Créé à l’initiative d’entrepreneurs français et allemands du numérique avec l’objectif de lutter contre les abus de position dominante sur le marché de la recherche en ligne, l’Open Internet Project (OIP) accueille un nouveau membre éminent. Cette recrue, c’est la Fédération française des télécoms (FFT), laquelle réunit tous les grands opérateurs – à l’exception de Free, qui s’est retiré fin 2008 – et les principaux MVNO de l’Hexagone.
La FFTélécoms rejoint là une coalition qui fédère plus de 400 acteurs européens du numérique, dont des groupes médias (Axel Springer, Lagardère Active, CCM Benchmark…), des syndicats (éditeurs de contenus en ligne, tour-opérateurs), des associations de défense des consommateurs et des start-up issues d’une quinzaine de pays.
Depuis sa conférence fondatrice organisée le 15 mai 2014 à la Cité universitaire de Paris, l’Open Internet Project est parti en croisade contre les sociétés « qui se jouent des réglementations tant nationales qu’européennes et usent de pratiques d’optimisation fiscale agressives au détriment des acteurs européens et nationaux« .
Une première plainte visant Google a été déposée auprès de la Direction générale de la concurrence à Bruxelles. Entre « manipulation des résultats dans le moteur » et « détournement de trafic », il est reproché au groupe Internet de recourir à des pratiques anticoncurrentielles dans l’exploitation de ses services de recherche en ligne.
Les craintes des uns et des autres ont plus particulièrement trait au respect de la neutralité du Net, ce principe qui garantit un traitement égal de tous les utilisateurs pour l’accès au contenu. Illustré par la prévalence de YouTube – filiale de Google – dans les ages de résultats vidéo, le « pouvoir d’influence » dénoncé par l’OIP contrarierait cette logique.
La Fédération française des télécoms compter apporter « tout son poids [dans ce débat] à un moment où se joue […] l’avenir de l’Internet européen« . S’appuyant sur une étude réalisée avec le cabinet Greenwich, elle souligne notamment que les géants du Web ont payé, en 2011, « 22 fois moins d’impôts sur les sociétés que ce [qu’ils] auraient dû« .
Pour Olivier Sichel, cofondateur de l’Open Internet Project, l’adhésion de la FFTélécoms « est le symbole de la crédibilité acquise par [cette coalition européenne] contre les abus de position dominante en matière numérique« . Mais c’est aussi une réponse à la position incertaine de la Commission européenne sur le dossier.
Sous le coup d’une enquête antitrust depuis fin 2010 (une dizaine de sociétés européennes avaient porté plainte, se sentant lésées dans la présentation de leurs résultats sur le search), Google semble en effet proche d’une conciliation avec Bruxelles. Ses concessions formulées en février dernier pour restaurer une concurrence saine sur le marché Internet ont été favorablement accueillies par le Commissaire à la Concurrence Joaquín Almunia.
La multinationale avait par exemple accepté un principe de visibilité des services concurrents en promettant d’en valoriser systématiquement trois en complément à ses propres offres actuelles ou à venir. Mais ses engagements sont globalement jugés insuffisants par l’OIP, qui redoute un renforcement de position dominante : en ne consultant pas les parties prenantes, le Commissaire Almunia prendrait le risque « de se faire duper par Google ». D’autant plus qu’au cours des diverses procédures menées depuis 2010, des propositions reçues par ses soins ont finalement été rejetées, la faute à une « inefficacité totale » démontrée par des tests de marché.
L’adhésion de la Fédération française des télécoms a probablement été motivée par les déclarations d’Arnaud Montebourg. Invité à la conférence du 15 mai 2014, le ministre de l’Économie et du Redressement productif avait jugé inadmissible « que l’Europe et la France deviennent des colonies numériques des Etats-Unis ».
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