C’est presque irrespectueux vis-à-vis du numérique : il a fallu les derniers instants du troisième débat télévisé portant sur les 7 candidats à la primaire de la droite et du centre pour entendre quelques brides de propositions à ce sujet.
Au détour d’une question (inattendue et inespérée) posée par Jean-Pierre Elkabbach, Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire ont esquissé jeudi soir quelques grandes lignes de leurs programmes.
Mais les autres n’ont pas eu le temps de s’exprimer sur le sujet. Et on peut facilement imaginer que cela arrangeait certains d’entre eux. Car soyons francs : le numérique n’est pas vraiment la tasse de thé de la majorité des candidats. Et soyons un brin provocateur : ce sujet n’est pas porteur devant les électeurs.
Pourtant, avec NKM, ça partait bien. « Nous sommes en train de vivre une révolution, un changement d’ère complet. L’économie et la société sont dans cette transformation et le monde politique reste un peu même franchement à l’écart. »
L’ex-secrétaire d’État chargée de la Prospective et du Développement de l’Économie numérique (auprès de François Fillon, Premier ministre à l’époque sous la présidence de Nicolas Sarkozy) poursuit : « Rien que dans le monde du travail, on assiste à une transformation complète, notamment à l’émergence du travail indépendant. »
Nathalie Kosciusko-Morizet insiste en prenant sur son temps de parole limité : « Avec les nouvelles technologies, il y a le télétravail et le travail par mission qui est facilitée ».
Bruno Le Maire estime de son côté qu’il s’agit « d’une chance majeure si nous sommes capables d’accompagner ces révolutions » comme la robotisation. Il propose de « retirer l’argent de la formation professionnelle qui vont aux syndicats pour les confier directement à chaque salarié sous forme de compte individuelle de formation en euros et pas en heure. »
Tout en poursuivant : « La révolution digitale est aussi une chance pour nos jeunes start-up et créateur d’entreprises si nous sommes capables de leur donner la fiscalité qui leur permettra de développer leurs entreprises. »
Bruno Le Maire met aussi l’accent sur le déploiement du très haut débit sur tout le territoire, qui permettra de développer des services comme la télésanté.
Jean- Frédéric Poisson aborde le numérique sous un autre angle : les risques liés au fondement de la couverture sociale. « Si on n’y prend pas garde, la prolifération de plateformes de services aura des conséquences », évoque le moins connu des candidats à la primaire. Il rappelle que l’ensemble du système de protection sociale est lié à des cotisations liées au travail.
« Si jamais l’économie numérique continue de s’affranchir du système de cotisation, c’est notre modèle social dans son ensemble qui est remis en cause. » Dans le prolongement, si l’on remplace les hommes par des robots, qui va payer les cotisations ? Prudence donc : « Il ne faut pas s’opposer à cette évolution mais il faut y faire attention. »
A l’approche du premier tour de la primaire de la droite et du centre, ITespresso.fr relaie deux initiatives susceptibles de vous éclairer sur les engagements des candidats vis-à-vis du numérique.
De manière posée, le collectif* Tous Numérique a effectué une étude comparative des programmes sur le Numérique des sept candidats. Des thèmes comme l’emploi, la santé, les transports, la démocratie ou la culture et le lien sous le prisme du numérique ont été examinés.
Si tous les candidats se déclarent conscients des enjeux, l’approche est différente : Bruno Le Maire, Alain Juppé et François Fillon ont adopté le parti pris d’intégrer le Numérique en tant que volet à part entière dans leurs programmes.
Tandis que Nathalie Kosciusko-Morizet, de Nicolas Sarkozy et de Jean-Frédéric Poisson donnent leur préférence à du saupoudrage : intégrer une touche numérique dans leurs grandes propositions. « Jean-François Copé en a fait un thème récurrent de ses ordonnances de manière transversale », précise le collectif Tous Numérique.
Sur l’impact du numérique lié au marché de l’emploi ou à l’organisation du travail, les esprits s’agitent sur l’économie collaborative et l’émergence des travailleurs indépendants.
Et les positions prises sont variées : François Fillon évoque un « contrat de prestataire indépendant non requalifiable pendant trois ans », NKM favorise un nouveau statut global pour le travailleur indépendant tandis que Jean-François Copé cherche à se démarquer en poussant l’idée d’un numéro SIRET attribué à tous les jeunes.
D’autres candidats comme Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire prennent du recul sur la présumée fin inéluctable du salariat.
En matière de financement du numérique, les visions peuvent aussi s’écarter les unes des autres : faut-il adopter des mesures globales ou créer des niches ?
Bruno Le Maire veut s’appuyer sur l’Europe pour bâtir un cadre réglementaire pour le crowdfunding et le crowdlending. Nicolas Sarkozy évoque un « choc fiscal » au profit de la culture d’entrepreneuriat, de l’innovation et du capital-risque.
De son côté, François Fillon évoque des modes de financement innovants pour les PME et les ETI comme le crowdfunding et la titrisation et déduction d’impôt de 30% pour les montants investis dans les start-up.
Pour Alain Juppé, il vaut mieux « rationaliser les interventions de BpiFrance » et « encourager l’orientation vers les entreprises innovantes d’une partie de l’épargne collectée dans l’assurance-vie ».
Pour la thématique de la transformation de l’Etat, c’est un melting-pot de combinaisons qui émerge : Bruno Le Maire suggère une stratégie globale de transformation de l’Etat appelée « Smart Nation » avec un appel à projets publics.
Alain Juppé prône la constitution de « task forces digitales » supervisés par un Chief Digital Officer, tout en développant la dimension de smart cities. Plus bureaucratique, François Fillon propose la création d’un poste de Haut Commissaire à la Transformation numérique, rattaché directement au Premier ministre, en charge du numérique et des achats de l’Etat.
Entre visions, projets et approches hybrides…Pour découvrir l’intégralité du tableau comparatif des propositions par candidat, rendez-vous sur le portail du collectif Tous Numérique.
De son côté, Renaissance Numérique a également effectué un travail de fonds en décortiquant les programmes de tous les candidats à la primaire.
Le « think tank de la société numérique » a recensé une liste de 432 mesures numériques. Avec des angles qui dépassent le simple soutien aux start-up et à l’innovation au nom du dynamisme de l’économie du pays.
« Au contraire, 22 % de ces mesures sont dédiées à la modernisation de l’Etat et de la vie démocratique du pays (contre 18 % pour le secteur économie, fiscalité et investissement) », assure Renaissance Numérique.
Il est possible de télécharger l’étude dans sa globalité sur le site Internet de Renaissance Numérique.
Parallèlement, France Digitale a apporté sa contribution en commandant récemment une étude IFOP-Fiducial sur le thème : « Un entrepreneur pourrait-il être un bon Président de la République ? »
68% des Français semblent prêts à la croire, à la grande satisfaction des membres de cette association qui rapproche les start-up des investisseurs et qui cherche à valoriser le secteur du numérique dans le cadre de la prochaine élection présidentielle.
* Numérique 2017 – Tous Numérique, collectif créée à l’initiative de Laure de La Raudière (député d’Eure-et-Loir et soutien actif de Bruno Le Maire à la primaire), de Jonas Haddad, Marion Delaigue, David Lacombled et David Réguer, sur les enjeux de transformation de la société à l’ère du numérique.
(Crédit photo : copie écran France Télévisions)
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