Le marketing digital devient de plus en plus complexe et difficile à gérer pour les entreprises.
L’édition 2015 du salon E-Marketing Paris (jusqu’au 16 avril, Porte de Versailles) le montre une nouvelle fois : on parle CRM, big data, programmatique et encore RTB, DMP, RSLA, etc.
Une avalanche d’acronymes qui rendent le secteur de moins en moins intelligible pour le non-initié.
De moins en moins d’experts du marketing digital maîtrisent tous les dispositifs du marketing digital et les pure players, souvent les plus rapides à comprendre et exploiter les nouveaux formats de communications, les nouveaux services en ligne livrent quelques-unes de leurs recettes.
Première règle à appliquer pour aller vite et être plus agile que ses concurrents : internaliser son marketing digital et son équipe de développeurs : « Quand je suis arrivé chez Bazarchic il y a 2 ans, j’ai viré toutes les agences ! », explique Julien-Henri Maurice, Directeur marketing de ce site de ventes privées français (qui a notamment comme actionnaire Groupe Figaro).
« La raison est simple : celles-ci travaillent sur des KPI média, tandis que lorsqu’on travaille en direct avec les régies, les supports, on peut alors travailler sur des KPI business. »
Le responsable marketing a préféré mettre en place une « Digital Factory » interne qui travaille pour les trois marques du groupe Bazarchic. « Cela nous a permis de réaliser de sacrées économies, mais aussi de gagner en maturité et mieux comprendre certains leviers, notamment sur le sujet de la programmatique. »
Même démarche chez Premier Inn, une chaîne hôtelière britannique. Aurélia Noel, Directrice digital de l’enseigne, s’explique : « Nous avons décidé de ne plus avoir recours à des agences médias externes. Nos experts internes obtiennent de bien meilleures performances que ces agences qui restent bien souvent en surface des sujets et sont beaucoup moins expérimentées pour exploiter les dispositifs en détail. »
Le niveau de maîtrise des outils du marketing digital demandé par les pure player est aujourd’hui tel qu’il leur pose un véritable problème de recrutement : « Avant, les gens qui allaient des agences vers les annonceurs, aujourd’hui, c’est le contraire. Les gens partent des annonceurs vers les agences ou les autres annonceurs », souligne Jérôme Sutter, Vice-Président marketing de Weekendesk (site de réservation en ligne de courts séjours).
Ni les agences, ni les écoles de marketing ne sont aujourd’hui capables de fournir des gens suffisamment formés à ces leaders du Web très en pointe sur les nouveaux usages. Ceux-ci préfèrent former eux-mêmes leurs marketeur digitaux comme le confirme Aurélia Noel : « Nous préférons embaucher de jeunes diplômés des grandes écoles, que ce soit Cambridge ou Oxford, des diplômés en informatique ou en analytique. Nous les formons ensuite nous-mêmes au marketing. »
Les cloisons entre DSI et direction marketing sont en train de voler en éclats
Ce resserrement des ressources autour de la direction marketing affecte tout autant la DSI, car le moteur du marketing digital demeure, avant tout, l’informatique.
Pour Karine Bruere, Directrice marketing France d’AlloResto (livraison de repas à domicile), impossible de maintenir une séparation nette entre direction marketing et DSI : « Aujourd’hui, il est absolument impossible de cloisonner les services. On ne peut pas faire de digital sans l’aide de l’informatique. C’est devenu vital. Un marketeur sans outils ne peut absolument plus rien faire. Il est pieds et poings liées avec elle. »
Des solutions telles que le Google Tag Manager ont vocation à alléger cette dépendance et permet au marketing de tester des nouveaux services sur son site sans devoir faire appel à ses développeurs, mais ces solutions ne suffisent pas.
« Il existe des solutions pour contourner l’IT pour mettre des choses en place rapidement pour tester, démontrer puis déployer de façon plus propres si le dispositif présente un véritable intérêt », explique Etienne Bourdon, Directeur du site Castaluna, site de ventes de vêtements de grande taille du groupe La Redoute.
Pour aller au-delà de ces techniques de contournement de la DSI, rendu possible par les nombreux services disponibles en mode Saas, les meilleurs pure players du Web se sont engagés, non pas dans une fusion DSI/direction marketing qui n’auraient pas tellement de sens, mais dans un rapprochement.
« Avant, le marketing rédigeait des expressions de besoins. On entrait ensuite dans une longue phase de négociations avec la DSI sur la roadmap et la priorisation de tel ou tel ticket », explique Jérôme Sutter, de Weekendesk.
« Aujourd’hui, ce que je demande à mes équipes marketing, c’est de rédiger directement les spécifications et de faciliter le travail de l’IT. C’est là que l’on se rend compte que les deux deviennent imbriqués, et on demande désormais aux équipes marketing d’avoir de vraies connaissances techniques. C’est un vrai changement de mentalité entre le marketing et l’informatique. »
Julien-Henri Maurice de Bazarchic ajoute : « Chez nous, il n’y a plus de roadmap figée. Nous sommes dans un mode totalement agile. Venant d’une agence, je trouvais que les développeurs ne comprenaient pas l’impact que pouvait avoir un développement qui ne sort pas ou un bug sur le business. »
« Nous avons beaucoup travaillé à les sensibiliser sur ce sujet, à véritablement connecter l’IT au business. Le marketing parle de plus en plus leur langage, ce qu’ils apprécient, et eux comprennent mieux les objectifs business de leur travail. »
Autre recette appliquée par Bazarchic, la mise en place d’outils d’administration du contenu du site ou d’A/B testing directement dans les mains du marketing. « Aujourd’hui on teste les choses avant de lancer un projet auprès de l’IT. Si un développement peut effectivement améliorer le taux de conversion, alors on le priorise. C’est comme cela que notre roadmap se construit. »
Aurélia Noel, Directrice Digital de Premier Inn, livre la solution qui a été mise en place dans son entreprise pour rapprocher IT et marketing.
« Pour faire du marketing digital, nous pouvons nous appuyer au niveau de notre IT sur une ‘Delivery Team’, une équipe qui travaille avec moi sur les projets. D’autre part, nous avons recruté une équipe marketing composée de profils informatique et de profils ‘Data’ », explique Aurélia Noel.
« Les marketeurs ne sont arrivés qu’après car nous devions être capables de parler le langage de l’informatique. Les développeurs n’ont qu’à simplement implémenter. »
« Tout le reste est réalisé par l’équipe marketing qui choisit les vendeurs de solutions, définis les fonctions, les tags à poser sur le site. Notre équipe compte un Technology Strategist qui constitue l’autorité technique de l’équipe. »
Si ce rapprochement entre marketing et IT est la clé du succès d’une stratégie digitale, rattacher la DSI à la direction marketing n’est pas la solution tant bon nombre de ses fonctions comme la production, les achats de matériel n’intéressent pas le marketing.
« Nous laissons l’exploitation à la DSI tandis que l’innovation et les projets sont conduits par le marketing », déclare Julien-Henri Maurice.
De son côté, Jérôme Sutter de Weekendesk veut aller plus loin et rompre avec la notion même de budget : « Quand on est ‘pure player’, on est plus axé sur la notion de ROI que de budget. Il faut pousser la DSI à fonctionner aussi comme cela et à améliorer le chiffre d’affaires pour pouvoir embaucher plus de développeurs (…) On peut même aller plus loin et estimer qu’une partie du salaire variable de l’équipe IT soit indexé sur la croissance du chiffre d’affaires ou mieux encore, sur la marge de l’entreprise. On a constaté un vrai switch dans les équipes et, étrangement, une accélération des développements.’
Si le marketing s’est emparé des approches agiles issues de l’informatique comme Scrum, c’est désormais l’organisation du service informatique lui-même qui est bousculée par l’approche ROIiste des marketeurs.
La transformation digitale est vraiment à l’œuvre dans tous les services de l’entreprise.
(Crédit illustration Alain Clapaud : E-Marketing Paris 2015 – Session 14 avril)
Article rédigé par Alain Clapaud
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