OMG Torrent : prison ferme et 5 millions d’euros à payer pour le créateur du site
Le créateur du site OMG Torrent et sa compagne modératrice du forum ont été reconnus, entre autres, coupables de contrefaçon d’œuvres audiovisuelles.
Douze mois de prison dont huit ferme, assortis de deux ans de mise à l’épreuve : c’est la sanction infligée par le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne à l’administrateur du site de téléchargement OMG Torrent.
L’intéressé est également condamné, par décision du 14 septembre 2016 (document PDF, 53 pages), à verser près de 5 millions d’euros de dommages-intérêts* aux nombreuses organisations qui s’étaient portées partie civile. Il écope par ailleurs d’un an de suspension d’accès à Internet, comme le souligne Legalis, qui a décortiqué l’affaire.
Plusieurs chefs étaient retenus contre lui, dont la contrefaçon de compositions musicales au moyen d’un service de communication au public en ligne.
Sur la période concernée, en l’occurrence du 1er janvier 2012 au 2 juin 2015, le prévenu était, selon les plaignants, en état de récidive légale, ayant été condamné le 21 septembre 2011 par le même tribunal à 900 000 euros d’amende et 4 mois avec sursis pour des faits identiques ou assimilés, en lien avec le site news-torrent.com.
Travail dissimulé
Le grief de contrefaçon concernait aussi des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, là aussi en récidive, sur une période légèrement plus courte (jusqu’au 28 avril 2015).
Gaumont, UGC Images, Les Films du 24, Pathé Production, Pathé Distribution, Columbia Pictures Industries, Disney Entreprises, Paramount Pictures, Tristar Pictures, Twentieth Century Fox, Universal City Studio et Warner Bros évoquaient également le motif de « recel habituel de biens provenant d’un délit ».
Les deux autres chefs d’accusation portaient sur la mise à disposition du public d’un logiciel (le site omgtorrent.com) manifestement destiné à la mise à disposition non autorisée d’œuvres protégées et sur l’exercice à but lucratif d’un acte de commerce non déclaré au fisc et aux organismes de protection sociale.
L’acte en question consiste en de l’affiliation publicitaire sur le site OMG Torrent, qui aurait enregistré jusqu’à 3,5 millions de visiteurs uniques par mois, se positionnant comme le 462e site de France en termes de fréquentation, d’après un PV de la Sacem.
L’armada de l’admin
Ce procès-verbal avait été dressé le 10 septembre 2014 par un agent assermenté de la société de gestion des droits auteurs. Il avait été suivi, le 16 décembre de la même année, par un autre PV émanant de l’Alpa.
L’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle avait constaté qu’OMG Torrent permettait à la fois le téléchargement et la mise en ligne de fichiers, le tout sans nécessairement avoir à créer de compte.
Le 12 janvier 2015, le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) et la Fédération nationale des distributeurs de films (FNDF), membres de l’ALPA, avaient porté plainte contre X. La Sacem avait fait de même quelques semaines plus tard, expliquant avoir recensé, à fin 2014 sur OMG Torrent, plus de 10 700 liens vers des films, 5 270 vers des séries et 690 vers des albums musicaux.
À la suite d’une perquisition à son domicile, le prévenu a été déterminé comme étant l’administrateur de fait d’OMG Torrent. De nombreux éléments en attestent, d’après la justice.
En premier lieu, son ordinateur. L’historique Internet comprend des entrées relatives à l’administration du site. Les enquêteurs ont aussi trouvé un VPN, un logiciel de chiffrement ou encore des fichiers contenant le tag omgtorrent.com.
Une affaire de jurisprudences
Un disque dur caché au-dessus de la chaudière renfermait près de 12 000 titres musicaux et quelque 3 000 vidéos. On en trouvait aussi sur la Freebox du prévenu, qui disposait par ailleurs d’une clé USB permettant de démarrer une Linux sans laisser de traces.
Pour le TGI, tout cela suffit à mettre en évidence une « action dans la gestion, la mise à jour et l’administration du site ». D’autant plus que l’intéressé a reconnu avoir créé l’interface du site et la base de données, conçu le CMS, réservé le nom de domaine et positionné les publicités.
Une jurisprudence abondante fait le reste. Elle pose que le fait d’administrer un site de liens permettant l’accès et le téléchargement de contenus protégés tels que les enregistrements phonographiques est constitutif du délit de contrefaçon, du fait de la mise à disposition de ceux-ci.
Deuxième jurisprudence, qualifiée de constante : les délits d’atteinte aux droits des producteurs sont présumés avoir été commis de mauvaise foi.
« Ils savaient »
Le TGI a estimé que le prévenu était parfaitement conscient du caractère illicite de ses agissements. Il a d’ailleurs veillé à ne pas laisser de traces, notamment en réservant le nom de domaine sous une fausse identité et plus généralement en employant « de nombreux procédés d’anonymisation ».
Les conditions d’utilisation du site faisaient elles-mêmes clairement état de ce caractère illicite, avec, dans la rubrique « informations légales », une « clause d’exonération de responsabilité ».
Le même raisonnement a été appliqué à la modératrice du forum, qui n’est autre que la compagne de l’administrateur.
Elles aussi était accusée de contrefaçon et de recel, mais sans récidive. L’enquête a démontré qu’elle avait « pris une part active à l’exploitation et à la mise en place du site », en postant plus de 1 000 messages pour accueillir les nouveaux inscrits, leur fournir des explications techniques… et leur donner des conseils pour se protéger de la loi.
L’intéressée a reconnu les faits, tout en confirmant avoir, comme son compagnon, alimenté le site (500 vidéos et 8 054 titres musicaux dans son historique OMG Torrent).
Allô Google ?
En vertu d’une jurisprudence selon laquelle l’infraction de par mise à disposition est constituée dès lors qu’une personne a participé aux activités illicites de sites Internet destinés à permettre l’accès au téléchargement de phonogrammes sans autorisation de leurs producteurs, elle écope de 4 mois de prison avec sursis, de 6 mois de coupure d’Internet et de 800 000 euros à verser, solidairement avec l’administrateur, à la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP).
Le TGI a ordonné la fermeture définitive du site, son déréférencement par Google et Bing, la confiscation des scellés contrefaisants et la publication judiciaire d’un communiqué.
Quatre « gros utilisateurs » d’OMG Torrent – dont un qui disposait de plus de 100 000 fichiers musicaux sur un disque dur – ont été jugés en parallèle. Ils ont chacun écopé d’un mois de prison, peine à laquelle ils sont totalement sursis.
* Gaumont réclamait, rien qu’au titre du préjudice matériel, 298 400 euros ; Paramount, 429 200 euros ; Columbia, 452 400 euros ; Disney, 524 900 euros ; Universal, 533 600 euros ; Warner Bros, 649 600 euros ; Twentieth Century Fox, 707 600… La SCPP partait sur environ 800 000 euros à raison de 2 euros par enregistrement musical contrefait (base d’évaluation retenue dans de nombreuses autres affaires).