« On met en route et l’on voit ce que cela donne ». Marc Simoncini n’a pas froid aux yeux. Le fondateur, P-DG et premier actionnaire (à hauteur de 38%) de Meetic, le leader français des services de rencontres en ligne, avoue ne pas avoir multiplié à outrance les études marketing et financières avant de lancer la nouvelle version de son site dans l’Hexagone. Il préfère continuer à faire confiance à son instinct de Net-entrepreneur.
Pourtant, Meetic 2.0, qui sera ensuite déployé dans les 16 autres pays où la société est présente, comporte de nombreuses modifications et innovations, tant sur le plan du design que des services offerts aux utilisateurs ou de la tarification.
Le changement le plus risqué, sur le plan financier, concerne, bien sûr, l’introduction d’une dose de gratuité dans le modèle économique du site. Avant, il fallait souscrire un abonnement ? à partir de 14 euros pour les femmes ? pour consulter les fiches des autres membres de Meetic et pouvoir entrer en contact avec eux. Résultat, 98% du chiffre d’affaires (78,8 millions d’euros en 2006) provenait des abonnements.
Or, dorénavant, il sera possible à n’importe quel utilisateur de Meetic, même non payant, de dialoguer avec les abonnés ayant souscrit à l’option » Premium », qui pour 14,90 euros de plus par mois, permet d’entrer en contact avec la totalité des inscrits sur le site.
Autrement dit, deux nouvelles catégories d’utilisateurs apparaissent : ceux qui ne payent rien et qui bénéficient d’un service de base (la seule consultation de la liste des « Premium ») et les « Premium » qui paient un super abonnement pour avoir accès à l’ensemble de la base de données de Meetic. Tout le problème est de savoir dans quelles catégories vont désormais se répartir les abonnés actuels et les futurs recrus.
Selon son président, fin décembre 2006, Meetic comptait 426 000 clients payants en Europe, au Brésil et en Chine. Certains d’entre eux, à l’expiration de leur abonnement, risquent de basculer vers la gratuité, tandis que d’autres vont devenir des « Premium ». « Je me donne entre un mois et deux mois pour faire le point », indique Marc Simoncini.
Intégration d’un module Flash vidéo
Sur le plan technique, la V2.0 présente deux principales innovations : la possibilité de téléphoner à un autre utilisateur de Meetic sans dévoiler son numéro et celle de parler par vidéo, grâce à un module en Flash (le site met un point d’honneur à ne pas installer de logiciel sur l’ordinateur de ses utilisateurs).
Pour téléphoner à une personne, il faudra demander à celle-ci son autorisation. En cas d’accord, les deux interlocuteurs communiqueront leurs numéros de téléphone à Meetic, qui via un fournisseur externe (par exemple, Colt en Europe), leur attribuera de nouveaux numéros, commençant par 0 892.
« Ce qui représente, pour l’appelant un coût de 34 centimes d’euro la minute », précise Marc Simoncini, « C’est la seule solution technique que nous avons pu mettre en place rapidement. Mais comme nous n’avons pas vocation à faire de l’argent avec ce service, nous allons, dès que possible, proposer des numéros en 0 891 avec un tarif de 15 centimes la minute. »
La bataille de la communication
Pour fidéliser les anciens abonnés et convaincre les nouveaux utilisateurs de sortir leur portefeuille, Meetic mise sur le marketing et les nouvelles fonctionnalités de son site. La communication est une ligne de budget non négligeable. L’entreprise devrait continuer d’y investir près de la moitié de son chiffre d’affaires : 40 millions d’euros y ont été consacrés l’an dernier.
2007 a d’ailleurs démarré en fanfare, avec une intense campagne de publicité télé, presse et affichage en France. L’enjeu est de taille, car ce pays représente un quart du trafic de Meetic dans le monde et un peu moins de la moitié du chiffre d’affaires du groupe. « Bref, l’audience de notre site français paye presque deux fois plus que les autres », calcule Marc Simoncini.
Au total, Meetic joue assez gros avec sa V2. D’autant que la société française doit affronter des concurrents de plus en plus agressifs. « Nous sommes un peu en guerre avec un Américain », reconnaît Marc Simoncini, même s’il se dit « pas du tout inquiet » de l’offensive actuelle de Match.com (filiale du groupe américain de services Internet IAC). « En 2003, Meetic, qui avait à peine un an, était 30 fois plus petit, en termes d’audience, que Match.com dans le monde », estime le P-DG français. « Aujourd’hui, nous ne sommes plus que trois fois plus petit. »
Meetic serein face au réveil de Match.com
Pour faire barrage à Meetic, Match.com tente de déstabiliser son adversaire sur son principal terrain de jeu : le marché français. La campagne publicitaire que l’Américain a menée fin 2006 dans l’Hexagone et le rachat de Netclub, pionnier des rencontres en ligne en France, qu’il vient de finaliser, font partie intégrante de ce renouvellement de stratégie.
Pour l’instant, Meetic affirme garder une bonne longueur d’avance dans son pays d’origine. « En janvier dernier, selon Nielsen//NetRatings, Meetic avait enregistré en France 1,3 million visiteurs uniques qui, en moyenne et dans le mois, ont passé 1h26 min sur notre site », certifie Marc Simoncini. » Tandis que Match comptabilisait dans notre pays 229 000 visiteurs uniques, avec une présence moyenne de 11 minutes dans le mois ; et pour Netclub, ces chiffres étaient de 152 000 visiteurs uniques et de 52 minutes ».
Prochain rendez-vous dans quelques mois pour savoir si la stratégie, plutôt audacieuse, de Meetic aura porté ses fruits. Une seule chose est sûre : la bataille du coeur des Français ne fait que commencer.
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