Alors que durant des mois, Yahoo s’est réfugié derrière le sacro-saint principe américain de la liberté d’expression, voici que le site d’enchères en ligne fait volte-face et annonce qu’il va interdire la vente d’objets nazis sur son site américain. Comme cela, du jour au lendemain. Pourtant, les discussions auront été longues et le débat nourri pendant les mois qu’a duré « l’affaire Yahoo », opposant la société américaine aux associations de lutte contre le racisme : la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), l’UEJF (Union des étudiants juifs de France) et le (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples). Ce rebondissement intervient alors qu’il y a à peine deux semaines, Yahoo saisissait la justice américaine dans le but de faire annuler la décision française (voir édition du 22 décembre 2000). Une décision de justice française contestée qui ordonne au site de filtrer les internautes pour empêcher les Français d’accéder aux objets nazis sur son site américain (voir édition du 20 novembre 2000).
Un système de surveillance, pas de filtrage« Nous ne mettons pas de filtre en place », prévient Philippe Guillanton, directeur général de Yahoo France. « Il s’agit de surveillance par le biais de moyens logiciels et humains. Cela ne change rien quant à notre volonté de faire invalider par une cour américaine la décision d’un juge français ; nous attendons un jugement dans les trois mois », ajoute-t-il. En fait, Yahoo modifie sa stratégie commerciale et en profite pour faire le ménage dans les objets qu’il accepte sur son site américain. « C’était prévu depuis longtemps », reprend Philippe Guillanton, « nous étions plutôt un site de communauté, nous devenons une plate-forme de commerce électronique. Désormais nous prélevons une rémunération sous forme d’un paiement du listing. » Pour poster une annonce, il faudra maintenant débourser entre 20 cents et 2,25 dollars (de 1,4 à 16 francs environ), selon la mise à prix. « Il est plus légitime de commencer à décider ce qui peut se vendre ou non, même si au regard du droit américain le problème ne se pose pas », insiste le responsable français.
Les parties civiles apparemment satisfaites
Du côté des parties civiles, on se réjouit de la décision : « Ygal El Harrar, président de l’Union des étudiants juifs de France, se félicite de ce retour à la raison de la société américaine », indique l’UEJF dans un communiqué cité par l’AFP. « Après une bataille juridique militante longue de neuf mois, Yahoo s’est enfin résigné, à la suite d’une action de l’UEJF, à interdire à partir du 10 janvier l’accès à la vente des objets nazis sur son site Internet », constate l’association. Yahoo a en effet indiqué que le système serait opérationnel à partir du 10 janvier : « Les descriptions des objets postés sur le site sont scannées par un moteur de recherche. Si des mots correspondant à des concepts de haine, comme ‘nazi’ ou ‘Ku Klux Klan’, sont détectés, une équipe de surveillance est alertée », explique Philippe Guillanton. En France, le site, qui n’accepte aucun objet nazi, reste à l’ancien système : gratuit. « Aux Etats-Unis, la période de mise en place, de conquête d’audience est maintenant derrière nous. Ce n’est pas le cas de la France, la plate-forme reste en maturation », justifie le directeur de Yahoo France.
Si Yahoo n’appliquait pas la décision française avant le 20 février prochain, les associations parties civiles pourraient demander l’exécution du jugement outre-Atlantique. D’après la décision du juge, Yahoo devrait verser 100 000 francs par jour d’infraction. Visiblement, cela ne sera pas nécessaire.
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