Quelles seraient les répercutions sur les acteurs de l’économie numérique française si la loi HADOPI est adoptée par le Parlement ? Pour répondre à cette question, Vnunet.fr a interrogé Octave Klaba, l’emblématique fondateur et dirigeant de l’hébergeur OVH.
Cet acteur implanté historiquement dans la région Nord, à Roubaix, est devenu au fil des années le plus gros hébergeur de sites Internet dans l’hexagone et affiche son ambition de devenir le numéro un en Europe.
Si l’hébergeur ne dévoile pas son chiffre d’affaires, différentes sources laisseraient entendre qu’il avoisinerait les 40 millions d’Euros. En termes d’emploi, l’entreprise a dépassé la barre de la centaine de collaborateurs. Le poids économique d’un tel acteur n’est pas négligeable.
Pour Octave Klaba, les problématiques juridiques doivent prendre en compte les réalités économiques. Car la perte de compétitivité face aux concurrents européens est une menace qui pourrait se préciser si HADOPI était votée par le Parlement.
Le dirigeant d’OVH donne son avis sur la loi et analyse ses conséquences potentielles… sans langue de bois. (Interview réalisée le 30 Avril 2009)
Vnunet.fr: Après avoir découvert que vous étiez le nouvel hébergeur du site « jaimelesartistes.fr », vous n’avez pas tardé à réagir pour dire ce que vous pensez de la loi HADOPI…
Octave Klaba: Nous hébergeons ce site comme sept millions d’autres sites Internet. Tout le monde peut commander une infrastructure chez nous et l’avoir en moins d’une heure. Les problèmes soulevés par l’industrie du divertissement (musique, cinéma) sont avérés, le piratage est une réalité. Mais ce n’est pas seulement une réalité franco-française. Il ne faut pas stigmatiser les Français en disant qu’ils copient illégalement de la musique ou des films car en Europe et dans le reste du Monde, c’est partout pareil, le piratage est un problème à l’échelle mondiale. Hadopi n’apportera pas de réponse globale face au piratage car c’est une loi qui va s’appliquer seulement sur notre territoire. Faire croire que grâce à cette loi, l’industrie culturelle n’aura plus de difficultés pour se développer est totalement faux. Comme toute industrie, elle doit accepter de se remettre en question, certes rapidement, mais de nos jours tout évolue très vite. Il faut savoir prendre de risques, avoir des idées et aller de l’avant.
Vnunet.fr: En tant qu’hébergeur, quel sera l’impact de cette loi vis-à-vis de vos activités ?
O. Klaba: Nos infrastructures d’hébergement sont situées en France, mais bon nombre de nos clients sont en Europe. Nous avons neuf filiales à travers l’Europe avec un réseau en fibre optique qui dessert toutes les capitales européennes. Nous devons déjà maitriser les différentes lois des pays où nous sommes implantés. Cette loi sera un dossier juridique de plus à gérer. De manière directe, nous pensons que l’impact des dispositions issues de la loi Hadopi sera très faible sur notre activité voir nul. Mais il n’est pas impossible que cela pose quelques problèmes psychologiques à nos clients qui hésiteront avant de se tourner vers un prestataire français et pourront préférer d’autres concurrents en Europe. A titre d’exemple, le respect de la vie privée en Allemagne est plus avancé qu’en France et les clients y sont extrêmement attachés: Pourquoi prendre un risque avec un prestataire français par rapport à un acteur allemand ? Quotidiennement, nous devons déjà répondre à cette question posée par nos prospects européens et il faudra désormais inclure dans notre argumentaire la loi Hadopi. En résumé, il sera plus difficile de s’afficher comme un acteur français de l’Internet.
Vnunet.fr: Le fait de proposer des serveurs hébergés en France avec des adressse IP étrangères peut-il poser problème ?
O. Klaba:Effectivement, on se demande comment la loi va réagir par rapport au fait que nous gérons les adresses IP françaises d’Ovh.com aussi les IP de nos filiales en Europe. Physiquement, les serveurs sont en France mais le réseau est européen. Les offres comme le RPS (Real Private Server) poseront le plus de problèmes car le serveur a des adresses IP européennes, il peut être hébergé partout en Europe mais les infrastructures de stockage de données pourront être en France comme dans d’autres territoires, et ceci n’est pas détectable grâce aux réseaux privés. C’est la technologie qui le permet. Comment la loi interprétèra toutes ces problématiques technologiques, on ne le sait pas encore.
(lire la fin de l’interview page suivante)
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