L’amendement de Philippe Leroy – sénateur de la Moselle (UMP) – déposé dans le cadre de la Loi sur la modernisation de l’économie attire l’attention des territoires ruraux qui se sentiraient injustement délaissés des aménagements numériques menés en milieu urbain. Si beaucoup veulent y croire, le modèle technico-économique pour dégrouper une majeure partie des 130 000 sous-répartiteurs du territoire national reste à définir. Cela permettra d’étendre le haut débit sur le territoire national . Dans une interview accordée à Vnunet.fr, Philippe Leroy, qui cumule la fonction de sénateur avec celle de président du conseil général de Moselle, revient sur le sujet. Alors que le texte de la loi révisé par la Commission paritaire mixte est passé mardi en séance publique à l’Assemblée nationale. Il en sera de même côté Sénat dans la journée de mercredi. La promulgation de la loi ne tardera pas. (Interview réalisée le 22 juillet 2008)
Vnunet.fr: Pourquoi avoir présenté un amendement destiné à « ouvrir » la sous-boucle locale dans la LME ?
Philippe Leroy: J’ai été amené à intervenir sur le dossier du haut débit et j’ai notamment lancé avec mes services, une délégation de service public pour couvrir notre département en haut et très haut débit. Comme pour la plupart des territoires, nos concitoyens et nos enteprises nous demandent un accès haut débit pour pouvoir travailler ou profiter des services numériques comme la TV sur ADSL qui nécessite comme chacun le sait, des débits importants. Le cadre réglementaire européen imposait une ouverture de la sous-boucle, la France ayant confirmé cela par la voix d’un comité technique. L’amendement qui est désormais dans la LME sera un outil réglementaire aux services des opérateurs privés comme des collectivités, pour rétablir avec l’appui de nos réseaux d’initiative publique une égalité entre zones rurales et urbaines en matière d’accès Internet devenu indispensable dans notre vie quotidienne.
Vnunet.fr: Les premiers commentaires à propos de votre amendement semblent mitigés car beaucoup pensent que les opérateurs ne vont pas investir dans des zones peu ou pas rentables. Quel est votre avis ?
Philippe Leroy: Dans les années 2000, lorsque le dégroupage a été mis en oeuvre, nous avions connu les mêmes réticences. Et puis ce n’est pas parce que la loi permet de dégrouper la sous-boucle qu’on est obligé de le faire. Sachez simplement que deux opérateurs d’envergure ont montré leur intérêt et que nos voisins belges depuis 2001 et hollandais depuis 2007 ont réalisé cette ouverture. En 2004, le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux de télécommunications (Sipperec) avait saisi le Conseil de la concurrence pour savoir dans quelles conditions l’accès à la sous-boucle locale pourrait s’effectuer (voir avis en fichier PDF). C’est qu’il y a bien une demande et qu’il faut y répondre. Au regard du marché actuel, je pense pouvoir dire que le dégroupage est une réussite, notamment lorsque les collectivités sont intervenues. Je suis conscient que mon amendement n’est peut-être pas parfait mais il apporte une réponse juridique claire qui ouvre des pistes de réflexion pour ensuite mener des actions concrètes sur le terrain dans les mois et années à venir.
Vnunet.fr: A votre avis, c’est le rôle des collectivités de financer la quasi-totalité de ces nouveaux aménagements ?
Philippe Leroy: Pour pouvoir résorber les zones blanches en milieu rural ou augmenter le débit des connexions existantes (zones grises), il faut se rapprocher des abonnés. Nous avons installé des NRA-ZO* en Moselle mais ceux-ci sont inévitablement déficitaires. D’autre part, la fibre à domicile (fiber to the home ou FTTH en anglais) coûte encore très cher à déployer et à ma connaissance, en dehors de zones câblées, il n’y a aucuns projets pour développer la fibre jusqu’à l’abonné en dehors de nos grandes agglomérations qui sont les plus rentables pour les opérateurs. En toute logique, pour apporter le haut débit et les services annexes comme la télévision sur IP sans attendre la fibre, il faudra passer par les sous-répartiteurs. En clair, reconnaître aux sous-répartiteurs ce qui est fait actuellement au niveau des répartiteurs. France Telecom comme ses concurrents seront obligés d’y travailler, si ce n’est pas déjà le cas, et nos investissements vont les aider en ce sens.
Vnunet.fr: Pour conclure, comment va se passer la mise en oeuvre de cette nouvelle étape une fois la loi LME promulguée ?
Philippe Leroy: Il faut attendre les votes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Comme je le disais plus haut, les réseaux financés par les collectivités dans le cadre de délégation de service public (DSP) ont un rôle majeur à jouer dans cette nouvelle étape pour inciter tous les opérateurs à apporter plus de débit et donc de services dans ces zones rurales ou en agglomération sur des zones mal desservies. En Moselle, nous allons travailler avec notre délégataire pour lancer au plus vite le dégroupage de la sous-boucle locale, ce qui inclut les plus petits sous-répartiteurs. Les zones rurales gagnent des habitants et il est de notre devoir ne pas abandonner l’aménagement numérique des territoires au profit des seules zones rentables. C’est un pari sur l’avenir que nous sommes déterminés à remporter.
* Plus de précisions sur la solution NRA-ZO de France Telecom sur le site Internet du ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire.
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