« Chaque fois que la France et l’Allemagne prennent des initiatives communes cela fait avancer L’Europe », a rappelé François Hollande, ce mardi 27 octobre, en clôture de la première conférence numérique franco-allemande.
Tout en émettant ce vœu : « faire de l’Europe le continent le plus numérique au monde. »
Plus de soixante ans après le Traité de Paris qui instaurait la Communauté européenne du charbon et de l’acier, le couple franco-allemand veut être le nouveau moteur de ce qui fait aujourd’hui la croissance économique : le numérique.
Dans la Salle des fêtes de L’Elysée, des intervenants du secteur privé des deux pays se sont succédés à la tribune appelant à lever les barrières administratives, fiscales et financières qui brideraient leur activité. Pas sûr qu’ils aient été entendus.
Ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, Emmanuel Macron a synthétisé les travaux de la journée en huit actions, dont nombre d’entre elles relèvent de la compétence de l’Union européenne. On peut les regrouper en trois thèmes.
C’est un constat maintes fois répété. Si nos start-up disposent de nombreux outils financiers pour croître les premières années, il leur manque des financements pour prendre une autre dimension et devenir ces fameuses « licornes » dont la valorisation dépasse le milliard de dollars.
« 90 % du capital-risque va aux Etats-Unis et au Japon », rappelle Philipp Kreibohm, patron de Home 24. Faute de cash, nos pépites tombent dans les bras d’acteurs généralement américains. « Nos startups se tournent vers la Silicon Valley plutôt que vers Munich ou Berlin, a regretté la secrétaire d’Etat chargée du numérique Axelle Lemaire. Il faut sortir du financement à la papa qui ne marche pas !»
Pour changer la donne, Emmanuel Macron a évoqué la création le d’un fonds d’investissement européen doté de 4 à 5 milliards d’euros, permettant d’offrir aux entreprises innovantes des « tickets de plus de cent millions d’euros ». Sans plus de précision. Des fonds qui devraient provenir du plan de relance « Juncker » doté de 315 milliards d’euros d’investissements.
En attendant, les politiques s’en remettent au privé. Bpifrance, son homologue allemande KfW, et la Banque européenne d’investissement (BEI) ont ainsi pris une participation de 75 millions d’euros dans l’entreprise de capital-risque Partech Growth.
La même BEI a investi 25 millions dans Qwant, le moteur de recherche franco-allemand.
Les patrons de Publicis (Maurice Lévy), d’Orange (Stéphane Richard) et de Siemens (Gerhrad Cromme) ont, de leur côté, annoncé la création d’un nouveau fonds d’investissement du numérique de 500 millions d’euros.
Son nom, IrisNext, rappelle le fonds de capital-risque Iris Capital dans lequel Orange et Publicis sont déjà associés.
Patron de Nokia, Risto Siilasmaa a conseillé aux dirigeants politiques de s’inspirer du modèle de financement des pays nordiques qui représentent 7 % du PIB du Vieux Continent mais compte 53 % des licornes européennes dont Spotify (musique en streaming).
C’est une autre antienne. Une jeune pousse qui veut faire de l’Europe son marché domestique de 500 millions d’utilisateurs doit se confronter à autant de régulations que d’Etats membres. C’est-à-dire 28.
Il s’agit donc d’harmoniser le droit fiscal, commercial voire social. Le CNNum et son homologue germanique BJDW en appelle, dans une plateforme de propositions communes, à un marché unique du numérique.
Ce qu’avait promis Jean-Claude Juncker lors de sa campagne pour la présidence à la Commission. Son vice-président en charge du numérique, Andrus Ansip, a admis que les travaux dans ce sens ne faisaient que commencer.
En attendant, Emmanuel Macron propose d’adopter le statut de la Jeune entreprise innovante de part et d’autre du Rhin. Ce statut accorde aux start-up une réduction de leur fiscalité et des charges sociales .
Il appelle aussi de ses vœux une politique commune de standardisation et de normalisation sur les grands enjeux technologiques comme le cloud ou le big data afin d’éviter des concurrences contreproductives. Le label « Secure Cloud », qui a avait émergé du plan cloud de la Nouvelle France industrielle pourrait passer le Rhin.
De même, il s’agit de parler d’une même voix en ce qui concerne la protection des données personnelles et la loyauté des plateformes numériques. « Notre système de protection des données est périmé, a tranché, pour sa part, le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel. Il vaudrait mieux parler de la souveraineté des données. Quelles données un citoyen veut exposer, lesquelles il veut conserver de part vers lui. »
« Aux Etats-Unis, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. En Europe, ce qui n’est pas régulé est interdit, a ironisé, à sa suite, la chancelière Angela Merkel. Dans le domaine du big data, il faut trouver un équilibre entre création de valeur et protection de la vie privée. »
Patron de Captain Train, plateforme vendant les billets de la SNCF et de la Deutsche Bahn, Jean-Daniel Guyot regrette qu’il doive d’abord créer une structure à Berlin afin de pouvoir embaucher sur place.
C’est peut-être la mesure la plus innovante. Les deux gouvernements créent une académie franco-allemande de l’industrie du futur autour de la robotique, de la logistique, de l’internet des objets… Elle réunira des industriels, des organismes de recherche et des établissements académiques. Un premier partenariat unira l’école des Mines à la Technische Universität de Munich.
Il s’agit aussi de faire converger le projet allemand « Industrie 4.0 » et « l’Alliance Industrie du Futur » lancée en France en juillet dernier.
Portant le coq rouge de la French Tech à sa boutonnière, le ministre Macron promet, d’ici la fin de l’année, des investissements communs au profit du concept d’usine dite « intelligente » (« smart factory »).
Sinon, on s’est promis de se revoir l’année prochaine…à Berlin cette fois-ci.
Crédits photos : CNNum, Présidence de la République – C. Alix, XB.
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