Opteron, le processeur de la dernière chance pour AMD ?
AMD s’apprête à entrer commercialement dans l’ère du 64 bits avec l’Opteron, 8e génération de processeurs maison. Destiné aux serveurs et stations de travail haut de gamme, l’Opteron intègre la gestion des instructions sur 64 bits tout en conservant une compatibilité avec le mode 32 bits.
C’est mardi 22 avril 2003 qu’AMD débutera officiellement la commercialisation de son nouveau processeur Opteron, anciennement SledgeHammer. Nouveau à plus d’un titre. D’abord, parce qu’il s’agit d’une nouvelle génération de puces, la huitième chez AMD, et surtout parce que l’Opteron est le premier processeur 64 bits du fondeur de Sunnyvale. Son architecture le destine aux machines à 1, 2, 4 ou 8 processeurs. A ce titre, l’Opteron vient directement concurrencer les serveurs et stations de travail équipés de puces Itanium et Xeon d’Intel. Mais là où Intel a décidé de basculer en mode 64 bits intégral à travers l’architecture Epic ((Explicitly parallel Instruction Computing, voir édition du 8 juillet 2002) des Itanium, AMD a choisi de conserver la compatibilité avec le mode 32 bits à travers son architecture x86-64. Compatibilité qui devrait permettre d’assurer une transition en douceur vers les architectures 64 bits qui, à plus ou moins long terme, devraient constituer la norme du mode de fonctionnement des processeurs.
Jusqu’à 1 000 Go de mémoire
L’avantage du mode 64 bits tient essentiellement dans sa capacité à accéder à une plus grande mémoire vive. Là où le mode 32 bits est limité à 4 Go, le 64 bits permet de gérer jusqu’à 1 téraoctet (1 000 Go). D’autre part, le traitement des données par lots de 64 bits au lieu de 32 par cycle d’horloge devrait considérablement accélérer les calculs, cependant sans aller jusqu’à doubler les performances. Encore faut-il que les systèmes qui vont exploiter les processeurs soient optimisés en conséquence. Il fallait donc convaincre les éditeurs, ce à quoi s’est attaché AMD. Début avril, Microsoft a officiellement annoncé des versions 64 bits de Windows XP et Windows Server 2003. Même chose du côté du monde Linux via Red Hat et MandrakeSoft notamment. Une version de la base de données DB2 d’IBM sous une distribution Suse est également en cours de finalisation. Mais c’est à peu près tout. Les éditeurs attendent probablement de voir comment évolue ce marché du 64 bits avant de recompiler leurs applications pour l’Opteron. Une période de latence anticipée par AMD qui se donne les moyens de patienter en permettant à ses processeurs de parfaitement fonctionner en mode 32 bits. Ainsi, un client pourra-t-il tout à fait s’équiper en Opteron en vue de basculer ses applications en mode 64 bits (même si, dans un premier temps, il n’en tirera pas un grand bénéfice).
Côté architecture propre, l’Opteron intégrera jusqu’à 1 Mo de mémoire cache de niveau 2 (L2) et la gestion sur deux canaux de la mémoire DDR 128 bits PC1600, 2100 et 2700. Hélas, AMD semble avoir vu un peu juste puisque rien n’est à ce jour prévu pour la PC3200 et les échanges mémoire-processeur se limiteront donc à 5,4 Go/s. L’Opteron intègre en revanche le bus HyperTransport (voir édition du 15 février 2001) qui offre des échanges avec le reste des composants de la carte mère jusqu’à 6,4 Go/s par lien et, à raison de trois liens, jusqu’à 19,2 Go/s au total. Gravé en 130 nanomètres (0,13 micron) selon la méthode SOI (Silicon on insulator, voir édition du 9 janvier 2003), il devrait intégrer jusqu’à 100 millions de transistors et bénéficier d’un nouveau socket à 940 broches. Là aussi, AMD s’est assuré le partenariat de nombre de concepteurs de chipsets. Outre nVidia qui intègre l’HyperTransport dans son nForce2, SiS et VIA ont annoncé leur intention de produire des circuits logiques dédiés à l’Opteron. En attendant, AMD fournit les siens propres : le northbridge 8151 qui supporte l’AGP 8x notamment et le southbridge 8111.
50 millions de transistors
Une version destinée aux ordinateurs de bureau et sobrement baptisée Athlon 64 devrait également voir le jour dans le courant de l’année. Elle devrait comporter moitié moins de transistors que l’Opteron et son contrôleur mémoire devrait être intégré au processeur. Ce qui restreindra l’évolution de la mémoire (notamment la DDR-II) à celle du processeur. Un peu gênant d’autant que, contrairement à l’Opteron, il ne gère la mémoire que sur un seul canal ce qui en limitera les débits à 2,7 Go/s. En revanche, l’Athlon 64 devrait intégrer les instructions multimédias SSE 2 qui optimiseront le traitement de certains logiciels (traitement d’image, vidéo mais aussi jeux…). Enfin, la mémoire cache L2 de l’Athlon 64 se limitera à 256 Ko.
Les processeurs 64 bits, pour serveurs ou machines de bureau, devraient démultiplier les performances (à condition, encore une fois, que les applications soient optimisées). Des performances dont le particulier n’a certainement pas encore besoin. AMD ne s’y trompe pas. Et c’est pourquoi il préfère lancer la version « professionnelle » de sa nouvelle génération de puce bien avant la version « grand public ». Sans compter que cela laisse une fenêtre d’exploitation à un probable Athlon XP 3200+ de plus en plus attendu. Selon la roadmap du fondeur, les versions 32 bits de ses puces ne devraient pas évoluer au delà de 2004 tout en se réservant la marge de « répondre aux attentes du marché ». L’avenir d’AMD passe donc par le succès de l’Opteron et, par défaut, de l’Athlon 64. D’autant que la mauvaise santé financière de la société ne lui permettra probablement pas de supporter un échec commercial. L’Opteron pourrait donc être le processeur de la dernière chance pour AMD.