriété de Facebook).
Autre phénomène prégnant dans cette industrie: les blogueuses. « Une blogueuse comme Michelle Phan, avec qui nous avons lancé la marque EM Cosmetic, compte plus d’un milliard de vues. Ces influenceuses constituent une véritable porte d’entrée dans les produits de luxe », insiste Axel Adida.
Selon Agnès Vissoud, Directrice Digital Expérience Performance de Louis Vuitton, « le Web, YouTube, Instagram ou les forums deviennent les nouveaux territoires d’expression. A nous de les écouter, de capter et d’exploiter toute cette information. »
Consciente du pouvoir de ces influenceuses, la chaîne de magasins parfums-beauté Sephora (groupe LVMH) a lancé la marque Huda Beauty.
« A elle seule, la bloggeuse Huda Kattan est beaucoup plus puissante sur les réseaux sociaux que ne l’est Sephora », constate Anne-Véronique Baylac, Directrice digitale Sephora Europe & Moyen-Orient.
« Sans parler du rôle déterminant des consommateurs. C’est pourquoi nous avons mis en place un réseau social pour permettre à nos clients de jouer le rôle de prescripteurs et de conseils de la marque auprès de leurs communautés. »
Avec des présences internationales, des milliers de références, des spécificités de marché (taille, culture, couleurs..) des saisonnalités et une forte concurrence, les problématiques de cette industrie sont complexes.
Anticiper la demande des clients pour acheter les matières premières en quantité suffisante et fabriquer les bons produits pour les livrer au bon endroit et au bon moment sont autant d’enjeux à relever.
« Les outils de big data, mais aussi les informations remontées du terrain permettent d’acquérir cette précision de la demande. Les entreprises doivent avoir une vision analytique, prédictive et terrain pour adapter leurs productions aux attentes des consommateurs », explique Laurent Lefouet, Directeur EMEA d’Anaplan.
« Pour cela, elles peuvent s’appuyer sur notre plateforme de centralisation des données issues de leurs ERP, des solutions métiers ou des tableaux Excel. Notre solution permet de restituer des informations et de piloter l’ensemble de la chaine : achats, production, logistique, ventes et stocks. »
Bien qu’entamée, la mue numérique des industries du luxe doit se poursuivre et s’accélérer. Pour Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du Numérique et de l’Innovation, cette industrie doit aussi intégrer l’open innovation.
« Une révolution dans ce monde feutré du luxe. Mais cette rencontre avec les start-up est bénéfique pour les produits et les services de cette industrie », insiste t-elle.
L’heure est à la création de la FashionTech (écosystème composé de territoires, d’entreprises, de start-ups, d’industriels) pour redorer cette industrie.
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