La polémique Dieudonné rallume la braise des débats portant sur le filtrage voire la censure du Web et l’anonymat sur Internet.
Le débat tourne à l’hystérie avec l’agitation politique et médiatique qui règne. Alors que le gouvernement a interdit la tenue d’un spectacle a priori de Dieudonné à Nantes (d’autres villes sont concernées depuis), Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, en appelle à la « responsabilité des sites de partage vidéos ».
« En ce qui concerne Dailymotion, oui, c’est beaucoup plus simple. En ce qui concerne YouTube, c’est un site américain et donc les choses sont beaucoup plus compliquées. Les Etats-Unis ne répondent pas aux mêmes critiques juridiques », selon la représentante du gouvernement sur l’antenne de BFM TV.
Dans l’effervescence actuelle, tous les médias d’infos en continu insistaient hier soir (9 janvier) sur le fait sur le fait que « l’humouriste controversé » (en fait, c’est compliqué de qualifier les prestations de Dieudonné) allait déposer aujourd’hui (10 janvier) un message vidéo sur YouTube.
Pour le principal protagoniste, c’est moins évident de s’exprimer via la plateforme vidéo de Google. YouTube a rangé Dieudonné dans la catégorie « personne controversée » après un « signalement de la communauté ». Du coup, un avertissement avec accord explicite de l’internaute est demandé avant l’accès au visionnage (voir copie d’écran en bas de page). Sur Dailymotion, c’est compliqué de trouver les prestations directes de Dieudonné en effectuant une recherche sur le moteur interne. En revanche, les accès aux divers reportages médias ne manquent pas.
Ce matin (10 janvier 2014), en intervenant sur i-Télé, Marine Le Pen en rajoute : cette « hystérisation » serait susceptible d’aboutir à un contrôle excessif de l’Internet. La Présidente du Front national prône de « constitutionnaliser la liberté d’expression » c’est à dire d’inscrire dans la loi l’interdiction de la surveillance et de la censure préalable à des propos pouvant être tenus sur le Web.
Le Front national qui donne des leçons sur la liberté d’expression, c’est assez déroutant mais, en même temps, c’est une proposition conforme au « complot » d’Etat à son encontre qu’il dénonce régulièrement : sous la présidence de Jean-Marie Le Pen, ce parti s’est tellement plaint de ne pas avoir accès aux médias traditionnels qu’il se montre désormais ravi d’exposer ses idées radicales sur un espace comme le Web.
Anonymat sur Internet : dure limite
Hélas, ce terrain d’expression demeure propice aux dérapages avec la propagation de contenus pouvant inciter à la haine raciale. On l’a vu avec l’affaire du fil de discussion #UnBonJuif qui a entraîné une procédure pénale à l’encontre de Twitter et de son président. Fin 2013, sur l’antenne d’Europe 1, Fleur Pellerin, ministre déléguée en charge de l’Economie numérique, assurait que le droit à l’anonymat était garanti sur Internet. Mais on ne peut plus ce réfugier derrière ce postulat en cas d’infraction pour diffusion de propos racistes, antisémites ou incitant à la haine, contrebalançait-elle.
Auparavant, le 16 décembre, François Hollande déclarait devant le Conseil représentatif des institutions juives de France que « l’antisémitisme n'[était]pas l’affaire des Juifs, mais de tous les Français ». Il a également promis, concernant les propos « innommables » que l’ont peut trouver sur Internet, qu’il allait lutter contre « la tranquillité de l’anonymat ».
Ce matin (10 janvier 2014), le débat se déplace sur le terrain de la vie privée et l’on regarde les implications susceptibles d’affecter la liberté d’expression sur le Web et tacitement le droit à l’anonymat.
Le magazine people Closer fait état d’une relation entre François Hollande et une actrice sur son site Internet et la dernière édition de son magazine papier. Déjà, en mars 2013, une plainte avait été déposée auprès du Parquet de Paris pour identifier les auteurs d’une rumeur du même acabit sur Internet portant sur le Président de la République.
Coïncidence ? On apprend aujourd’hui via Les Echos, que l’Assemblée nationale devait examiner jeudi prochain (16 janvier) le projet de loi renforçant le projet de loi sur le renforcement de la protection du secret des sources des journalistes. Le débat interviendra « plus tard ». Motif de ce décalage ? « Un calendrier trop chargé de la commission des Lois ».
Rappelons que le gouvernement compte plancher sur un projet de loi portant sur les libertés à l’ère numérique, qui devrait émerger en ce début d’année. « Le Gouvernement consolidera la protection des libertés fondamentales sur Internet. Un projet de loi sur la protection des droits et libertés numériques sera proposé au Parlement début 2014 au plus tard », annonçait l’exécutif dans un dossier de presse en date de février 2013.
Entre cyber-surveillance généralisée (via la loi de programmation militaire), tentative de filtrage du Web, et la problématique de l’anonymat sur Internet, cela fait beaucoup pour entamer un débat public en toute sérénité.
Capture écran Dieudonné (vu sur YouTube)
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(Credit photo illustration : Copyright: fotoscool)
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