Aux États-Unis, le débat sur la neutralité du Net ne devrait plus tarder à remonter jusqu’à la Cour suprême.
Une grande partie des fournisseurs d’accès et des organisations qui les représentent dans ce dossier envisagent de solliciter la plus haute juridiction du pays après avoir échoué, en Cour d’appel, à faire annuler les règles votées l’année passée par la FCC (Federal Communications Commission, organisme régulateur des télécoms sur le sol américain).
Ces règles interdisent notamment aux fournisseurs d’accès de bloquer ou de ralentir du trafic. Elles leur imposent aussi de ne pas prioriser certains services et les oblige à davantage de transparence sur la manière dont ils gèrent leurs réseaux – la FCC s’arroge entre autres un droit de regard sur les accords d’interconnexion*.
La décision était intervenue en février 2015 après un an de débat public ponctué de plusieurs millions de contributions et d’une prise de position du président Barack Obama en faveur du texte.
Tom Wheeler, président de la FCC, avait tenu à assurer qu’il ne s’agissait pas d’un « plan secret pour réguler Internet » comme le laissaient entendre certains détracteurs, « tout comme le 1er amendement de la Constitution n’est pas un moyen de réguler la liberté d’expression ».
La cour d’appel du district de Columbia a justement considéré que le 1er amendement, invoqué dans la plainte déposée par plusieurs lobbys, associations et FAI (la National Cable & Telecommunications Association, la Wireless Association, AT&T, CenturyLink…), ne pose aucune barrière à la mise en place de règles pour un Internet ouvert. La raison : un fournisseur d’accès ne « s’exprime » pas en délivrant son service.
Les plaignants souhaitaient aussi que l’activité des FAI soit reclassée comme « service d’information » et non comme « service de télécommunication » – ce régime étant encadré de manière plus stricte au nom du Communications Act, dont le titre II le place, à quelques exceptions près, sur le même plan que les lignes de téléphonie fixes et mobiles.
Ils appellent désormais le Congrès à intervenir et se préparent, à l’image d’AT&T, au pourvoi en Cour suprême.
Du côté de l’American Cable Association, on dit « [regretter] que la FCC décide de réguler les réseaux des FAI comme s’il s’agissait de simples tuyaux fournis par des sociétés télécoms en situation de monopole ».
Quant à la Wireless Association (ex-Cellular Telephone Industries Association), elle invite la FCC à autoriser la pratique dite du « zero-rating », qui consiste à ne pas déduire du forfait de données d’un client le trafic associés à certaines applications ou catégories de services.
Tom Wheeler se réjouit du jugement de la Cour d’appel (document PDF, 184 pages). Il évoque « une victoire pour les consommateurs, l’innovation et la croissance économique » et une réponse à des problèmes réels, certains opérateurs ayant déjà bloqué des applications mobiles.
D’après plusieurs experts en droit interrogés par Bloomberg, il y a peu de chances que la Cour suprême se saisisse du dossier. Les FAI ont tout intérêt à demander un réexamen par la cour d’appel, devant l’ensemble des juges et pas seulement les trois qui ont rejeté la plainte, à deux voix contre une.
* La FCC estime qu’il est nécessaire de surveiller les accords d’interconnexion, afin d’éviter que les FAI désavantagent le reste de la chaîne jusqu’au consommateur. Pour les avocats des FAI, cela n’est possible qu’en classant a priori l’interconnexion comme une offre télécoms distincte de la fourniture d’accès Internet au public.
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