Comment stabiliser une application mobile, la distribuer et la monétiser tout en gérant l’identification des utilisateurs ? Ces problématiques auxquelles sont confrontés les développeurs, Twitter prétend y répondre avec une plate-forme de services modulaire baptisée Fabric.
Depuis la présentation de cette offre en octobre dernier à San Francisco, les équipes de Twitter sont allées à la rencontre de leur public cible à travers les Etats-Unis, en faisant notamment halte dans de nombreux campus universitaires.
Pour la nouvelle année, le terrain d’évangélisation s’est étendu à l’Europe. Après des sessions à Londres ou encore Berlin, un point d’étape a été réalisé ce mercredi 8 avril dans les locaux de TheFamily, structure parisienne qui se présente comme une « infrastructure de services pour les start-up ».
Devant un parterre de développeurs iOS et Android, Twitter a laissé entrevoir une stratégie ambitieuse : dépasser la dimension du réseau social et trouver place directement au sein des applications mobiles. Ce point d’ancrage est crucial pour la société Internet cotée en Bourse : 80 % de ses utilisateurs se connectent aujourd’hui régulièrement sur smartphone et/ou tablette.
Pour permettre aux développeurs d’enrichir leurs applications, de les déboguer, d’améliorer leur visibilité sur les app stores et de générer des revenus grâce à la publicité, Twitter propose sept outils regroupés en trois kits. Lesquels s’intègrent avec les principaux environnement de développement (Xcode, Eclipse, Android Studio, IntelliJ…) ainsi que les outils de création automatique et de test.
Ces SDK sont ajoutés dans les applications par glisser-déplacer à partir d’un plugin qui s’intègre dans la barre d’outils. En fonction des modules sélectionnés, Fabric analyse le code de l’application et y insère quelques lignes (automatique sous Android ; par copier-coller sous iOS).
En tête de liste, le kit Crashlytics, élaboré à partir des technologies de la start-up du même nom, fondée en 2011 et acquise par Twitter en janvier 2013. L’outil produit des des rapports détaillés sur le plantage d’applications mobiles.
Il reconstruit avec précision les bugs, sur la base de multiples critères : tâches en cours d’exécution, mémoire vive disponible, état du réseau, version de l’OS, niveau de charge de la batterie, orientation de l’écran, etc. Le cloud est mis à contribution pour contrôler des milliers de types d’erreurs, les regrouper en catégories et les hiérarchiser via un ensemble d’algorithmes propriétaires.
BlaBlaCar et Spotify font partie des Net-entreprises qui exploitent Crashlytics. Lequel s’assortit d’une extension en marque blanche : Beta by Crashlytics, destinée à recruter des testeurs d’applications en envoyant des e-mails.
Un tableau de bord associé permet de suivre des métriques comme les installations et le nombre d’ouvertures. « Des données qu’on pourra par exemple présenter à des investisseurs« , selon Romain Huet, chargé des relations développeurs pour Twitter. A noter que Crashlytics inclut un dashboard plus global, nommé Answers et apparenté à Google Analytics.
Le deuxième SDK est centré sur l’exploitation de l’infrastructure et des contenus de Twitter. Un premier module permet d’intégrer des tweets au sein de toute application mobile (le Wall Street Journal a implémenté cette fonctionnalité).
Le second module s’inscrit dans la même logique, mais permet aux utilisateurs de composer leurs propres messages en 140 caractères. Le kit Twitter gère également l’authentification et l’importation de profils utilisateurs.
Dans le prolongement de ce SDK, Twitter s’appuie sur son infrastructure SMS pour proposer Digits. Objectif de cette solution : offrir une alternative au couple adresse électronique/mot de passe en autorisant l’identification avec un simple numéro de téléphone.
Ce type de service est généralement coûteux à mettre en place. Et l’infrastructure utilisée pour envoyer les textos doit pouvoir supporter des montées en charge. Twitter s’appuie pour sa part sur un back-end développé depuis 7 ans et qui constitue aujourd’hui une épine dorsale sur les marchés émergents, où peu d’utilisateurs disposent d’une adresse e-mail.
La troisième brique de l’édifice Fabric, c’est MoPub, du nom de cette start-up passée dans le giron de Twitter en septembre 2013 et à l’origine d’une technologie d’enchères en temps réel (« Real-Time Bidding ») consistant à réserver des espaces aux annonceurs en fonction des caractéristiques de leurs publicités.
Ce processus détermine automatiquement le coût engagé et donc ce que chaque annonceur doit payer pour espérer voir sa réclame apparaître. L’offre la plus rentable est sélectionnée. Ce principe est reconduit avec Fabric, sur le modèle du CPM (coût pour mille impressions).
Le développeur peut choisir ses formats publicitaires (bannière, interstitiel, vidéo, natif), déterminer leur emplacement dans l’application et réguler leur fréquence d’apparition.
Outre la place de marché RTB, il est possible de se connecter à des régies publicitaires partenaires (Google, Facebook, InMobi, Millenium Media…) en mode server-to-server, donc sans SDK.
« À l’heure actuelle, MoPub gère 220 milliards d’impressions par mois auprès de 1,3 milliard de visiteurs uniques », commente Yves Bourgoin, chargé des partenariats en Europe. Et d’ajouter : « 5000 éditeurs monétisent aujourd’hui 15 000 applications mobiles avec MoPub ».
Développé à partir des technologies de Namo Media (start-up acquise en juin 2014 par Twitter), le format publicitaire natif s’appuie sur une technologie de retargeting pour qualifier les cibles en fonction de multiples critères qui vont des centres d’intérêt à l’opérateur réseau.
« Le développeur peut par exemple choisir de ne viser que ceux qui n’ont pas encore installé son application », explique Malik Aberkane, qui accompagne les start-up dans leur développement avec Twitter.
Le kit MoPub est lui aussi proposé gratuitement, mais les développeurs ne récupèrent que 70 % des recettes nettes, sur le modèle traditionnel du commissionnement.
Pour Twitter, l’enjeu est simple : monter en puissance sur un marché de la publicité mobile estimé à 18 milliards de dollars en 2014… et à 40 milliards à l’horizon 2017 (source Statista, 2015).
Crédit photo : Kostenko Maxim – Shutterstock.com
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