Le marketing prédictif fait beaucoup fantasmer. Il représente en quelque sorte le Saint Graal que convoite tout directeur marketing puisqu’il s’agit d’anticiper les attentes des consommateurs en modélisant leurs comportements d’achats passés.
De la théorie à la pratique, il y a un (grand) pas comme l’ont rappelé les intervenants d’une table ronde organisée avec l’EBG et qui s’est tenue le 10 octobre à l’occasion du Forum SAS.
Qu’il s’agisse de Voyages-SNCF.com, de La Fourchette ou de National Pen, on retrouve des points communs. Si les deux premiers – pure players du Web – disposent d’une forte volumétrie de données, il faut arriver à les structurer pour les rendre accessibles et exploitables. Dans une démarche de « test and learn », il s’agit aussi d’éprouver les modèles prédictifs par des cas d’usages simple et de convaincre du bien-fondé de la démarche en interne.
Voyages-SNCF.com : faire parler les traces de navigation des internautes
Chez Voyages-SNCF.com, on manipule de la donnée depuis longtemps mais de la donnée structurée bien gérée dans des datamarts dédiés avant tout à la business intelligence. Quand le champion du e-tourisme a voulu s’atteler aux traces de navigation laissés par ses 12 millions de visiteurs uniques de son site et de sa nouvelle appli V., il s’est retrouvé face à une montage de données hétérogènes et de qualité variable.
Voyages-SNCF.com a pris, il y a deux ans, le virage du big data (environnement Hadoop) et du machine learning pour nettoyer puis faire parler ces données. La plateforme s’appuie aussi sur une DMP (data management platform) pour optimiser l’expérience client en rapprochant des internautes à des familles de profils clients.
L’objectif étant de pousser des promotions personnalisées au bon profil et au bon moment. Il reste encore du chemin à faire pour arriver au timing parfait reconnaît Angélique Bidault-Verliac, responsable pôle data et webmining de Voyages-SNCF.com. « Des dates sont connues comme l’ouverture au 13 octobre de la réservation des billets pour les vacances de Noël. En revanche, traquer la bonne fenêtre pour proposer une escapade sur un coup de tête, on n’y arrive pas encore. »
Notre experte regarde également la possibilité d’injecter dans son modèle des données tierces comme celles de la météo qui sont proposées en open source. « Il fera beau à Marseille ce week-end, allez-y. Mais envoyer une telle proposition un vendredi soir relève du défi. »
Le marketing prédictif provoque aussi un changement culturel en interne. « Les métiers habitués aux méthodes de scoring étaient un peu perdus. Il a fallu démontrer ce qu’apportent les nouveaux algorithmes par des premiers cas d’usage avant de passer à une phase d’industrialisation. »
Le pôle data et webmining de Voyages-SNCF.com a aussi monté des « task forces » pluridisciplinaires mêlant un data scientist, un ou deux développeurs et un représentant métier. Un bon moyen pour le métier de se frôler aux contraintes de la technique.
La Fourchette : distinguer un dîner en amoureux d’une soirée entre collègues
Le service La Fourchette (réservation de tables de restaurants) est confronté aux mêmes enjeux que Voyages-SNCF.com, à savoir la personnalisation de l’expérience client, « mais avec un train de retard », s’amuse Amélie Naudin, directrice CRM.
« Avec plusieurs milliers de réservations par mois et une application mobile téléchargée six millions de fois, nous avons beaucoup de données mais qui ne sont pas suffisamment consolidées pour avoir une vision client à 360°. »
Amélie Naudin tente de porter la bonne parole en interne afin de sensibiliser l’ensemble de ses collègues à la culture de la data (elle le fait aussi en externe en participant au Symposium Adobe France de novembre 2015).
Elle a aussi devant elle un autre chantier : élaborer une politique de data gouvernance pour garantir la disponibilité et la qualité des données.
Elle a toutefois la chance d’avoir dans son équipe des « marketeux » et des data scientists. « Des maths men et des mad men » comme les appelle Albert Derasse, Manager Customer Intelligence chez l’éditeur SAS (solutions pour le décisionnel). Les premiers s’imprègnent des enjeux de marketing et sont amenés à vulgariser leur discours.
Tout comme Voyages-SNCF.com, La Fourchette est partie des « use cases » simples « que tout le monde comprend » pour emporter l’adhésion comme proposer des recommandations à la manière d’Amazon. « Nous avons 3000 restaurants référencés sur Paris, l’utilisateur a l’embarras du choix. »
Si le site connaît bien les goûts culinaires de ses membres, elle pêche – une fois encore comme Voyages-SNCF.com – à prédire le moment où ils vont se rendre au restaurant et pour quelle occasion. « Entre un diner en couple et une soirée entre collègues, les adresses sont très différentes. »
La plateforme La Fourchette, rachetée en 2014 par TripAdvisor, a recours ponctuellement au text mining pour remonter dans des avis consommateurs comme, par exemple, une appétence pour le brunch.
National Pen : comment avoir une culture de la data avec peu de données
Le dernier retour d’expérience exposé était plus atypique puisqu’il s’agissait de National Pen, une entreprise américaine spécialisée dans les objets promotionnels pour le BtoB comme des mugs, des clés USB ou des t-shirts personnalisés.
Ses campagnes de recrutement reposent pour l’essentiel par des envois courrier accompagnés d’un échantillon, comme un stylo au logo du prospect. Puis par des relances téléphoniques. Le Web ne représente que 6 % de son chiffre d’affaires.
Recrutée il y a deux ans en tant que customer intelligence manager, Christelle Lassarade a donc moins de données à sa disposition que ses consœurs. Elle a acheté pour la France une base de données sociétés (activité, année de création…) pour compléter la description client de ses fichiers.
Depuis l’adoption de la solution SAS en janvier 2015, elle forme aux techniques de modélisation y compris des salariés du siège américain. Avec la difficulté d’insuffler une culture de la data au sein d’une société en bonne santé portée par une croissance à deux chiffres.
Les objectifs des uns des autres peuvent aussi diverger. « Un responsable marketing veut rentabiliser au maximum la campagne. Moi, je souhaite améliorer la connaissance client. Si un client est toujours noté de 1 à 6, le modèle s’appauvrit. » Avec la difficulté de passer d’une vision produit, rythmée par les campagnes de mailing, à une vision client globale.
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A lire dossier spécial ITespresso.fr : Marketing prédictif (avril 2016)
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