A l’heure où les députés français s’apprêtent à valider la loi sur le droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) en procédure d’urgence à travers un vote solennel, une étude canadienne sur la consommation de musique et de radio remet en question nombre de points de mécontentement soulevés par l’industrie du disque à l’égard des téléchargements illégaux en peer to peer (P2P). Réalisée par sondage téléphonique entre le 17 et 22 février 2006 auprès de 1 229 personnes âgées de 13 ans et plus, l’étude de 144 pages (téléchargeable à partir de cette page) a été réalisée par le cabinet Pollara pour le compte de la Canadian Recording Industry Association (CRIA) dans le cadre de l’analyse du marché par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), l’équivalent du CSA en France. Une étude a priori pour le moins impartiale.
Il ressort ainsi que « seulement » 10% des mélomanes justifient leur baisse d’achat de musique par l’usage du téléchargement illégal. Le prix (16 % des sondés), le manque d’intérêt de l’offre du moment (14 %) ou de temps (13 %), sans oublier ceux qui n’achètent jamais de musique (7 %) ou se contentent de la radio (7 %), constituent les principaux arguments avancés pour expliquer la baisse des ventes de disques. Le P2P n’apparaît donc pas comme le principal facteur de concurrence à la vente de musique, même si son impact commercial ne peut être négligé.
Un tiers des fichiers du disque dur piratés
D’ailleurs, les plus jeunes, souvent montrés comme les plus fervents utilisateurs de réseaux P2P, sont les plus gros consommateurs de musique sur des supports physiques. En moyenne, les 13-17 ans ont acheté environ 11,6 CD et DVD au cours des six derniers mois précédents le sondage. Les 18-24 ans les talonnent avec 10,9 CD/DVD acquis. Au-delà de 25 ans, les achats moyens de supports musicaux tombent à moins de 10 pour la même période (voire 6,1 pour les 45-54 ans). Pour les tranches d’âges supérieures, la consommation de musique physique se réduit à moins de 5 disques au cours des six derniers mois.
Autre point à controverse : l’origine des contenus musicaux sur le disque dur de l’utilisateur. Selon l’étude, la plus grande part, soit 36,4 % des fichiers musicaux, ont été copiés à partir des CD audio détenus par l’utilisateur de l’ordinateur. Contre 32,6 % qui proviennent de téléchargements illégaux. Ensuite, 20,1 % des titres disponibles dans le PC ont été achetés en ligne, 8,8 % sont issus de musique partagée avec des amis, 5,6 % ont été téléchargés à partir des sites des artistes et moins de 3 % proviennent d’autres sources. La musique piratée se limiterait donc à un tiers des MP3 (ou autres) qui encombrent les disques durs.
Plus intéressant, le téléchargement illégal favoriserait la consommation légale de musique au bout du compte. Seuls 25 % des sondés avouent ne jamais acheter la musique qu’ils ont acquis sans rien débourser. Autrement dit, 75 % de ceux qui exploitent les réseaux P2P ont déjà acheté des oeuvres acquises initialement sans autorisation, dont 21 % l’aurait fait plus de dix fois.
500 fichiers en moyenne
En moyenne, un PC compte 500 fichiers musicaux. Une majorité d’utilisateurs (39 %) en déclarent entre 101 et 1 000, 5 % plus de 1 000, 28 % entre 50 et 100 et 24 % moins de 50. A noter que la tranche la plus élevée (722 fichiers en moyenne) se situe chez les 25-34 ans (549 chez les 13-24 ans). Enfin, « seulement » 36 % des sondés avouent s’adonner au téléchargement illégal.
Loin d’amoindrir l’usage du P2P, l’étude relativise son usage sur l’économie du disque. Notamment en mettant en avant les liens entre téléchargement illégal et consommation. La CRIA n’en continue pas moins de faire porter sur le dos des réseaux P2P la baisse des ventes de disques dans son intégralité.
Dans un communiqué du 2 mars, antérieur donc à la publication de l’étude le 15 mars, la CRIA annonçait une baisse du chiffre d’affaires de l’industrie musicale de 4 % en 2005 par rapport à 2004. Et appelait à « moderniser » la législation contre le téléchargement illégal à l’image des Etats-Unis ou, plus récemment, de la France. « L’existence d’un marché numérique vivifiant ne sera pas possible avant que notre environnement législatif encourage les gens à acheter de la musique plutôt que d’accepter son vol sur le Web », a déclaré Graham Henderson, le président de la CRIA. La récente étude lui fera-t-elle changer d’avis?
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