« Le jour où le leader du covoiturage [en référence à BlaBlaCar, ndlr] partagera sa data, je serai prêt à le suivre avec beaucoup de plaisir . »
Roland de Barbentane, directeur général de OUIBUS, n’en dira pas plus à propos de l’ouverture des données que la « loi Macron » du 6 août 2015 (pour la Croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques) impose aux services « de transport public de personnes » et « de mobilité ».
Après plus de dix ans passés chez Keolis, où il eut notamment la responsabilité des activités dans le quart nord de la France, l’intéressé avait pris, en juin 2015, la direction d’une autre filiale du groupe SNCF : iDBUS.
La marque avait été abandonnée quelques semaines plus tard au profit de OUIBUS, dans la lignée de la promulgation de la loi Macron. Jeudi matin, une rencontre sur ce thème a été organisée au siège parisien de Google France.
Finalement, on a peu parlé législation. Mais le volet data, lui, était prégnant.
Avec une question : comment les données fournies par la branche française du groupe américain peuvent-elles aider la compagnie de transport routier à comprendre ses clients et prospects, à individualiser la relation et à adapter son offre ?
Pour analyser la demande, OUIBUS exploite d’autres services tels que YouGov (études de marché) et SatiCommerce (enquêtes de satisfaction en ligne), ainsi que des informations recueillies directement auprès des utilisateurs finaux (30 % de taux de réponse annoncé pour les questionnaires envoyés aux voyageurs).
Roland de Barbentane l’affirme toutefois : « Google est l’un de nos postes d’observation favoris ». On veut bien le croire au regard de sa position écrasante en France (et même si le challenger français Qwant n’apparaît pas dans le graphique de StatCounter sur la période février 2016-février 2017).
Source : StatCounter Global Stats – Search Engine Market Share
Que dénotent les requêtes sur Google Search ? Entre autres, une certaine connaissance, chez les internautes français, des nouvelles mobilités : en 2016, 45 % des recherches sur un trajet entre deux villes ont été lancées sans préciser le mode de transport.
Souvent accompagnées des termes « low cost » ou « pas cher » (+ 13 % en volume d’une année sur l’autre), elles reflètent aussi des tendances émergentes – 2 300 « nouvelles routes » recherchées – qui offrent à OUIBUS un levier d’optimisation de son réseau.
En la matière, la stratégie se déplace petit à petit d’un maillage basé sur les « grandes radiales » (ces foyers de population que sont Paris, Lille, Lyon, Bruxelles, etc.) à une couverture « de proximité » qui va de pair avec l’individualisation de la relation client.
« Les attentes évoluent vis-à-vis des fournisseurs de transport », assure, à cet égard, Clément Eulry.
Le directeur transport, tourisme et pure players de Google France a une explication au phénomène : le smartphone, qui entraîne aussi bien une « multiplicité » qu’une « fragmentation » des parcours de recherche… et d’achat.
OUIBUS le ressent : plus de 30 % de ses billets sont désormais vendus sur mobile, 40 % des transactions se faisant dans les 24 heures précédant le départ. « On a encore des ventes qui se font dans la dernière demi-heure », glisse Roland de Barbentane, soulignant qu’il a fallu s’adapter à cette pratique moins commune dans l’univers du train.
Le maillage de proximité doit aussi permettre d’aller rouler sur les plates-bandes du covoiturage. Une première expérimentation sera menée à compter du 31 mars autour de Lyon, avec des liaisons courte distance à haute fréquence (7 à 9 trajets par jour en moyenne vers chaque ville desservie ; 23 vers Grenoble).
Autre relais de croissance : les destinations « éphémères », sélectionnées pour répondre à la demande saisonnière. Elles sont une vingtaine dans les offres de printemps ouvertes il y a trois semaines. Les stations de ski sont à l’honneur.
OUIBUS s’intéresse aussi aux flux dits « transversaux ». La compagnie mise là sur la capillarité de son réseau, en reconnaissant que des trajets tels que le Brest – Clermont-Ferrand que Roland de Barbentane cite en exemple présentent « un petit potentiel de volume », mais qu’ils ne souffrent « pas de concurrence ».
Comment se présente, en termes business, le partenariat avec Google ? Roland de Barbentane reste évasif : « Il y a des études, tout un tas de processus en commun… Vous comprendrez que je n’entre pas dans le détail ».
Le dirigeant est plus disert à propos de Google Trends. « C’est un indicateur que je regarde [tous les matins] avant de regarder les propres indicateurs de l’entreprise ».
L’outil « donne corps » au moteur de recherche en présentant, sous forme graphique, les requêtes en termes d’intérêt, d’intensité ou encore de distribution géographique. OUIBUS y recourt sous l’angle de la veille concurrentielle, pour se donner une idée de la notoriété de sa marque.
Sur ce point, Clément Eulry est formel : à mesure que le marché se structure (ne sont plus présents, sur les services librement organisés au sens de la loi Macron, que OUIBUS, Flixbus et Isilines), les recherches se font de plus en plus avec les noms des opérateurs.
Les volumes, eux, restent inférieurs à ceux des requêtes pour les trains (rapport de 22 %). Ils sont à l’image du différentiel de fréquentation des TGV et des « autocars Macron ».
Quand les premiers enregistrent 100 millions de passagers par an selon les données de l’Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières), les seconds ont accueilli un peu plus de 6 millions de voyageurs en 2016.
Bilan : la profitabilité attendra. Quand Flixbus la vise pour 2018, OUIBUS parle désormais de l’échéance 2019.
En attendant, la compagnie fait face à des soupçons concernant ses recapitalisations par la SNCF. Transdev, maison mère d’isilines, a saisi l’Autorité de la concurrence à ce propos. Elle se demande si une partie de cette enveloppe ne provient pas de l’argent perçu pour des missions de service public.
L’Arafer s’est également intéressée au dossier. Le gendarme des transports a décidé, le 13 décembre dernier, de ne pas approuver la séparation des comptes présentée par SNCF Mobilités, considérant qu’elle ne permettait pas d’avoir « une vision globale des flux financiers » entre toutes les activités de l’opérateur historique.
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