Procès antitrust : au tour de Microsoft d’être entendu

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Chargée du procès antitrust de Microsoft, la juge Colleen Kollar-Kotelly devrait accueillir les premiers témoins appelés par l’éditeur dès le mardi 16 avril. Après un mois d’audiences, les témoins des neuf Etats plaignants ont tenté de démontrer les dangers que représente le monopole de Microsoft et ses risques d’extension sur les services en ligne. Les témoins de la firme de Redmond vont s’employer à démontrer le contraire.

Après quatre semaines de procès, les audiences des témoins cités par le district de Columbia et des neufs Etats, sur dix-huit, qui avaient refusé de signer un accord avec Microsoft, ont pris fin jeudi 11 avril avec le témoignage de Carl Shapiro. Ce professeur d’économie de l’université de Berkeley soutient trois propositions faites par les Etats « résistants » pour rétablir la concurrence en matière de plate-forme d’exploitation pour ordinateurs de bureau, essentiellement. La première imposerait à la firme de Bill Gates de vendre les licences Office aux enchères afin de pouvoir exploiter la suite bureautique sur des plates-formes concurrentes. La seconde proposition serait d’obliger l’éditeur de Redmond à fournir le code source des API (Application Programming Interfaces) afin de permettre aux développeurs de fournir des produits parfaitement compatibles avec Windows. La troisième proposition consiste à ne plus autoriser Microsoft à restreindre par voie de licence l’installation de middlewares (qui concernent les navigateurs, clients e-mail, messagerie, lecteurs média, etc.) autres que ceux de l’éditeur.

Quinzième et dernier témoin, Carl Shapiro a succédé aux pointures de chez Sun, AOL, Novell, RealNetworks, Gateway ou encore Red Hat. Globalement, chacun à sa manière a tenté de mettre en avant les dangers qui résultent de l’intégration d’Internet Explorer au système d’exploitation. Selon les détracteurs, ce couple permettrait à Microsoft d’étendre son monopole sur les postes clients à tout le réseau Internet. En effet, en faisant d’IE un navigateur incontournable, Microsoft impose ses propres technologies aux serveurs. Pour peu que les sources des technologies en question ne soient pas disponibles, les prestataires se voient obligés de se plier aux « standards » du géant de Redmond en consommant les produits Microsoft, seuls garants (en théorie) de la parfaite compatibilité des plates-formes. Cette même logique de piège s’impose aux lecteurs de médias audiovisuels, ainsi qu’à la plate-forme de services Web .Net et au système d’authentification Passport. Un scénario qui, à terme, conduirait Microsoft à décider des technologies du Net et à les imposer sur les marchés du service, du commerce en ligne, de la distribution de musique et de films, sur Internet comme sur les téléphones mobiles ou les PDA. Schématiquement résumé, c’est le portrait que les neuf Etats ont voulu dresser de la position monopolistique de Microsoft à la juge Collen Kollar-Kotelly à travers les dires des témoins.

Pour un Windows « en kit »

Outre les enjeux commerciaux – et, à terme, de société – évoqués, des interventions plus techniques ont également été nécessaires pour définir les limites éventuelles à ne pas dépasser pour ne pas retirer son intérêt à Windows. Mais selon Andrew Appel, professeur de l’université de Princeton qui a témoigné le 10 avril, a confirmé que les middlewares (à savoir IE, Windows Media Player, Messenger…) pouvaient parfaitement être livrés indépendamment de l’OS Windows sans « casser » celui-ci. Point de vue que ne partagent évidemment pas les avocats de Microsoft.

Si les neufs Etats dissidents ont réussi à faire prendre en compte l’aspect technologique de la question et à faire comprendre les risques d’un monopole technologique à la juge, les plaignants n’ont en revanche pas réussi à convaincre que les mesures à imposer sont une bonne solution. A juste titre, la juge s’interroge sur les avantages que ces mesures accorderaient aux concurrents les plus directs comme AOL et Sun. Il est vrai que déshabiller Pierre pour habiller Paul ne ferait que déplacer le problème sans le résoudre.

La juge Kolleen Kollar-Kotelly va donc entendre, à partir de cette semaine, les témoins de Microsoft. Ceux-ci s’emploieront probablement à démonter les arguments de la partie adverse. Une trentaine de personnes sont attendues à la barre. Issus de l’industrie informatique pour la plupart, les témoins proviendront aussi des équipes dirigeantes de l’éditeur de Redmond. A commencer par l’architecte en chef Bill Gates et le PDG Steve Ballmer, même si leur intervention n’est pas confirmée. Autre star de l’industrie, Jerry Sanders, le PDG d’AMD, pourrait ouvrir le bal de cette seconde partie des audiences dès mardi 16 avril. A travers ces témoignages, les avocats de Microsoft s’appliqueront à démontrer que l’accord passé en novembre dernier avec les neuf autres Etats et le ministère de la Justice (DoJ) est suffisant et qu’il ne nécessite pas d’autres aménagements.