Portée notamment par le mobile, le social, la vidéo et le phénomène adblocking, la montée en puissance du native advertising dans l’industrie de la publicité digitale est perceptible, mais teintée d’incertitude, aussi bien chez les annonceurs que les éditeurs et les internautes.
C’est l’un des principaux enseignements à tirer de l’étude « Native Advertising in Europe to 2020 », présentée dans le cadre du Mobile World Congress par le cabinet britannique Enders Analysis.
On notera que Yahoo s’est associé à la démarche. Cela a son importance, étant donné que le groupe Internet exploite une solution de publicité native à travers sa régie Gemini.
Avant d’aborder l’évolution du marché, revenons sur la définition même du native advertising. Constatant qu’elle était sujette à débat, Enders Analysis s’est arrêté sur une publicité digitale ciblée, intégrée au sein d’un flux média ou social et dont la forme s’apparente à du contenu qui se fond dans le flux éditorial. Par exemple, le fil d’actualités de Facebook ou une vidéo YouTube.
La dimension du contenu sponsorisé n’est, en revanche, pas abordée (elle fera l’objet d’une publication ultérieure).
Pour Enders Analysis, c’est d’abord le mobile qui conditionne l’adoption des native ads. Non seulement parce que les autres formats sont moins tolérés sur les petits écrans, mais aussi parce que les smartphones et les tablettes prennent le pas sur le PC en termes de temps passé en ligne (114 minutes par jour l’année dernière au Royaume-Uni).
À l’horizon 2020, les dépenses en native advertising sur ce canal atteindraient 8,802 milliards d’euros, contre 1,476 milliard en 2015. Dans le même temps, la part du desktop progresserait beaucoup moins sensiblement (de 3,178 à 3,432 milliards de dollars), le mobile prenant le dessus en 2018.
Pour remettre ces chiffres en contexte, on précisera le périmètre de l’étude : 19 pays européens, dont la France.
Le deuxième facteur de croissance pour les native ads, ce sont les réseaux sociaux, qui prennent de l’importance face aux sites Web et aux moteurs de recherche pour la découverte de contenu (les mobinautes britanniques ont passé, en 2015, plus de 20 % de leur temps sur Facebook, selon comScore). Ils représentent déjà l’essentiel des 2,044 milliards d’euros dépensés en 2015 sur les publicités « in-feed » et leur part devrait augmenter (6,287 milliards d’euros en 2020).
Pour les annonceurs, le social a aussi des avantages en matière d’audience potentielle et d’évaluation de performance des campagnes. Il faudra, par ailleurs, surveiller l’évolution des applications de messagerie instantanée, qui commencent à être monétisées en Europe après un focus sur l’acquisition.
Les réseaux sociaux contribuent aussi à la consommation accrue de vidéos. L’offre publicitaire s’accroît en conséquence : de 2,447 milliards d’euros en 2015, les dépenses sur les formats pré-, post- et mid-roll devraient atteindre 5,091 milliards d’euros en 2020.
La frontière avec le content marketing est d’autant plus floue qu’on voit émerger de plus en plus de vidéo dont l’intégralité du contenu est à caractère publicitaire. Le plus gros point d’interrogation reste l’adoption des services payants de type Netflix, qui excluent la publicité de leur modèle économique…
Parmi les autres formats à surveiller, les widgets de type Outbrain et Taboola. Les investissements sur ce segment devraient dépasser 1,1 milliard d’euros en 2020, contre 435 millions en 2015.
L’inconnue porte plutôt sur l’implémentation du native advertising. Du côté des éditeurs, doit-on considérer qu’il s’agit d’une publicité qui doit s’intégrer dans l’esprit du média ou le voir comme un nouveau format modifiable en temps réel pour s’adapter au contenu ?
Chez les annonceurs, il faut penser, entre autres, aux coûts nécessaires à une adaptation pour tous les formats. Les agences ne s’y sont pas trompées en montant en compétence sur cette problématique pour se positionner comme des intermédiaires.
Mais quels sont les critères de succès d’une campagne de native advertising ? Là aussi, les attentes sont très variables, selon que l’on prenne la publicité sur le même plan que le contenu qui l’entoure ou qu’on la considère par rapport aux formats auxquels elle se substitue.
Des métriques comme le nombre de partages et les commentaires semblent plus appropriées que les impressions et les clics. Mais elle sont aussi plus ambiguës : que disent les commentaires ? à qui le message a-t-il été partagé ?
D’après Enders Analysis, il faut aller tout au bout du « parcours client », au niveau des achats, des enregistrements et des souscriptions. Facebook va dans ce sens avec ses outils publicitaires.
Et les internautes dans tout ça ? Le danger est qu’il ne distinguent plus à terme, lorsqu’ils sont confrontés à un contenu publicitaire. Particulièrement les plus jeunes : selon une étude Ofcom réalisée en 2015, seulement un tiers des Britanniques de 8 à 15 ans identifient correctement les liens sponsorisés sur Google.
Au global, les dépenses en native advertising connaîtront, entre 2015 et 2020, une croissance de 156 %, passant de 5,2 à 13,2 milliards d’euros, pour représenter 52 % du marché de la publicité digitale display sur les 19 pays étudiés. En France, l’augmentation sera comparable (de 343 à 824 millions d’euros), sans toutefois atteindre la croissance enregistrée en Allemagne (de 545 millions à 1,7 milliard d’euros).
Crédit photo : Maksim Kabakou – Shutterstock.com
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