Neutralité Internet : une « liberté fondamentale » selon le Conseil national du numérique
Le CNNUm recommande de graver le principe de la neutralité du Net « dans la loi au plus haut niveau des normes ». Au gouvernement d’agir.
C’est la première recommandation officielle du Conseil national du numérique (CNNum) après remaniement survenu en janvier 2013 : une législation sur la « neutralité Internet » paraît essentielle.
Fin 2012, le comité consultatif d’experts du Net avait été saisi par Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises,de l’Innovation et de l’Economie numérique, de la question de la Net Neutralité.
Objectif : étudier l’effectivité du cadre juridique actuel dans le but de protéger la liberté d’expression des internautes.
Un sujet dense qui a été examiné par le CNN en prenant en compte les multiples contributions de réflexion apportées auparavant sur ce thème (ARCEP, Parlement, rapport gouvernemental…).
L’avis vient d’être rendu et les membres du CNNum* sont unanimes : « La liberté d’expression n’est pas suffisamment protégée dans la loi française face au développement des pratiques de filtrage, de blocage, de censure, de ralentissement. »
En conséquence, le Conseil national du numérique considère que « le principe de neutralité doit être reconnu comme un principe fondamental nécessaire à l’exercice de la liberté de communication et de la liberté d’expression ».
Et qu’il faut « l’inscrire dans la loi au plus haut niveau des normes ».
Plus concrètement, le CNNum considère qu’il faudrait intégrer le principe dans la neutralité Internet dans la loi (Leotard) du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (version consolidée au 3 février 2012 selon Legifrance).
C’est l’intitulé même de la loi qu’il faudrait modifier pour l’intituler « loi relative à la liberté d’expression et de communication ».
A travers le deuxième alinéa de l’article premier de la loi de 1986, il faudrait préciser que « la neutralité des réseaux de communication, des infrastructures et des services d’accès et de communication ouverts au public par voie électronique garantit l’accès à l’information et aux moyens d’expression à des conditions non discriminatoires, équitables et transparentes. »
Tout en inscrivant le principe de neutralité du Net comme liberté fondamentale, il faudrait que son application soit contrôlée par la justice et adaptée à l’évolution des futurs usages prédits (mobilité, pair à pair, objets connectés…).
« Toute restriction ne doit être possible que dans le cadre du droit commun et dans le respect des procédures de l’état de droit. »
Son application doit être continuellement adaptée à l’innovation technologique, à la transition économique et à l’évolution des usages, notamment en direction des mobiles, du pair à pair et des objets connectés.
En guise de suivi, le CNNum préconise la mise en place « d’indicateurs pour mesurer le niveau de neutralité des réseaux et des services ouverts au public ».
Dans sa feuille de route du numérique déroulée en février, le gouvernement avait déjà annoncé son intention d’introduire des dispositions législatives « si, après l’avis du Conseil national du numérique sur la neutralité de l’internet, un manque juridique est constaté pour la protection de la liberté d’expression et de communication sur Internet ». Maintenant, les doutes sont levés.
« Ces dispositions viendraient compléter celles existantes du code des postes et communications électroniques conférant à l’Arcep la mission de garantir la neutralité des réseaux dans le cadre de sa mission générale de régulation et de règlement de différends entre opérateurs et fournisseurs de services de communication au public en ligne », précisait le dossier de presse.
« Enfin, il sera proposé de renforcer les compétences de l’Arcep en matière de mesure de la qualité de service des réseaux de communication électronique. »
* Rapport du groupe de travail CNNum composé de Serge Abiteboul, Christine Balagué, Tristan Nitot, Jean-Baptiste Rudelle, Bernard Stiegler, Jean-Baptiste Soufron et Marc Tessier.