La révolution digitale bouleverse tous les aspects de la gestion des entreprises. En bousculant les modes de gestion, en multipliant les canaux de vente et en remettant le consommateur au centre du jeu. Dans ce contexte, la question du prix et de son processus de fixation devient centrale pour les entreprises.
Dans un climat de forte pression concurrentielle sur la plupart des marchés, la question de la maîtrise du pilotage des prix est devenue centrale pour assurer la croissance de l’entreprise. Pour certains, le pricing– la construction d’une politique tarifaire en cohérence avec les autres axes du mix – est un sujet purement opérationnel, relevant du marketing. Pour d’autres, elle doit aussi figurer à l’agenda du comité exécutif car hautement stratégique.
Chacun néanmoins s’accorde sur un constat : cette discipline relativement nouvelle est un formidable levier de performance pour l’entreprise. Encore faut-il trouver le bon prix, face à des consommateurs versatiles, dont la sensibilité au prix varie et pour lesquels le prix de vente reste bien souvent le premier des critères déclencheurs d’achat. Aujourd’hui entrés dans l’ère digitale, ils comparent les produits et services, avec une grande facilité, via des comparateurs en ligne, puis concrétisent leurs achats auprès du canal d’approvisionnement de leur choix, sans aucune contrainte de distance, grâce au e-commerce. Si la révolution digitale a grandement facilité les achats, elle a aussi intensifié la compétition sur les prix.
Le rôle clé du Pricing Manager et de l’Analyste prix
Au coeur de ces opérations d’élaboration des grilles tarifaires se trouvent deux fonctions clés : celles du Responsable prix (Pricing Manager) et de l’Analyste prix. A leurs postes stratégiques, ils contribuent directement au développement de la compétitivité de l’entreprise en assurant la détermination, le déploiement et le suivi d’application d’une politique tarifaire cohérente. Il sont aussi ceux qui participent à la gestion des changements de prix dans les systèmes d’information, en déterminant le process de mise à jour, en l’initiant ou en l’exécutant.
Leur mission est complexe. Qu’ils interviennent en B2C, où la tarification peut évoluer très vite, voire de façon dynamique, dans des secteurs comme l’aérien, l’hôtellerie ou le retail e-commerce. Ou qu’ils interviennent en B2B, où les listes et les conditions de prix se multiplient en fonction du contexte d’achat : entre prix publics, prix spéciaux, prix à l’export, remises, majorations, périodes de l’année, zones et canal de distribution, etc. Sachant qu’un seul article peut comprendre 15 conditions de prix, on mesure combien le nombre d’informations à analyser puis à maintenir peut vite devenir exponentiel.
Outre la masse de données à traiter, la seconde difficulté pour ces experts réside dans la complexité des processus de fixation et de mise à jour des prix, souvent hétérogènes au sein de l’entreprise avec, souvent, des procédures différentes d’une filiale à l’autre, d’un canal de vente à l’autre. Des processus, qui plus est, alourdis par la diversité des applications aux mains des opérationnels et par leur lot de tâches manuelles : pour collecter les data à analyser (historique de prix du produit, structure de marge, historique d’achat, …), pour faire valider, moyennant de multiples relances, les nouvelles données (auprès des chefs de produit ou d’un responsable financier), ou pour les injecter dans le système d’information. Le temps de traitement mécanique de la donnée prend largement le pas sur le temps d’élaboration des politiques de prix, au détriment de la réactivité.
Unifier les processus en outillant les utilisateurs
Autre écueil courant : l’outil informatique, théoriquement normalisateur, qui laisse libres certains utilisateurs de créer des règles locales. Cette liberté accordée dans le mécanisme de fixation des prix, avec des méthodologies et des approches différentes, complexifie l’application d’une stratégie globale, dès lors qu’il faut tenir compte de processus s’écartant de la norme. Les processus deviennent difficilement comparables (benchmarks internes), difficilement mesurables et donc moins efficaces car plus compliqués à améliorer.
Pour résoudre ce problème paradoxal (trop de données, trop peu de capacité à mesurer), la solution peut être de fournir aux utilisateurs des outils (pour une ?) gestion plus industrielle et normalisée des données. Ces solutions demandent de revenir dans des types de fixations des prix plus standardisés, afin de réduire leur nombre. Ce qui suppose d’arbitrer sur le degré de décentralisation en termes d’organisation prix. Mais, en contrepartie, elles permettent d’automatiser les tâches de collecte et de saisies dans l’ERP ou encore d’évaluer la performance du processus. En mesurant, par exemple, la durée d’exécution des différentes tâches d’un workflow, de l’initialisation de la demande à l’intégration effective du prix dans l’ERP, afin de l’améliorer et le sécuriser.
Cette approche peut sembler limiter la « créativité prix » des opérationnels, mais par son approche industrielle, elle instaure un rapport « gagnant/gagnant » entre l’Analyste Prix et le Responsable prix. Le premier est plus réactif par rapport à son marché et peut davantage se concentrer sur ses tâches d’analyse. Le second dispose d’une nécessaire vision globale. Il peut mieux coordonner les décisions prix et peut travailler à améliorer la marge de l’entreprise, tout en aidant les équipes marketing à appréhender les nouvelles contraintes inhérentes à la digitalisation croissante des marchés.
David Coerchon, Winshuttle