Avec l’audace qui lui est habituelle, Microsoft vient de proposer son format de compression vidéo numérique, Windows Media, au marché de l’électronique. La grille tarifaire à laquelle il est associé s’avère un véritable pied de nez aux près de cinq années de développement, de promotion et de discussions qui conduisirent à l’émergence du MPEG-4, le format soutenu par les membres de la MPEG-LA (l’association des « inventeurs » du format MPEG-4, voir édition du 2 décembre 2002). A 0,10 dollar le décodeur, 0,20 dollar l’encodeur et 0,25 dollar pour les deux, Microsoft propose des tarifs entre 43 et 80 % moins élevés que ceux proposés pour le MPEG-4. A 0,25 dollar l’encodeur ou le décodeur et 0,50 dollar pour les deux, la politique de redevances mise au point fin 2002 par le MPEG-LA apparaît, pour le coup, comme un vrai frein à la diffusion de son format de compression (voir édition du 28 mars 2002). Et les critiques contre Microsoft de fuser : en lançant cette guerre des prix, l’éditeur risque d’étouffer une industrie naissante, qui a clairement opté pour un standard ouvert, à même d’être amélioré en commun par les sociétés impliquées. Une position qui n’est évidemment pas celle de l’éditeur de Windows : « La baisse et l’élimination de la barrière des licences ne sont pas seulement importantes pour l’industrie de l’électronique grand public et du logiciel, c’est en y travaillant que les consommateurs bénéficieront d’une vidéo de meilleure qualité tenant dans des fichiers moins volumineux », a indiqué Michael Aldridge, responsable produit de la division Windows Digital Media de Microsoft, à nos confrères de CNet.
Au delà du discours marketing dont la société de Bill Gates s’est fait une spécialité, l’annonce du projet Microsoft ne manquera pas d’être perçue comme un pavé dans la mare. Le problème n’est en effet pas une question d’absence de concurrence. Il en va plutôt de la réussite ou de l’échec d’une politique visant à l’adoption d’un standard de compression vidéo commun, utilisé de manière transversale par l’ensemble des industriels. Le MPEG-4, bien qu’encore relativement jeune, semblait permettre tous les espoirs et disposer d’un potentiel propre à rallier les plus hésitants. Certes, d’autres codecs (compresseur/décompresseur) propriétaires, comme Video 3 de l’américain Sorenson, surpassent largement la qualité atteinte par l’actuel MPEG-4, mais ce dernier est en progression constante. Une nouvelle norme déclinée de la première, le h.264 ou AVC (Advanced Video Codec), pourrait même être adoptée. Elle hisserait le MPEG-4 à un niveau qui n’aurait plus rien à envier à la concurrence. Reste que sa finalisation requiert du temps, celui de la concertation entre industriels.
Un enjeu de taille
Cette finalisation ne semble aucunement convenir à Microsoft, bien que celui-ci participe aux tours de table MPEG-4. Aujourd’hui, l’enjeu pour la société de Redmond est déterminant : en plaçant Windows Media Player au coeur la Media Center Edition de Windows XP, Microsoft cherche à reproduire ce qu’Apple a réalisé en plusieurs années avec QuickTime. Windows XP Media Center Edition équipe des machines dotées de composants permettant de visionner des programmes télévisés,d’enregistrer les émissions, de graver des DVD vidéo et met l’audio comme la vidéo au centre du PC. Autrement dit, et bien que cette version de Windows soit en avance sur ce que propose les Mac, Microsoft ne fait que singer Apple. En proposant son codec en licence, il cherche à couper les ailes à toute concurrence et à protéger la suprématie de Windows dans tous les domaines ! En freinant la généralisation du MPEG-4 par l’industrie, il compte empêcher sa généralisation sur le Web, en téléphonie mobile (voir édition du 18 avril 2002), à la télévision ou de façon générale en vidéo numérique. Ce qui lui éviterait d’avoir à intégrer un standard de référence qu’il n’est pas le seul à maîtriser et de mettre son lecteur vidéo en compétition face à d’autres comme ceux de Real et d’Apple ! La mise à jour 6.1 de QuickTime, disponible depuis quelques jours, en est d’ailleurs l’illustration. Force est de noter que, version après version, les améliorations attendues sont incorporées au logiciel. Une situation que n’entend sans doute pas affronter Microsoft… De peur de ne pouvoir user des tours de passe-passe qui l’aident généralement à noyer ses concurrents ?
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