P. Grossetête (Cisco) : ‘2010, année cruciale dans l’adoption de l’IPv6’

Vnunet.fr : Quelles questions restent en suspens ?
Patrick Grossetête : Il y en a plusieurs : tout d’abord, IPv6 pour quelles applications? c’est le vrai sujet d’actualité. Beaucoup d’expérimentations autour d’IPv6 ont consisté à vérifier que ce qui fonctionnait bien en IPv4 continuait de le faire en Ipv6. Mais cela n’est pas suffisant pour encourager les clients à intégrer ce protocole. C’est pourquoi il est intéressant d’apprécier les nouveaux services que l’on commence à voir se développer en IPv6. Cela implique une phase d’éducation pour bien comprendre cette nouvelle version d’IP. A titre d’exemple, Cisco propose plus de dix heures de sessions IPv6 dans ses évènements Networkers [séances de formation et d’information organisées par Cisco sur les nouveaux protocoles et systèmes par exemple, ndlr]. Il a aussi intégré IPv6 dans ses curriculum CCEI et CCNA [certaines des certifications Cisco, ndlr].

Vnunet.fr : Quid du coût pour les exploitants d’infrastructures ? Que recommandez-vous ?
Patrick Grossetête : Il est vrai que la question du coût est un point important. Il vaut mieux intégrer IPv6 dans sa stratégie d’achat le plus tôt possible. En sélectionnant des produits offrant cette version de protocole (en complément d’IPv4) lors du cycle standard de renouvellement de son infrastructure, cela permet d’être prêt sans avoir à dégager un budget spécifique pour l’achat de produits. En termes de déploiement opérationnel, on peut citer, à titre de représentativité, le réseau Renater dans le monde académique en France qui s’implique à un niveau européen via le projet « 6NET », mais aussi Bechtel dans l’industrie ou encore VSNL International (ex-Telegloble) parmi les opérateurs.

Vnunet.fr : Quels sont les pays ou organisations qui s’engagent le plus dans l’IPv6 ?
Patrick Grossetête. Sous l’impulsion de l’IPv6 Forum, la majorité des pays ont créé une Task Force IPv6 pour sensibiliser les acteurs locaux à la problématique IPv6. Néanmoins, cela ne signifie pas forcément la mise en place systématique d’une stratégie nationale pour IPv6. Il y a cependant quelques initiatives gouvernementales qui ont marqué les étapes de l’adoption d’IPv6. Ce fût le cas en 2000 au Japon avec un discours du Premier ministre devant le Parlement indiquant qu’IPv6 devait être le coeur du déploiement futur de l’Internet dans le pays. Une annonce qui a été suivie de réduction d’impôts entre 2001 et 2003 pour les entreprises et opérateurs déployant IPv6 dans ce pays. En Europe, des recommandations pour l’adoption d’IPv6 ont été faites aux chefs de gouvernements dans le document e-Europe 2005 pour le financement de projets permettant la validation, l’éducation et mise en place d’IPv6 (6NET, 6DISS, u-2010,…). Il y a également des organismes tels qu’EuroControl, l’organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, qui étudient l’adoption d’IPv6 pour le renouvellement de leur infrastructure [Il est possible de trouver une synthèse complète de ces informations dans un livre blanc en anglais « IPv6 & National IT Strategy » publié par Cisco, ndlr].

Vnunet.fr : Et parmi les opérateurs ?
Patrick Grossetête : Généralement, ce sont des fournisseurs de transit comme France Telecom Longue Distance, NTT/Verio, VSNL International (ex-Téléglobe) ou encore Sprint, qui offrent des services de connectivité IPv6. Ce qui est plus rare (tout du moins en Europe), c’est une offre broadband DSL compatible IPv6 ou autres. Alors qu’au Japon, ce type d’offre est plus fréquent. En France, seuls l’opérateur alternatif Nerim (production) et Orange (expérimentation) s’y sont lancés. Au niveau européen, c’est principalement des acteurs télécoms alternatifs ( XS4ALL, Space.net, Dolphin…) qui vont de l’avant. Un moyen simple de suivre l’évolution des opérateurs est de considérer la souscription d’un prefixe IPv6 auprès des registries et la croissance des tables de routage IPv6 mais pratiquement tous les opérateurs ont déjà étudié le sujet. Pour les vendeurs/intégrateurs, en Europe, un constructeur tel qu’Axis a déjà intégré IPv6 dans l’ensemble de ses nouveaux produits vidéo. Si je considère qu’il existe environ 22 millions de Mac sous MacOS 10.x, ce sont autant de nodes IPv6 potentiels. Il serait intéressant de voir les derniers chiffres de ventes Vista pour connaître le potentiel avec ce système. Et enfin pour les entreprises, IPv6 est sur ce marché directement dépendant de l’adoption des nouveaux OS qui apportent le support du protocole. Il est certain que Windows Vista et Server 2008, deux produits phares de Microsoft, constituent un pré-requis important pour l’éclosion d’un marché de masse en IPv6. Ceci en conjonction avec les applications telles qu’Exchange SP1 ou basées sur le peer to peer framework qui n’utilisent qu’IPv6.

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