C’est un vaste chantier que Patrick Dailhe supervise en qualité de Directeur du programme COPERNIC. Au sein du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, sa mission consiste à moderniser le système d’information fiscal à travers un chantier pluriannuel couvrant la période 2000-2009. Doté d’une enveloppe globale de 911 millions d’euros, le programme COPERNIC est divisé en trente grands projets principaux qui touche les contribuables (particuliers et entreprises) mais aussi les agents de l’administration fiscale. Pour le grand public, la vitrine de la « révolution COPERNICienne » s’appelle impôts.gouv.fr, le portail fiscal sur lequel il est possible de réaliser sa télédéclaration de l’impôt sur le revenu. Mais, compte tenu de l’afflux de visiteurs, les contribuables doivent faire preuve de patience pour accéder au e-service public. Afin de rassurer les télédéclarants qui rencontrent des difficultés d’accès, le gouvernement a mis en place des délais supplémentaires pour remplir sa déclaration en ligne (voir édition du 8 avril 2005). (Interview réalisée le 6 avril 2005)
Vnunet.Fr: Comment expliquez-vous les problèmes techniques concernant la disponibilité du portail Impots.gouv.fr ?
Patrick Dailhe: Le service de télédéclaration pour l’impôt sur le revenu connaît un engouement exceptionnel en 2005 qui dépasse à la foix nos objectifs (1,5 million) et nos prévisions les plus optimistes fondées sur les enquêtes des instituts de sondage et les observatoires sur l’usage des technologies. Nous avons déjà engrangé 1,6 million de télédéclarations alors que nous sommes à la moitié de la campagne. Compte tenu de la fréquentation élevé du site (15 millions d’accès enregistrés au portail depuis le début de la campagne), nous avons ajusté nos infrastructures en conséquence mais nous sommes obligés d’activer un dispositif de régulation de trafic, qui oblige certains contribuables arrivant en surnombre à se présenter un peu plus tard lorsque nous ne pouvons pas les prendre immédiatement. Ce dispositif permet de protéger les internautes qui sont en train d’effectuer leurs démarches. Les autres sont priés de revenir ultérieurement. Le service de télédéclaration est donc opérationnel, il n’y a pas de bug, mais il doit être régulé. Nous devons lisser la prise en charge de ces télédéclarants. Cela ressemble à un embouteillage sur les autoroutes de France un 31 juillet.
La régulation du trafic est la seule solution rapide que vous pouvez apporter ?
L’idéal serait d’avoir des infrastructures aux dimensions illimitées, ce qui n’est évidemment pas le cas. A partir d’un certain niveau de trafic, nous sommes obligés d’étaler le trafic résiduel en débordement en optimisant l’ensemble des dispositifs et en préservant la continuité de service (c’est à dire achever la procédure de télédéclaration sans être perturbé). Nous traitons 100 000 télédéclarations par jour. Le portail fiscal impots.gouv.fr absorbe toute la charge mais la plate-forme industrielle et sécurisée qui gère la télédéclaration est capable d’absorber 6 500 télédéclarations par heure. Au-dessus, nous régulons pour protéger les internautes qui ont entamé un processus de télédéclaration. La plate-forme en ligne, qui s’appuie en particulier sur des grands serveurs Sun, est déjà considérable avec des dispositifs de sécurité parfaitement opérationnels, comme l’usage du certificat électronique mis à la disposition des internautes. L’année prochaine, nous allons remplacer cette plate-forme pour offrir un service d’un niveau supérieur en termes de flux.
Quels sont les principaux enjeux du programme Copernic ?
Ce vaste programme pluriannuel de modernisation du système d’information fiscal a été initialisé en 2000 et s’étend jusqu’en 2009. L’objectif est de remplacer progressivement l’informatique fiscale capillarisée actuelle de la Direction Générale des Impôts (DGI) et du Trésor Public (DGCP) par un système d’information fiscal unique qu’il faut reconstruire. Celui-ci tourne autour d’un concept simple : le compte fiscal unique qui rassemble l’ensemble des données fiscales des contribuables, que ce soit des particuliers, des professionnels ou des entreprises. Ce changement est important car il permet de surmonter des handicaps que l’on rencontre actuellement avec l’informatique fiscale actuelle, notamment l’existence de plusieurs identifiants pour un même contribuable et la dispersion géographique des données fiscales qui vont faire l’objet d’une centralisation au niveau national. Le deuxième enjeu de Copernic est lié aux métiers de l’administration fiscale afin de délivrer un meilleur service au contribuable et d’accompagner une stratégie de services sur différents canaux de distribution comme l’Internet et le téléphone. Nous devons aussi moderniser l’outil de travail des agents de l’administration fiscale, améliorer l’efficacité fiscale (c’est à dire la collecte de l’impôt) et obtenir des gains de productivité et ainsi contribuer à une meilleur maîtrise des coûts de gestion.
Quels types de nouveaux services apparaissent ?
Copernic englobe 70 projets au total. Certains aboutissent à de nouveaux services aux usagers comme la télédéclaration de l’impôt sur le revenu ou l’accès au compte fiscal. Nous avons également des projets par métier destinés aux agents de l’administration fiscale. Par exemple, un nouveau portail « métier » a été conçu, développé et déployé depuis quelques semaines qui équipe tous les agents de la DGI (80 000 personnes). Dans les prochaines semaines, 20 000 agents du Trésor Public qui exercent une activité fiscale seront également concernés. En tout, une vingtaine de projets ont été délivrés pour le compte des agents. D’autres chantiers d’infrastructures techniques ou des projets de migration sont moins visibles. Cela nécessite souvent des périodes de cohabitation entre l’ancien dispositif et la nouvelle plate-forme qui peut durer plusieurs années.
Où en est le développement du compte fiscal pour les particuliers ?
Il est déjà disponible en ligne et sera complété par des données de recouvrement d’impôts au mois de juillet prochain. Le 8 février 2005, le compte fiscal des professionnels et des entreprises a été totalement déployé vers l’ensemble des entreprises françaises.
Combien de téléprocédures concernant l’administration fiscale ont été lancées ?
Le bouquet doit comprendre une dizaine de téléprocédures du côté des particuliers et des entreprises. Pour les particuliers, le service de télédéclaration de l’impôt sur le revenu est désormais le plus connu. Pour les entreprises, nous avons mis en place un système de télédéclaration de la TVA, qui supporte à peu près la moitié du recouvrement de cette taxe en France chaque mois (soit six milliards d’euros environ par mois). D’ici la fin de l’année 2005, nous allons mettre en place des nouvelles téléprocédures en particulier avec les notaires pour collecter de façon dématérialisée la copie des actes notariés.
Quels principaux freins avez-vous identifié dans le déploiement du programme Copernic ?
Dans les relations avec les usagers, nous rencontrons un premier frein lié à l’équipement technologique des foyers. D’ailleurs, en ce début d’année, nous vivons peut-être une bascule dans ce domaine. Nous rencontrons également des freins juridiques liés à la sécurité et la protection des données fiscales qui sont critiques au regard de la législation Informatique et Libertés. La gestion de cette dimension nous occupe beaucoup. Nous avons des relations très suivies avec la CNIL pour trouver les meilleures solutions depuis le début du programme Copernic. Tous les composants de Copernic sont soumis à un avis de la CNIL. Par exemple, le certificat électronique, délivré aux usagers, permet de sécuriser les échanges de données en lien avec l’administration en ligne. Pour les agents de l’administration fiscale qui sont habilités en fonction de leurs périmètres métier, tous les accès aux données sont tracés systématiquement et leur exploitation fait l’objet d’un encadrement strict. On peut noter également un frein psychologique concernant les agents lié à la montée en puissance de l’administration électronique et à la question des gains de productivité. Nous fournissons beaucoup d’effort pédagogique pour que nos agents acceptent ces nouveaux outils et se les approprient. Dans cette conduite de changement, nous investissons beaucoup en communication, en formation et en accompagnements sur le terrain.
Dans quelle mesure prenez-vous en compte les outils open source dans le programme Copernic ?
Notre politique technologique repose sur trois piliers : maîtrise du système d’information fiscal par nous- même, pérennité des choix et l’indépendance vis-à-vis des technologies et des fournisseurs. Copernic est construit autour de l’Internet et des services Web. Nous sommes aussi l’une des administrations les plus avancées en France, en ce qui concerne l’intégration des outils open source. Nous avons déployé plus de 2000 serveurs qui fonctionnent sous Linux. Nous disposons d’un serveur d’applications qui est en open source. C’est devenu une réalité pour le programme Copernic.
Quel ordre de grandeur attendez-vous en termes de gain de productivité et d’économie d’échelle dans le traitement dématérialisé des données fiscales ?
Le retour sur investissement du programme Copernic est progressif. Il est lié à la montée en charge progressive du système Copernic et se trouve donc étalé dans le temps et décalé par rapport à l’investissement initial. Les gains de productivité et les améliorations de la collecte de l’impôt sont intégrés dans des contrats de performance de la DGI et de la DGCP. Copernic contribue ainsi à l’accroissement global des performances de ces deux Directions.
Un audit pour évaluer le bon usage des investissements |
De 2004 à 2006, Fontaine Consultants réalise pour le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie un audit « indépendant » du programme COPERNIC. Les Directeurs Généraux des Impôts et la Comptabilité publique ont souhaité, par un audit externe, « obtenir une évaluation indépendante de la bonne utilisation des investissements qui sont engagés ». Un groupement des sociétés Fontaine Consultants et Geste a été retenue à l’issue d’un appel d’offres pour la réalisation de cet audit. |
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