Après deux mois d’un confinement très strict, la crise sanitaire en France disparaît peu à peu… et laisse la place à une crise économique majeure.Afin de limiter l’impact économique au maximum, le Gouvernement a ouvert grand les vannes de l’argent public : fonds de solidarité, prêts garantis par l’Etat, généralisation du chômage partiel, plans de sauvetage par secteurs (aérien, automobile, tourisme)… Une réaction rapide et forte qui aura permis d’éviter une hausse brutale du chômage comme dans de nombreux pays. Le chômage aux Etats-Unis a ainsi atteint 14,7%, son plus haut niveau depuis la crise des années 30…
Les chiffres clés :
- Le coût des mesures actuelles : 150 à 200 milliards d’euros de dépenses non prévues en 2020
- L’impact d’une hausse d’impôts potentielle :
- TVA : + 20 Md€ par an
- Impôt sur le revenu : + 5 Md€ par an
- Impôt sur les sociétés : + 3-4 Md€ par an
- Rétablissement de l’ISF : +2-3 Md€ par an
Alors combien ?
Entre précautions sanitaires et effets économiques négatifs, c’est désormais l’heure des choix pour le Gouvernement. Un maintien trop long des mesures de restrictions de circulation risquerait de déprimer pour longtemps l’économie française. Une levée trop rapide pourrait être lourdement sanctionnée par les électeurs si l’épidémie repartait à la hausse.
Déjà le Gouvernement communique sur un élargissement de la limite des 100 kilomètres… et a annoncé une diminution de la prise en charge du chômage partiel (l’un des plus généreux au monde).
Le Gouvernement s’oriente donc vers un desserrement progressif des contraintes pesant sur les Français, et vers une réduction des aides apportées à l’économie.
Reste une question : qui va payer pour les milliards dépensés pour sauver l’économie ?
En deux mois, le Gouvernement a consacré 450 milliards d’euros à la gestion de la crise, soit 20% du PIB. Une somme colossale.
Une partie de ces 450 milliards a été injectée directement en soutien de l’économie (chômage partiel, fonds de solidarité), une autre partie (300 milliards d’euros) est liée à la mise en place de garanties de prêts bancaires pour les entreprises.
L’impact du plan de soutien à l’économie sur les comptes publics sera donc majeur, et inédit en temps de paix. La Commission Européenne indique que le déficit français devrait atteindre 9,9% en 2020.
Au final, la crise devrait coûter entre 150 et 200 milliards d’euros à la France.
Qui va payer ?
Pour analyser les différents scénarios, il faut comprendre qui, aujourd’hui, prête de l’argent à la France. Cet argent dépensé pour faire face à la crise, la France ne l’a pas. Elle doit donc l’emprunter sur les marchés. Aujourd’hui l’essentiel de ces emprunts est souscrit par la Banque Centrale Européenne (BCE). La France n’est pas la seule à fonctionner de cette façon. Tous les Etats membres de l’Union Européenne empruntent à la BCE. Et la BCE… appartient aux membres de l’Union Européenne. Faut-il s’attendre à un effacement de toute les dettes liées au Covid ? C’est une possibilité, mais elle n’a rien de certain et en tout cas aucun des Etats membres n’a communiqué sur cette éventualité.
En mettant de côté l’éventualité d’un effacement de la dette Covid, la question demeure : qui va payer ?
En bout de course, la réponse ne fait guère de doute… Les contribuables et les entreprises devront régler la note.
Quand ?
Aujourd’hui, le Gouvernement a communiqué dans un seul sens. Bruno Le Maire le 5 avril : “la meilleure réponse à la dette, c’est la croissance”. Gérald Darmanin le 4 mai : “nous n’allons pas augmenter les impôts”.
En 2020, augmenter les impôts est bien sûr inimaginable. En pleine relance de l’économie, l’effet d’une hausse d’impôts sur l’activité serait dévastateur. Et l’an prochain ? 2021 devrait également être préservé car ce devrait être une année de reprise économique forte après la crise actuelle. Une reprise que le Gouvernement ne voudra surtout pas freiner avec de nouvelles taxes.
Faire payer les riches ?
L’ISF, supprimé par Emmanuel Macron et remplacé par un “ISF immobilier”, l’IFI, pourrait-il faire son grand retour ? Peut-être mais ce ne serait qu’un retour symbolique. L’ISF, à ses plus belles heures, permettait de collecter seulement 5 milliards d’euros par an. L’IFI rapporte aujourd’hui 2 milliards. Un rétablissement de l’ISF rapporterait donc 2 et 3 milliards d’euros par an. Bien loin des 150 à 20 milliards dépensés face au Covid cette année…
Les vraies options
Pour éponger cette “dette Covid”, une hausse d’un des trois impôts français “stars” est l’éventualité la plus probable : la TVA (51% des recettes fiscales), l’impôt sur le revenu (25%) ou l’impôt sur les sociétés (12%).
L’impôt sur les sociétés était en train d’être baissé progressivement pour faire face à la concurrence des autres Etats européens dans ce domaine. Une hausse de ce côté est peu probable, même si les entreprises ont beaucoup bénéficié de la protection de l’Etat pendant cette crise. Si un Gouvernement choisissait néanmoins cette option, une hausse de quelques points du taux d’IS pourrait faire gagner entre 3 et 4 milliards d’euros par an au budget de l’Etat.
La TVA a l’avantage d’être l’impôt qui rapporte le plus et une hausse de deux ou trois points pourrait rapporter 20 milliards par an. Problème : cet impôt est payé par tous et risque de peser sur le budget des ménages, en particulier les plus modestes qui souffrent déjà de l’impact économique du Covid. Un choix qui serait difficile à assumer politiquement.
Dernière option : l’impôt sur le revenu. Évidemment une hausse ne pourrait se faire que dans les tranches moyennes et supérieures du barème pour éviter de pénaliser les plus modestes. Cette option renforcerait encore la concentration de l’impôt sur le revenu sur les tranches supérieures. Le risque serait ainsi d’accélérer l’exil fiscal des plus riches. Gain potentiel d’une hausse : 5 milliards d’euros par an.
Un impôt “spécial Covid” ?
Le Gouvernement pourrait également proposer un impôt exceptionnel, limité dans le temps, destiné uniquement à éponger cette dette. Par exemple, une contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises ? On ne peut que spéculer sur cette éventualité pour le moment.
L’avis de Tacotax
Aldric Emié, Président de Tacotax : “dans le contexte actuel, parler de hausse d’impôts est presque un gros mot. Le risque est fort que la simple évocation d’une hausse des prélèvements obligatoires ait un effet négatif sur la reprise économique. Néanmoins l’expérience montre qu’en France éponger les déficits se fait généralement par une hausse des impôts. La question est de savoir quand. Cette année et l’an prochain sont préservés car le Gouvernement va vouloir préserver la reprise. 2022 également car il s’agit d’une année électorale. A partir de 2023, on peut cependant s’attendre à un tour de vis fiscal de la même manière que sous François Hollande les contribuables ont payé les dépenses de la crise financière de 2008.”