Mobilisation générale contre le spam
Acteurs de l’Internet et gouvernements déploient leur arsenal juridique et technique pour combattre le fléau que constitue le spam. Mais ces mesures seront-elles suffisantes ?
Quelques jours après avoir lancé un service de filtrage des courriers électroniques indésirables (voir édition du 26 novembre 2003), AOL lance une campagne antispam avec un slogan aux accents de reggae, « No spam – No cry ». En France, cette campagne internationale se traduit par l’ouverture d’un site dédié à la lutte contre le spam. Informations, conseils, actions à mener… Antispam.aol.fr se présente comme un site pédagogique à l’intention des internautes « démunis face au spam ». On y aperçoit notamment un compteur qui affiche en temps réel le nombre de courriers bloqués par les serveurs d’AOL. La vitesse d’incrémentation donne le vertige : près de 34 milliards de messages non sollicités ont déjà été comptabilisés depuis le début du mois, plus de 1 milliard rien qu’aujourd’hui. Outre la louable intention de venir en aide à ses abonnés, on comprend la volonté du fournisseur d’accès d’éradiquer ce qu’il n’hésite pas à qualifier de « cauchemar » et qui toucherait près de 90 % des internautes, selon une étude interne. Même si les pertes sont difficiles à quantifier, il est clair que la lutte contre le spam pèse dans les comptes d’AOL, tant en termes d’infrastructures techniques que de ressources humaines.
Des armes juridiques pour les FAI
Parmi les nombreux conseils pratiques que délivre le site, AOL incite les internautes à signer une pétition, non pas directement contre les spammers – ce qui ne ferait qu’enrichir leurs bases de données d’adresses e-mail – mais pour amender la future loi sur la « Confiance dans l’économie numérique » qui doit être présentée en deuxième lecture à l’Assemblée les 11 et 12 décembre prochains (voir édition du 26 juin 2003). L’idée étant de donner aux fournisseurs d’accès les armes juridiques pour poursuivre les polluposteurs qui exploitent leur serveurs, et de sanctionner pénalement et financièrement les responsables en leur infligeant des amendes importantes.
C’est en tout cas l’orientation prise aux Etats-Unis avec le CAN-SPAM Act (Controlling the Assault of Non-Solicited Pornography And Marketing), la loi en cours de vote qui prévoit notamment de condamner les spammers à des millions de dollars d’amende, voire à de la prison. La loi n’interdit pas pour autant l’envoi de courriers électroniques à des fins publicitaires, à condition que les auteurs s’identifient clairement (notamment par un numéro de téléphone) et permettent aux destinataires de refuser, à l’avenir, les messages électroniques (principe de l’opt-out). L’envoi de messages à caractère pornographique devrait également être interdit. Il serait temps, en effet, que le premier pays producteur de spams (selon un compte-rendu de la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) prenne ses responsabilités : ce fléau coûterait 20,5 milliards de dollars par an aux entreprises mondiales.
Inefficacité des lois
En France, les députés s’apprêtent donc à voter la loi défendue par Nicole Fontaine sur la confiance dans l’économie numérique (LEN), qui doit transposer en droit français le choix européen de l’opt-in – dans le cadre duquel l’annonceur doit préalablement obtenir l’autorisation du destinataire pour pouvoir lui envoyer ses messages publicitaires – à l’inverse des Etats-Unis qui ont fait le choix de l’opt-out. Mais une question demeure : les entreprises émettrices de spams seront-elles sensibles à ces nouvelles lois ? Rappelons qu’en France, la loi Informatique et Liberté est censée protéger le citoyen contre ce genre de pratiques. Pourtant, nombre d’internautes mesurent quotidiennement l’inefficacité de la loi dans l’univers virtuel. Et l’arrivée de la période des fêtes ne devrait pas atténuer cette pollution électronique, bien au contraire.