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Paiement mobile : bilan peu flatteur pour PayPal à Nancy

Bars, boulangeries, chocolateries… Elles étaient une trentaine d’enseignes indépendantes à accompagner, en septembre 2014, la mise en place d’un grand observatoire du paiement mobile dans la ville de Nancy, à l’initiative de PayPal.

La société américaine – alors filiale du groupe eBay – s’était engagée à faciliter les transactions dans les points de vente physiques grâce à son application pour smartphones. Les clients allaient pouvoir régler leurs achats sans même se rendre à la caisse… tout en partageant éventuellement l’addition avec des personnes utilisant d’autres moyens de paiement.

Le service en question, baptisé Pay@Table, était déjà implanté à Londres ou encore Berlin, mais seulement dans quelques quartiers. L’expérimentation réalisée à Nancy (chef-lieu de Meurthe-et-Moselle) avait vocation à s’étendre à toute la communauté urbaine, soit 435 000 habitants, dont 265 000 intra-muros, avec une forte population étudiante (45 000 individus) « particulièrement réceptive aux technologies mobiles ».

PayPal avait monté un dispositif de communication impressionnant, à commencer par une conférence de presse le 19 septembre en présence de la directrice générale France Gimena Diaz.

Une tente de démonstrations avait par ailleurs été installée pour deux jours sur la place Charles-III, à proximité de la gare ferroviaire). Le tout assorti d’une campagne d’affichage papier et numérique, de spots radio et de cabines photo mises en place pour l’occasion.

Une centaine d’ambassadeurs – dont des Nancéiens spécialement recrutés – étaient ensuite restés sur place pendant plusieurs semaines. Une mise en lumière qui « [n’était] pas de trop pour faire évoluer les usages », ainsi que le déclarait Gimena Diaz.

Silence radio

PayPal s’engageait à proposer une solution compatible avec un maximum de plates-formes, aussi bien du côté des acheteurs que des vendeurs.

Sur le terrain, la mise en oeuvre aura été plus nuancée : il a fallu moderniser les systèmes de caisse et seuls les terminaux les plus récents ont pu être mis à jour à distance.

« Nous avions rencontré les équipes de PayPal, qui avaient tenu à nous rassurer sur le fait que les commerçants n’auraient rien à débourser pour faire cette mise à niveau », explique Sébastien Duchowicz, contacté par téléphone.

Mais un an après, « le bilan est plus que négatif », selon le président des Vitrines de Nancy.

Sollicitée à l’origine par le service de communication de la ville de Nancy, l’association de commerçants avait joué le rôle d’intermédiaire dans le déploiement de Pay@Table en assurant la mise en relation entre ses adhérents et PayPal.

Aujourd’hui, elle déplore le « silence radio » de l’entreprise américaine : en un an, aucun bilan d’étape n’a été réalisé. Vitrines de Nancy n’a même jamais reçu de liste précise des commerçants finalement entrés dans la boucle.

« PayPal n’a jamais formellement signé de contrat avec nous. Ni avec les commerçants que nous avons interrogés », déclare Sébastien Duchowicz. Et d’évoquer des explications « trop évasives » tout au long de l’expérimentation : « C’est le jour et la nuit par rapport au système de carte de fidélité commune à tous les commerçants. Depuis la mise en place l’année dernière, un point est régulièrement fait avec la mairie et les participants ».

Place aux jeunes

PayPal n’a pas non plus fourni de grille tarifaire « claire et nette ». En se rendant sur place l’année dernière pour le coup d’envoi de l’opération, nous en étions restés à un système d’accords au cas par cas, avec un commissionnement dans la fourchette de 1,4 % à 3,4 % du montant encaissé, additionné d’une contribution fixe de 25 centimes.

« Il y a eu une période de gratuité pendant 6 mois », tempère David Pierobon. Âgé de 29 ans, le gérant du restaurant Le Charles Trois a profité de cette promotion pour tenter l’expérience.

Aujourd’hui, le système végète. « Il est toujours disponible, mais il n’y a plus de demande. […] Ça a bien marché pendant deux ou trois mois, quand PayPal offrait 10 euros de crédit aux utilisateurs. […] Un public assez jeune, dans les 20-25 ans, en a profité pour venir payer une tournée ».

Pendant cette période, le restaurant enregistrait « jusqu’à 200 euros par jour » de transactions via PayPal. Puis le soufflé est retombé. « On a peut-être fait une dizaine d’encaissements dans les trois mois qui ont suivi ».

David Pierobon a bien du mal à nous dire précisément quelle commission était prélevée sur chaque vente. « Ce qui est sûr, c’est que c’est un peu plus cher qu’avec la CB ».

Nous avons joint PayPal pour obtenir davantage de renseignements sur ce point, mais personne n’est disponible pour aborder le sujet. Idem à la Communauté urbaine du Grand Nancy, malgré nos relances avec l’appui de Sébastien Duchowicz.

« Au départ, on entrevoyait pas mal de possibilités. Par exemple en exploitant la connexion Wi-Fi en intérieur pour reconnaître les habitués et créer un semblant de fichier clientèle, confie le président des Vitrines de Nancy. Mais avec le recul, on reste très sceptique sur la façon de faire ».

Jamais deux sans trois

« C’est une belle initiative, mais il y a encore beaucoup de choses à corriger », conclut David Pierobon. Et d’ajouter : « Le mode de paiement n’est pas mauvais, mais il n’est pas assez connu, malgré le budget investi en communication. C’est comparable à la carte bancaire, qui a mis une bonne dizaine d’années à s’implanter ».

Son grand regret: PayPal a vite, trop vite, rompu le contact. Y compris avec les Nancéiens embauchés dans le cadre de la campagne marketing… et dont le contrat n’a pas été reconduit.

Pour confirmer ce sentiment, nous prenons contact avec L’Épi d’Or, autre boutique ayant adopté Pay@Table. Au bout du fil, le frère du gérant, qui nous recommande de « rappeler la semaine prochaine pour faire le point [avec son frère] »… mais qui nous glisse, avant de raccrocher : « On a arrêté assez tôt ».

PayPal a-t-il été dépassé par l’échelle de son expérimentation ? Difficile à dire, car aucune porte n’a encore officiellement été refermée. L’équipe française avait pris ses précautions au lancement de l’opération, en expliquant ne pas fixer de date butoir. « Nous prendrons le temps qu’il faudra, y compris pour régler les éventuels problèmes techniques », avait résumé Gimena Diaz.

Fort de 169 millions de comptes actifs dans le monde au 30 juin 2015 (7 millions en France, dont 40 000 commerçants), PayPal a montré une certaine capacité d’adaptation à la nouvelle donne du paiement mobile.

Le nombre de paiements traités par ses soins sur ces plateformes a augmenté de 68 % entre 2013 et 2014, pour représenter plus d’un quart du nombre total des transactions. Mais intégrer la dimension du commerce physique est une autre paire de manches…

Crédit photo : Denys Prykhodov – Shutterstock.com

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