Une gestion « contestable », une structure budgétaire « très discutable », des pratiques qui « s’éloignent des grands principes du droit budgétaire »… La Cour des comptes n’adhère pas pleinement au plan France Très haut débit.
Elle en fait part dans son rapport sur le budget de l’État en 2017 (PDF, 224 pages), additionné d’une note d’analyse pour la mission Économie (94 pages).
Les programmes d’investissement d’avenir (PIA), dans lesquels s’inscrit le plan France Très haut débit, sont plus globalement pointés du doigt. Ils contribuent, selon la Cour des comptes, à « [limiter] la capacité du Parlement à appréhender l’action de l’État d’une façon globale et claire ».
Le premier PIA avait été présenté en 2010, avec une enveloppe de 35 milliards d’euros. Les PIA 2 (12 milliards) et 3 (10 milliards), présentés en 2014, le complètent.
Participations, subventions, prêts, avances remboursables… La Cour des comptes évoque un dispositif de financement « complexe » dont le « caractère exceptionnel et additionnel […] n’est pas démontré ». D’autant plus que les moyens des PIA ont tendance, dans une proportion croissante, à se substituer aux crédits du budget de l’État.
Destiné à soutenir, sous forme de subventions, le développement des réseaux d’initiative publique avec l’objectif de couvrir l’intégralité du territoire en 2022, le plan France Très haut débit (« programme 343 ») est donné pour exemple. Il complète depuis 2015 l’action engagée cinq ans plus tôt par le Fonds national pour la société numérique.
Comme prévu dans la loi de finances rectificative pour 2015, la gestion des crédits de ce « programme 343 » a été déléguée à la Cour des comptes*. Laquelle estime que cette structure « conduit à faire échapper les crédits à la discipline et aux contraintes » fixées par le décret relatif à la gestion budgétaire et à la comptabilité publique, auquel elle n’est pas soumise.
Percevant également, dans ce dispositif, un effet sur le rôle du Parlement en matière de finances publiques, les sages de la rue Cambon recommandent d’en modifier l’architecture. Soit en réinternalisant la gestion des crédits du programme, soit en établissant une convention de mandat, notamment au vu du « nombre limité de dossiers concernés ».
Ils en veulent pour preuve les 712 millions d’euros de crédits aujourd’hui disponibles sur les 2 milliards initialement alloués en 2010 pour le déploiement du très haut débit. Ces crédits ont été, affirment-ils, progressivement attribués à d’autres actions : collèges numériques ruraux, couverture mobile, continuité territoriale numérique et frais de gestion de la Cour des comptes (dont la rémunération de personnel).
Autre élément mis en avant : l’indicateur de performance du programme 343, dont la définition, « partielle », doit être « clarifiée ». Entre autre sur le chiffrage des logements « commercialisables », non harmonisé entre l’Arcep et la DGE.
* Une convention signée le 29 décembre 2015 et modifiée par avenant le 28 décembre 2016 ouvre à la mise en œuvre de pratiques budgétaires dérogatoires aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Elle permet d’échapper aux dispositions dudit décret, dont le fait que « les autorisations d’engagement sont consommées par la souscriptions des engagements à hauteur du montant ferme pour lequel l’État s’engage auprès d’un tiers ».
Crédit photo : Point d’Appui National ANT via VisualHunt.com / CC BY
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