« Pour être très claire, la disposition actuelle ne restera très probablement pas en l’état », a déclaré Nicole Fontaine, selon Les Echos du 15 janvier 2004, à l’occasion d’un point presse à propos de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN) votée à l’Assemblée jeudi 8 janvier 2004 (voir édition du 9 janvier 2004). La menace des fournisseurs d’accès de fermer les services de pages personnelles et autres forums semble donc porter ses fruits puisque la ministre déléguée à l’Industrie a annoncé qu’elle allait rencontrer leurs représentants pour trouver une solution « conciliant les intérêts des hébergeurs, des familles et de la directive européenne ». Les FAI contestent trois points de la loi : le filtrage du Web, la surveillance des contenus en vue de supprimer les sites à caractère illicite (incitation à la haine raciale, révisionnisme, pédopornographie) et la suppression du caractère privé du courrier électronique (voir édition du 13 janvier 2004).
Pas de contrôle a priori ?
Le mouvement de contestation des FAI pourrait ne pas être le seul facteur de révision de la LEN. Toujours selon Les Echos, Nicole Fontaine aurait demandé aux services de la Commission européenne si les amendements sur la surveillance a priori des contenus numériques ne contrevenaient pas à la directive sur le commerce électronique. Renseignements pris, il semblerait que ce soit le cas puisque la directive en question interdit toute obligation générale de surveillance. Le texte de la LEN pourrait donc, après son passage au Sénat prévu le 6 février 2004, revenir en partie à la version qu’en avait proposée les sénateurs en première lecture, à savoir un contrôle a posteriori des contenus. Autrement dit, les hébergeurs seraient tenus de supprimer les documents illicites qui leur seraient signalés. Si cette modification va dans le sens des prestataires techniques, il restera à régler la question de ce que certains appellent « la privatisation de la justice ». Si les FAI sont prêts à collaborer avec les autorités judiciaires, ils refusent de se substituer aux services de polices et aux juges.
Parallèlement, le député Jean Dionis du Séjour, rapporteur du projet de Loi pour la confiance dans l’économie numérique, s’exprimait sur les récents débats dans le cadre d’un organisé par le JDNet. S’il avoue avoir « sous-estimé l’impact grand public de cette loi », il réfute un certain nombre de points litigieux. A commencer par la colère des FAI dont il regrette les propos virulents. « Les FAI ne sont pas raisonnables en disant cela [une loi liberticide, Ndlr]. Je pense franchement que nous avons fait la première loi fondatrice du droit de l’Internet en France. Elle commence par : ‘La communication publique en ligne est libre.’ Alors, liberticide ça ? » Et ne prend pas au sérieux les menaces des FAI de couper les pages personnelles : « Encore une fois, ce n’est pas raisonnable et je ne peux pas imaginer que des entreprises sérieuses comme AOL, Tiscali ou Wanadoo utilisent ce moyen de pression sur les élus du peuple. Nous verrons bien, je suis sûr que tout le monde restera raisonnable. » Il se déclare en tout cas convaincu de l’existence de solutions techniques de filtrage. « Les hébérgeurs disposent de moyens logiciels puissants en matière de recherche textuelle et de reconnaissance de formes. Ils ne sont pas dépourvus, comme ils le disent de temps en temps. » Tout en reconnaissant qu’il n’existe pas de technique parfaite. « La loi impose aux FAI de mettre en oeuvre […] les moyens dont ils disposent pour bloquer l’accès à un contenu illicite. Donc, c’est une loi de bon sens. A l’impossible nul n’est tenu. »
Des interprétations contradictoires
Par ailleurs, le député réfute totalement l’idée que la loi leur impose une surveillance a priori des contenus. « Il n’a jamais été question de cela. Un internaute qui découvre un site illicite est en droit de réclamer le blocage de l’accès à ce contenu à l’hébergeur qui l’abrite. Nul n’est censé ignorer la loi, c’est un grand principe républicain. » Comment, dans ce cas, interpréter le point 7 de l’article 2 bis qui stipule que « les personnes mentionnées au 2 [les prestataires techniques, Ndlr] mettent en oeuvre les moyens conformes à l’état de l’art pour empêcher la diffusion de données constitutives des infractions » évoquées plus haut. Il est vrai que la première partie de ce point de l’article affirme que les prestataires techniques « ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu'[ils] transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. » Mais comment empêcher la « diffusion » de contenus illicites si ceux-ci ne sont pas soumis à une surveillance préalable ? A charge pour les sénateurs de tenter d’éclaircir ces points sujets à interprétation.
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