En rachetant pour 210 millions de dollars le distributeur allemand de la suite Linux Suse, le spécialiste de l’administration de réseaux Novell franchit une nouvelle étape dans sa stratégie de ralliement à la dynamique Linux (voir édition du 16 avril 2003). La première étape a été de désolidariser ses services réseaux de son système d’exploitation, Netware, et de réaliser le portage sous Linux de ses principaux outils de partage de fichiers, de gestion d’impression, de messagerie et de travail collaboratif, d’annuaire et d’administration de réseaux. La deuxième étape a été l’acquisition cet été de Ximian, qui lui apportait, entre autres, une interface graphique et un logiciel d’administration des parcs de postes de travail et serveurs sous Linux (voir édition du 4 août 2003). Quant à la troisième étape, elle consiste fort logiquement à se doter d’une suite Linux, ce qui est chose faite avec l’acquisition de Suse. Le résultat est que Novell est désormais le groupe informatique disposant du plus large éventail d’outils relatifs au système libre, du poste de travail au serveur. Il se pose en concurrent, en premier lieu, de Red Hat, premier distributeur Linux, mais également de Microsoft qui est à l’origine du déclin de Novell. Rappelons en effet que Novell avait, avec NetWare, acquis la première place dans les systèmes d’exploitation pour réseaux d’entreprise, avant de perdre du terrain dans les années 90 face à Windows NT.
A la recherche du bon modèle économique
Une période d’errements stratégiques s’est ensuivie avant le ralliement à Linux. Pour autant, Novell n’est pas tiré d’affaire. Il lui faudra tout d’abord intégrer en un tout cohérent les divers produits issus de ses acquisitions, puis réussir là où Suse a partiellement échoué, à savoir élaborer un modèle économique rentable autour d’un produit gratuit. Classiquement, le modèle économique des distributeurs de suites Linux repose sur la vente d’outils complémentaires au système d’exploitation et de services associés. Or, si Suse, qui réalise un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 30 millions de dollars, s’est fait racheter par Novell, dont le chiffre d’affaires annuel dépasse un milliard de dollars, c’est précisément parce qu’il manquait de ressources financières pour poursuivre seul son développement. Il n’y a guère que Red Hat qui semble bon an mal an tirer son épingle du jeu (voir édition du 19 septembre 2003). Pour ce qui est de Suse, la fusion avec Novell change évidemment la donne, car ce dernier dispose à la fois d’une solide assise financière, d’un réseau de distribution, de partenaires et d’une base installée, certes en déclin, mais qui reste importante. Du coup, Suse accède au statut d’acteur d’envergure mondiale. Une promotion qui s’est faite, en outre, avec la bénédiction d’IBM puisque l’acquisition de Suse par Novell a été accompagnée d’un investissement concomitant de 50 millions de dollars d’IBM dans Novell. IBM, qui a développé une lucrative activité de vente de serveurs sous Linux, a en effet intérêt à ce qu’émergent des distributeurs puissants, susceptibles de rassurer les entreprises.
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