Rue du Quatre-Septembre, non loin de l’écosystème innovant du Sentier… et à proximité des sièges de grandes banques : MasterCard a choisi un lieu stratégique pour la première session parisienne de son Forum de l’innovation organisé le 15 novembre.
Cet événement itinérant, qui a dernièrement fait halte à Budapest, n’avait encore jamais posé ses valises en France. Il aura été l’occasion de percevoir une thématique chère au groupe américain : la « ville intelligente », qu’on désigne plus volontiers sous le terme anglais « smart city », à la connotation plus large.
Dans ces espaces urbains qui concentrent aujourd’hui plus de 50 % de la population mondiale et qui pourraient en réunir près de 70 % à l’horizon 2050 selon l’ONU, l’ambition est claire : « réduire la dépendance au cash ».
Mais MasterCard se place aussi dans une logique d’exploitation des données associées aux paiements. Le lancement de la solution « Retail Location Insights » en témoigne. Elle doit aider les commerçants dans leurs démarches d’implantation en leur indiquant les « zones chaudes » où se trouve leur clientèle potentielle.
Le chantier est plus avancé sur les réseaux de transport, notamment à travers l’exemple de Londres, où le paiement sans contact est déployé depuis fin 2014 avec, à la clé, « un coût d’exploitation réduit de 50 % pour les systèmes de billettique ».
D’autres villes ont amorcé ou finalisé des projets, à l’instar de Chicago, Kiev et Bucarest. Paris entrera bientôt dans la boucle, nous confie-t-on sans plus de précisions.
Directeur Europe de l’Ouest chez MasterCard Advisors (branche services professionnels de MasterCard), Arnaud Grauzam est formel : faire de la CB le titre de transport permet de fluidifier l’entrée des voyageurs en station, tout en leur proposant le meilleur forfait en fonction de leurs trajets. On notera néanmoins que des frais de change s’appliquent lorsqu’on utilise une carte étrangère.
Dans cet univers de la « mobilité urbaine », MasterCard a pris d’autres initiatives telles que l’intégration du paiement sans contact dans des lave-linge à destination des pressings et le développement, pour les stations-service, d’une application permettant de capter les clients à proximité en leur adressant des offres spéciales.
Avec le développement de l’Internet des objets, le paiement prend de multiples formes. Une problématique abordée dans le cadre du programme « Commerce for Every Device ».
Quant à estimer l’ampleur de la vague IoT, MasterCard préfère retenir la version de Gartner, qu’on qualifiera d’« optimiste » : 30 milliards d’objets connectés en circulation à l’horizon 2020. Optimiste dans le sens où d’autres prévisions sont plus réservées, tout particulièrement quant à la nature desdits objets. Témoin Ericsson, qui en annonce 29 milliards pour 2022, mais à peine 2 millions reliés à des réseaux cellulaires mobiles LTE ou LPWA (Sigfox, LoRa, Ingenu, Qowisio…).
Pour trouver sa place dans cet écosystème, MasterCard a monté un partenariat avec la start-up Coin, qui vise à intégrer dans la plate-forme de solutions MasterCard Digital Services (MDES), une technologie de paiement qui peut alors être embarquée dans des objets connectés.
Sous le capot, on trouve le service MasterPass, présenté comme un « portefeuille numérique » qui conserve les données de la carte et les adresses de livraison. Du côté des banques, l’implémentation « prend en moyenne 4 à 6 mois », nous explique-t-on. Une fois effectuée, les passerelles avec les objets connectés s’établissent via une API, les applications mobiles des banques faisant l’interface.
On pourrait s’imaginer court-circuiter un jour les smartphones en rendant les bagues, les smartwatchs et consorts totalement autonomes pour le paiement. En l’état, restent de nombreuses barrières. Outre les questions d’autonomie et de connectivité réseau, il y a l’Autorité bancaire européenne (EBA), qui s’oriente vers une standardisation de l’authentification à deux facteurs.
Là où de plus en plus de smartphones disposent d’un capteur d’empreintes digitales et permettent la reconnaissance faciale (fonction « Selfie Pay » chez MasterCard, développée avec le concours d’une start-up dont l’identité n’est pas spécifiée), peu de wearables disposent ne serait-ce que d’une de ces deux options.
« On réfléchit à utiliser le hard coding [paramètres physiques immuables, comme le réseau veineux, ndlr], mais les règles de l’EBA sont encore floues », explique Michaël Sass, directeur EMEA « Identity Solutions ».
Qu’en est-il de la biométrie à même les cartes bancaires ? MasterCard y travaille, estimant que ce modèle serait, sur certains marchés, économiquement plus avantageux que d’intégrer la technologie au niveau des terminaux de paiement.
Le défi au niveau de la sécurité consiste plus globalement à ne pas compliquer l’expérience de l’utilisateur final. Pas évident à première vue : sous le capot, l’architecture MasterCard est faite de multiples couches, de la prévention des attaques sur le réseau (EMV, MDES) à la détection des fraudes (distributeurs automatiques de billets, terminaux de paiement, systèmes de gestion des transactions chez les marchands).
Pour repérer les opérations suspectes, l’intelligence artificielle est mise à contribution. Elle se base non seulement sur les comportements d’achat de la personne censée réaliser le paiement, mais aussi sur les habitudes des individus situés dans le même périmètre géographique, connus pour avoir les mêmes préférences ou réalisant des transactions à des horaires similaires.
Toute cette intelligence se résume, en façade, par une carte bancaire, un casque de réalité virtuelle, une montre ou un bracelet (Atlas Wearables, Moov, Omate et Fitbit sont dans la boucle)… ou ce réfrigérateur Family Hub que Samsung commercialise aux États-Unis pour un prix conseillé avoisinant les 6 000 dollars.
L’application « Groceries by MasterCard » y est préchargée. Elle permet de faire ses courses directement sur le frigo, les commandes étant passées chez des commerçants partenaires.
Et le consommateur, dans tout ça ? Pour illustrer la demande, MasterCard a invité Ipsos à présente un « bilan des tendances sociétales ».
Fondé sur une veille autour des évolutions des modes de vie des Français et sur des études concernant la digitalisation de la société, le apport a valeur d’appel du pied à l’adresse des acteurs de l’univers bancaire.
Ipsos dégage quatre profils, pour autant de schémas d’innovation bancaire digitale.
En tête de liste, le « court-circuiteur », peu loyal envers les marques et plus intéressé par la valeur d’usage des biens de consommation que par leur valeur statutaire. Il a tendance à recourir à l’économie de partage (achats groupés, troc, crowdfunding…) et imagine se passer complètement d’entité bancaire pour la gestion de son argent.
Des start-up comme Otherwise (assurance collaborative), Weeleo (échange de devises en P2P), Morning (co-banking) et La’Zooz (covoiturage sur la blockchain) sont positionnées pour répondre aux exigences de ce type de profil qui réclame, selon Ipsos, une banque « altruiste ».
Il y a aussi les « débrouillards », qui comptent d’abord sur eux-mêmes, non sans accorder une place importante aux marques susceptibles de leur apporter un vrai service. Ils apprécient les banques en ligne, qui leur rendent une certaine autonomie, mais restent preneurs de services de coaching. Naraffar (une épicerie « sans épicier »), Hip Money (recommandations bancaires) et Go Fucking Do It (gamification des objectifs personnels) sont des jeunes pousses alignées sur leur profil.
À la recherche de la moindre économie de temps ou d’argent, les « optimiseurs » sont prêts à confier leurs données personnelles aux marques si celles-ci les utilisent à bonne escient. Ils sont intéressés par des moyens de paiement plus efficaces et acceptent aisément les nouvelles méthodes d’authentification biométriques. Tandem (banque qui se construit avec ses clients) et Plastiq (système de règlement par carte chez les organismes qui ne l’acceptent pas) sont susceptibles de répondre à leurs besoins.
Un peu de recul avec les « humanistes », qui recherchent, dans le numérique, le lien social. Ils sont attachés aux banques mutualistes et à la notion de proximité géographique. Bee (banque mobile qui part à la rencontre de ses clients potentiels à l’aide d’un kiosque itinérant) et IdeaBank (qui a déployé des passerelles entre plusieurs services publics) sont à leur image.
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