Les charges s’accumulent contre Mark Karpelès… qui maintient néanmoins sa ligne de défense dans le cadre de l’enquête sur la faillite de son entreprise, gestionnaire, pendant près de quatre ans, de la plate-forme d’échange de bitcoins MtGox.
L’entrepreneur français, âgé de 30 ans, avait été arrêté le 1er août 2015 à sa résidence de Tokyo, accusé d’avoir falsifié des données dans le système informatique de MtGox pour créer artificiellement près d’un million de dollars en bitcoins.
Le 21 août, un nouveau mandat d’arrêt avait été émis – cette fois pour détournement de fonds – et la garde à vue, prolongée de 20 jours.
Les fonds en question auraient été utilisés pour partie à des fins personnelles, le reste ayant été transféré à d’autres sociétés… pour un lourd préjudice. En l’occurrence, 170 millions de dollars au cours actuel de la crypto-monnaie, si l’on se fie au haut de la fourchette retenue par la justice japonaise.
Persistant à démentir toutes les accusation à son encontre (y compris, selon la presse sur place, l’achat d’un lit de luxe avec les bitcoins détournés), Mark Karpelès a finalement été mis en examen ce vendredi 11 septembre. Il encourt jusqu’à 5 ans de prison, comme le note l’AFP.
Kim Nilsson fait partie des soutiens de MtGox. Il se dit « heureux que la police ait pu avancer dans son enquête ». Tout en ajoutant qu’il serait « décevant si après tout ce temps, [les investisseurs n’obtenaient] qu’une condamnation portant sur une toute petite partie de l’argent perdu », souligne Challenges.
Même son de cloche chez Yoshimitsu Homma. Le président de Association japonaise des monnaies virtuelles accueille favorablement la mise en examen de Mark Karpelès, à l’heure où « l’intérêt [grandit] pour les crypto-monnaies ».
Du côté de la défense, on « ne croit pas » à la responsabilité de l’accusé : les soupçons à son encontre seraient « infondés ». On assure notamment que l’argent investi par Mark Karpelès provenait des revenus de MtGox.
Pour saisir les fondements du dossier, il faut remonter à son origine et plus particulièrement à février 2014. MtGox (acronyme pour « Magic : The Gathering Online eXchange », qui rappelle que l’objectif initial de la plate-forme était de permettre le partage de cartes Magic) avait d’abord stoppé le retrait en devises, puis coupé l’intégralité de son service transactionnel.
Mark Karpelès, qui a notamment travaillé pour la société Internet française Nexway – téléchargement de logiciels, distribution de contenus numériques – avant de racheter MtGox en 2011, n’avait pas réussi à sauver son entreprise Tibanne, finalement placée sous la protection de la loi japonaise sur les faillites. Quelques semaines plus tard, la même démarche était réalisée aux États-Unis.
Cette chute avait ébranlé l’écosystème Bitcoin, le cours de la monnaie chutant après avoir atteint plus de 1 000 dollars fin 2013. Mark Karpelès l’impute à une cyber-attaque : les bitcoins perdus (200 000 ont toutefois été retrouvés dans un porte-monnaie électronique) sont tombés entre les mains de pirates qui ont exploité, pendant des années, des failles sur la plate-forme qui a concentré jusqu’à 80 % des échanges mondiaux autour de la crypto-monnaie.
Sous le coup de plusieurs plaintes dont une class action aux États-Unis, Mark Karpelès est pointé du doigt sur un autre volet. Il aurait entretenu des liens avec le dénommé Shaun Bridges, ancien agent secret américain impliqué dans le business de Silk Road, du nom de cette plate-forme du darkweb qui permettait d’échanger drogue, armes et faux papiers contre des bitcoins (l’aventure avait pris fin en octobre 2013, à l’initiative du FBI).
Le Los Angeles Times croit savoir que Shaun Bridges, qui a récemment reconnu avoir détourné 20 000 bitcoins en janvier 2013 (il avait également admis, début juillet, avoir négocié avec Ross Ulbricht, créateur de Silk Road, pour le protéger du FBI), aurait exploité MtGox pour transférer quelque 350 000 bitcoins sur un compte.
Ces accusations pourraient valoir à Mark Karpelès une prolongation de garde à vue, jusqu’à 2 mois. Sachant que la justice doit se prononcer cette semaine sur une éventuelle libération sous caution.
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