Le 30 novembre 2015, Microsoft France et l’Éducation nationale, respectivement représentés par Alain Crozier et Najat Vallaud-Belkacem, signaient une convention de partenariat portant sur le développement du numérique au sein des établissements scolaires français.
Au nom de la défense du service public, de la préservation des droits des élèves et des enseignants à disposer de leurs données et de leur autonomie, ainsi que du soutien à l’équité des entreprises et des acteurs économiques du numérique, ÉduNathon veut faire annuler cet accord.
Le collectif, qui regroupe plusieurs associations dont le Conseil national du logiciel libre (CNLL), avait déposé, en janvier dernier, un recours gracieux auprès de la Rue de Grenelle pour dénoncer une décision « juridiquement très contestable, que ce soit au regard du droit de la concurrence, des principes de la commande publique ou des dispositions du code des marchés publics ».
N’ayant pas obtenu gain de cause, il a porté l’affaire en référé auprès du tribunal de grande instance de Paris, où une audience se tiendra jeudi 8 septembre.
Pour mieux saisir les enjeux du dossier, petite remise en contexte.
La convention de partenariat – document PDF, 7 pages – s’inscrit dans le Plan numérique à l’école, dont François Hollande avait dévoilé les grandes lignes en mai 2015 et qui doit être mis en place à partir de la rentrée.
L’État doit y consacrer 1 milliard d’euros sur 3 ans, dont un tiers dans le cadre du programme d’investissements d’avenir.
Microsoft s’est engagé à investir 13 millions d’euros sur 18 mois pour accompagner et former les personnels de l’enseignement et les élèves : mise en place d’un écosystème cloud, d’un réseau social interne privé, de cours spécifiques sur l’apprentissage du code informatique, etc.
Dans son assignation qu’a pu consulter Next INpact, ÉduNathon évoque un marché public déguisé qui « aurait dû être conclu à l’issue de la procédure normale relevant du code des marchés publics ».
De l’avis du collectif, les séminaires, ateliers et autres ressources mis en place pour l’accompagnement et la formation constituent des produits et des services « qui sont aujourd’hui normalement proposés par de nombreuses entreprises et associations, et qui n’auraient pas du [sic] être attribuées autrement que par une procédure de mise en concurrence ».
Même réflexion pour la mise à disposition de l’écosystème cloud de Microsoft, le développement et l’expérimentation d’une plate-forme universelle de collaboration, ainsi que la partie apprentissage du code : les entreprises et associations qui proposent des produits équivalents n’ont pas « eu l’occasion de formaliser d’offre ».
De quels équivalents parle-t-on ? ÉduNathon cite, pour l’exemple, Scribus, GIMP, LibreOffice, InkScape, VLC, DarkTable et Linux Mint. En prenant le soin d’insérer un « etc. »…
Pour les plaignants, Microsoft se positionne idéalement dans l’optique de récupérer ce à quoi il renonce dans l’immédiat : l’éditeur va pouvoir proposer ses produits et services « de façon extrêmement privilégiée […] au moment même où l’Éducation nationale [prévoit] un surcroît d’investissement dans ce secteur ». Et s’ancrer dans les habitudes, pour mieux s’imposer aux utilisateurs.
ÉduNathon digère mal le fait même de présenter des produits et services comme gratuits : cela reviendrait à contourner le code des marchés publics. Et à ouvrir grand la porte à des acteurs qui, pour échapper aux contraintes des appels d’offres, choisiraient de donner leurs produits et services à l’État, excluant de fait leurs concurrents de plus petite taille.
Étant donné le démarrage imminent du Plan numérique à l’école, il est demandé au Tribunal de grande instance de se prononcer en urgence, dans le cadre d’un référé d’heure à heure.
Brandit par ailleurs l’épouvantail du Conseil d’État, qui « n’hésite pas à requalifier de marché public certains contrats passés à titre non onéreux mais qui peuvent être considérés comme donnant lieu à une rémunération indirecte ou en nature », ÉduNathon réclame 12 000 euros au titre de ses frais de justice.
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