Dans l’affaire du « SMS menaçant »qui a éclaté début mai, un soupçon d’écoutes électroniques étendus au grand public à l’échelle nationale au nom de la lutte anti-terroriste a plané. Il n’en est rien. Selon le procureur de la république d’Abbeville (Somme), Bouygues Telecom serait hors de cause dans la transmission du SMS à la justice. C’est tout à son honneur puisque tout opérateur est tenu à la confidentialité des messages reçus ou envoyés sur les mobiles de ses clients.
En fait, selon l’AFP, c’est un agent de sécurité de la SNCF qui a transmis les éléments à la justice. En insérant sa carte SIM dans un terminal de prêt, il avait repéré le message SMS « Pour faire dérailler un train, t’as une solution? » (une plaisanterie au goût douteux). Le supérieur hiérarchique de l’agent de la sécurité avait alors demandé de fournir les informations à la police. La boucle est bouclée.
Néanmoins, les autorités judiciaires disposent de moyens électroniques d’écoutes, d’interception et de veille sophistiqués pour que les enquêtes policières avancent mais ces procédures sont encadrées, assure Myriam Quéméner. Experte dans la lutte anti-cybercriminalité pour le compte du Conseil de l’Europe, elle occupe des fonctions de magistrat au service criminel de la Cour d’appel de Versailles. Pour Vnunet.fr, elle dresse un panorama des dispositifs mis en place (interview réalisée le 5 mai 2009).
Vnunet.fr : Où en est le déploiement de la plate-forme de la délégation aux interceptions judiciaires ?
Myriam Quéméner : Cette plate-forme, rattachée au ministère de la Justice, est opérationnelle depuis deux ans. Les interceptions de communications vocales ou SMS/MMS sont réalisées dans le cadre de réquisitions judiciaires. C’est une requête à destination des opérateurs télécoms ou prestataires techniques. Elle émane soit du Parquet soit du juge d’instruction dans le cas d’une information judiciaire. Le ministère de la Justice a mis en place un référentiel tarifaire sur les réquisitions aux fins d’interceptions sur les réseaux des opérateurs mobiles. Et un projet similaire est en cours d’élaboration pour les réquisitions chez les fournisseurs d’accès Internet. Le projet s’inscrit dans un processus de dématérialisation des réquisitions. Elles seront faîtes de manière numérique au lieu d’utiliser le fax.
Vnunet.fr : Pouvez-vous préciser le cadre juridique de ces interceptions ?
Myriam Quéméner : Il y a plusieurs cas. Les interceptions peuvent intervenir dans le cadre d’une enquête préliminaire. Sur autorisation du procureur de la république, un officier de police judiciaire (policier ou gendarme) va procéder à cette réquisition prévue par le Code de procédure pénale (article 61). Dans le cadre d’une enquête de flagrance, il faut au préalable une autorisation du juge des libertés et des détentions. Si un juge d’instruction est saisi, c’est lui qui délivre les autorisations de procédures de réquisitions. Cela représente un volume considérable d’interceptions. De l’ordre d’une dizaine de milliers par mois.
Vnunet.fr : Est-ce la seule plate-forme d’écoutes des communications numériques qui existe en France ?
Myriam Quéméner : On trouve également une autre plate-forme de veille exploitée par le Service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD), basée à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et rattachée à l’Institut de Recherche Criminel de la Gendarmerie Nationale (IRCGN). Ils ont des moyens renforcés en matière de lutte contre la pédo-pornographie via Internet. Il y aussi une démarche pro-active sous forme de cyber-patrouilles avec des techniques d’infiltration (ces officiers de police judiciaire habilités peuvent se faire passer pour un mineur sur des salles de discussion en ligne ou tchatche). C’était déjà inscrit dans le cadre de la loi sur la Prévention de la délinquance de juin 2007 mais un récent arrêté a précisé le dispositif opérationnel qui se limite à des infractions sur mineurs.
(lire la fin de l’interview page suivante)
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