Plaidoyer pour la version Mac d’Internet Explorer
L’adoption rapide d’Internet Explorer 6 remet en question pas mal des technologies acceptées de facto par les professionnels du Web. Si Microsoft a eu un apport très important en lançant une approche moderne de la navigation sur Internet, son approche radicale aujourd’hui s’avère sujette à caution. Les différences entre ses versions du logiciel pour PC et pour Mac éclairent une tendance au despotisme.
La version 6 d’Internet Explorer pour PC semble connaître un fort taux d’adoption. Avec ce logiciel, le géant de Redmond profite de l’utilisation très importante de son butineur pour lier plus fortement son utilisation à des composants et des fonctionnalités présents dans le système d’exploitation Windows. DE façon plus large, les modifications initiées dans Internet Explorer ont refroidi le Web, car elles ont mis sur la touche un certain nombre de technologies concurrentes, mais qui permettaient aux navigateurs de s’appuyer sur des morceaux communs de code. Il s’agit des plug-ins et de la dernière implémentation de Java (voir édition du 18 juillet 2001), le langage de programmation destiné au Web développé par Sun Microsystems. Le passage de Microsoft aux ActiveX, une technologie de plug-ins « maison » concurrence en même temps Java largement adopté par les sites Internet et explique la réaction des commentateurs. Le passage en force de Microsoft fait donc d’une pierre deux coups.
Il faut remonter le cours du temps pour appréhender la portée de la direction de travail de Microsoft. Jusqu’à la version 4 de son butineur, Microsoft a sensiblement rationalisé le développement de page Web et amélioré le confort de navigation et les fonctions fournies sur les sites Internet en proposant un modèle objet de document (DOM – voir encadré) qui réalisait une avancée notable. Son modèle repris et modifié par l’instance de standardisation du Web, le W3C, est devenu une référence utilisée par nombre d’autres navigateurs concurrents. Mais Microsoft a également réussi avec cette version à emporter la part de marché la plus importante des fureteurs sur le Web, tant sur PC que sur Macintosh. Le DOM d’Internet Explorer 4 est devenu la référence de facto et est utilisé encore aujourd’hui pour les développements de pages Web. Il s’agit d’une difficulté pour Netscape et les autres concurrents de Redmond, dont les logiciels doivent simuler le mode de fonctionnement d’Internet Explorer. Plus tard, comme un retour à l’envoyeur, le passage à la version 5 d’IE ne s’est pas fait sans douleur pour Microsoft : la firme a dû développer un modèle hybride reprenant ses spécifications, intégrant celles du W3C et ajoutant des technologies propres comme les Active X. Enfin, en passant à IE 6, la firme tire un trait net sur les « errements » passés : en favorisant massivement sa technologie Active X, en abandonnant les plug-ins et en n’intégrant pas la dernière mouture de Java, la firme reprend l’offensive en cherchant à contraindre la concurrence.
IE pour Mac handicapé ?
Mac OS, qui dispose pourtant d’une des versions les plus avancées d’Internet Explorer 5, développée en totale autonomie par l’unité des produits Mac, en fait les frais. Le logiciel s’appuie sur le modèle hybride, mais fait fi des dernières avancées du modèle développé pour PC. Ainsi des Active X qui, sur les versions pour PC, permettent l’interrogation directe de bases de données, des effets visuels de transition entre deux pages Web ou bien encore une réaction à des commandes externes, ne sont-ils que très partiellement utilisables sur Mac. Leur utilisation massive dans Internet Explorer 6 devrait couper les autres navigateurs pour PC et pour Mac et les autres systèmes d’exploitation que ceux de l’entreprise de Redmond des fonctionnalités autorisées sur PC. Le problème posé sur Mac se retrouve au même titre sur Linux, qui ne peut pas pour le moment profiter de fonctions implantées dans Windows.
Conséquence incontournable, les développeurs de sites Internet se trouvent confrontés à un dilemme : réaliser leur site en suivant strictement les recommandations du W3C et ne pas tenir compte de la part de marché majoritaire des navigateurs de Microsoft, ou utiliser la nomenclature du modèle de la firme et mettre de côté les autres navigateurs ainsi que les autres systèmes d’exploitation ! Mais ce n’est pas tout : les développeurs de sites seront confrontés au problème des pages Web déjà éditées et qui utilisent des technologies non reconnues par IE 6, qu’ils ne pourront modifier qu’après un travail considérable à un coût élevé. L’adoption d’IE 6 par ses utilisateurs est donc un enjeu formidable de modification de l’utilisation des technologies du Web, laissé par Microsoft dans les mains des webmestres. Une partie de la réponse à leur dilemme pourrait bien passer par l’utilisation du Mac et sa version d’IE, compatible W3C et IE4. Le Mac se présente comme la seule plate-forme aujourd’hui capable d’assurer la compatibilité entre plates-formes ! Encore fallait-il y penser…