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Le numérique « made in UK » menacé : vers un Brex-IT ?

Après London Calling, London Escaping ? Le choix du Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne aura des conséquences sur le secteur du numérique. Il est encore trop tôt pour en mesurer les conséquences. Mais on perçoit déjà des préoccupations de professionnels ou d’analystes et des perspectives de bouleversements dans des pans d’activités Internet ou des segments comme la FinTech.

Pour mesurer les réactions à chaud, Twitter se distingue comme d’habitude. Selon Visibrain qui a étudié le phénomène Brexit de sa plateforme de veilles média, c’est un volume d’environ 5 millions de tweets qui a été déversés en quelques heures sur la plateforme de microblogging.

« La majorité des tweets ont été enregistrés aujourd’hui (24 juin) entre minuit et 14h avec près de 5 millions de mentions pour le #Brexit et près de 2 millions pour le #EUReferendum », précise l’éditeur français.

Le suspense avait duré toute la nuit et le résultat du référendum demeurait encore incertain jusque tard dans la nuit. « Le pic a été atteint ce matin à 6h00, témoignant ainsi du séisme provoqué par l’annonce de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne », précise Visibrain.

La bataille sur les réseaux sociaux a été intense : le fournisseur d’outils de veille sur les médias sociaux évoque plus de 11 millions de mentions sur le hashtag #Brexit et plus de 5 millions pour le #EUReferendum.

Alors, quelles seront les conséquences pour le secteur du numérique ? ITespresso.fr vous propose une synthèse des enjeux par acteurs IT ou thématiques majeures…en attendant que l’horizon s’éclaircisse. Car le Brexit ne pourrait devenir qu’une réalité dans deux ans…

Groupes IT : l’avertissement avant le référendum

Les craintes d’une déstabilisation sectorielle sont grandes. Selon TechWeekEurope, un collectif de 34 décideurs du secteur IT installés au Royaume-Uni avait pris position pour un maintien dans l’Union européenne. Parmi les signataires figuraient les dirigeants des branches locales d’IBM, Microsoft ou SAP.

Selon TechWeekEurope qui s’était fait écho de cet appel, le Brexit ouvrirait une période d’incertitude prolongée dans le secteur du numérique en Europe (un marché de 500 millions de consommateurs, dont 65 millions au Royaume-Uni).

« Tout comme la communauté mondiale du business qui pend acte du résultat du référendum, nous appelons le gouvernement britannique à adopter une position dans les négociations à venir visant à faire en sorte que l’économie du pays reste un succès, ouverte, compétitive et innovante », a déclaré un porte-parole d’IBM UK.

GAFA : think twice ?

Au regard du résultat du référendum, les plus puissants groupes Internet américains pourraient redéployer leur présence en Europe. Certes, les sièges européens de Google, Facebook ou encore de Twitter sont en Irlande mais les géants du Web considèrent Londres comme un carrefour incontournable. Ils seraient susceptibles de revoir leurs implémentations afin de coller à la nouvelle réalité qu’impose le Brexit. Pourquoi ne pas renforcer leurs centres de décision dans des relais implantés à Paris ou Berlin ?

Business Insider rappelle que Google avait décidé en 2013 d’installer un nouveau quartier général à Londres en 2016 susceptible d’accueillir 5000 collaborateurs. Les employés ont commencé à s’installer dans le complexe près de la gare de Saint-Pancras. De son côté, Amazon prévoit aussi d’installer un hub à Shoreditch (quartier Est de Londres) d’ici fin 2017 (là aussi en prévoyant une capacité d’accueil de 5000 personnes).

Start-up françaises à Londres : retour au bercail ?

Il existe une grosse bataille entre trois capitales pour attirer les start-up : Londres, Paris et Berlin. Une grosse bataille d’influence et de communication pour départager les deux dernières capitales. Mais Londres est au-dessus de la mêlée avec 300 000 start-up créées depuis le début de l’année.

Business France évalue à 5000 le nombre de Français qui travaille dans l’écosystème britannique de start-up. En avril, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, et Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique, ont inauguré un nouveau French Tech Hub à Londres. Sans vraiment se soucier que l’option Brexit puisse se concrétiser.

Néanmoins, Emmanuel Macron évoquait un « danger relatif » pour les entreprises françaises présentes au Royaume-Uni bénéficiant souvent de « deux implantations ». « Ce qui est sûr, c’est que ça ne facilitera pas le développement de ces entreprises (…) et que ça aura un coût plus ou moins important selon leurs modèles d’affaire et selon l’intensité des relations qu’il y a entre les deux pays. »

Les start-up françaises qui se sont implantées au Royaume-Uni sont nombreuses. On y trouve par exemple Vestiaire Collective (marketplace de vêtement de luxe d’occasion), Wemanity (coaching agile), Talend (big data), 1001mercis (e-marketing) ou AB Testy (tests A/B).

Investisseurs: business angels et VC inquiets

Les réflexions de Niklas Zennstrom, délivrées auprès de Bloomberg, résume l’esprit des investisseurs qui parient sur les start-up du numérique. « Si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, les entrepreneurs vont réviser leurs options pour les vols d’avion », considère le co-fondateur de Skype désormais à la tête du fonds Atomico.

Traduction : Londres ne sera plus forcément perçue comme « the place to be ». Il précise sa pensée en prenant deux cas concrets pénalisants : la difficulté de lever des fonds dans un pays déconnecté de l’UE et les soucis pour recruter des collaborateurs talentueux qui ne disposeraient pas de la nationalité britannique. Hors, le secteur du numérique recrute beaucoup d’ingénieurs à l’international au regard de la demande.

Fred Destin, Partner du fonds Accel (qui a notamment investi dans Deliveroo pour la livraison express de repas), agite la nouvelle barrière du recrutement sur fond de Brexit. Les passerelles avec le marché européen permettaient de faire venir des collaborateurs précieux au Royaume-Uni pour accélérer sur des projets start-up. Mais, cet accès « fluide, rapide et simple » va se refermer.

Brent Hoberman, co-fondateur de Lastminute.com (voyages et loisirs de dernière minute) et Made.com (vente de meubles originaux en ligne) et business angels actifs, se montre choqué par la victoire du camp du Brexit. « Est-ce vraiment que notre pays croit vraiment ? Regarder en arrière plutôt que d’aller de l’avant. »

FinTech : le Brexit, ce boulet ?

En raison de l’influence de la City sur le monde de la finance, Londres est perçue comme la capitale de la FinTech en Europe. Au Royaume-Uni, les start-up du secteur ont attiré 850 millions d’euros d’investissements l’an dernier, quatre fois plus que les allemandes, beaucoup plus que les françaises.

De plus, la capitale britannique compte de multiples accélérateurs et incubateurs dédiée à cet univers : StartupBootCamp Fintech, Level 39, Barclays Accelerator, Bold Rocket, Fintech Innovation Lab d’Accenture…

En raison de leurs activités forcément portées par l’international, les start-up regardent d’un mauvais œil le Brexit. « Nos interlocuteurs business sont pétrifiés à cette idée », déclarait Mike Laven, CEO de Currencycloud (paiement transfrontalier).

L’orientation vers l’isolement risque de gêner des licornes anglaises comme Funding Circle (crowdlending) ou TransferWise (transfert d’argent). Pour le cas de cette dernière start-up, son CEO Taavet Hinrikus, considérait le Brexit comme un « désastre » et envisageait même un départ de Londres.

Certains cabinets d’études se montrent carrément alarmistes : le Brexit serait une catastrophe pour la FinTech, estime William Garrity Associates en évoquant une perte de 5 milliards de dollars en investissement sur les 5 prochaines années.

Interrogé par le FT, Jan Hammer, Partner chez le fonds Index Ventures à Londres, reste aussi sur ses gardes. « Le Brexit va atténuer l’influence prédominante de Londres dans le secteur FinTech. »

Bourse : une chance pour Euronext ?

Dans cette pagaille associée au Brexit qui affole les marchés financiers du monde entier, l’influence des places financières va-t-elle changer ? On évoque régulièrement l’opportunité pour l’opérateur européen de places financières Euronext de monter en puissance face à une City qui serait déclinante, piégée par le retrait du Royaume-Uni de l’UE.

Cela reste une hypothèse à moyen terme. Londres demeure une place forte de la finance internationale même si l’on sent une forte préoccupation dans la communauté des pros du secteur sur place, comme les traders.

En tout cas, la consolidation des places boursières se poursuit : London Stock Exchange Group et Deutsche Börse ont réitéré leur volonté de boucler leur fusion de 27 milliards d’euros après l’annonce du référendum du Brexit.

On n’osera tout de même pas jusqu’à affirmer : « Business as usual » au regard des secousses sur les places de marché…

(Crédit photo archive : LONDON – JUN 23, 2015: David Cameron British Prime Minister with the Start Up Britain Tour Bus in Downing Street on Jun 23, 2015 in London)

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