A procès exceptionnel, cour d’appel exceptionnelle. Ce lundi 26 février avait lieu la première journée d’audiences du procès Microsoft (voir édition du 23 février 2001). Pour l’occasion, la cour d’appel du district de Columbia a sorti le grand jeu : 7 juges au lieu des 3 normalement commis, 7 heures de débat contre une comme c’est l’usage, et des débats retransmis en direct audio sur Internet. Microsoft avait demandé que son appel soit examiné par la Cour Suprême, mais il n’a pas été suivi et c’est devant une « vulgaire » cour d’appel qu’il remet en cause le jugement prononcé en première instance par le juge Jackson. Un jugement condamnant Microsoft a être scindé en deux entités distinctes (voir édition du 7 juin 2000).
L’audience a débuté par la plaidoirie de Richard Urowski. L’avocat de Microsoft avait une heure et quart pour démontrer que la firme de Bill Gates n’avait pas tenté de s’arroger un monopole sur les systèmes d’exploitation par des pratiques anticoncurrentielles. Il a pour l’essentiel repris les arguments présents dans le document remis à la cour par Microsoft, tandis que les juges ne ménageaient pas leur ardeur à lui poser des questions auxquelles Richard Urowski a parfois eu du mal à répondre. Les observateurs notent que les juges semblent posséder une très bonne maîtrise technique du dossier, s’attardant parfois sur des points précis peu évoqués auparavant.
Le gouvernement autant critiqué que Microsoft
Pour autant, il est difficile d’anticiper leur verdict car si certains se positionnent clairement contre le géant de Redmond, d’autres semblent du côté de Microsoft. Ainsi, après une pause d’une dizaine de minutes, quand l’avocat du gouvernement, Jeffrey Minear, est intervenu, il n’a pas échappé aux attaques de la cour. Le juge Harry Edwards, président de la cour, a remis en cause le démantèlement de Microsoft. « Vous allez remplacer un monopole par un autre si vous obtenez gain de cause », a-t-il lancé. Les débats se sont surtout concentrés sur l’intégration d’Internet Explorer dans Windows. Microsoft cherchant à montrer que le couplage des deux était bénéfique aux utilisateurs tandis que le gouvernement tentait de prouver que la pratique était condamnable.
Le juge Stephen Williams a expliqué que tant qu’Internet Explorer était gratuit, cela ne lui posait pas de problème. « C’est d’obliger un consommateur à acheter deux produits en les payant tous les deux qui serait une contrainte », a-t-il avancé tandis que le second avocat du gouvernement affirmait que Microsoft avait évincé ses concurrents des ordinateurs montés par les OEM, en les obligeant à intégrer Internet Explorer. Les juges ont pointé l’impossibilité de désinstaller le navigateur. « Vous n’avez qu’à mettre l’icone dans la corbeille présente sur le bureau », a répliqué l’avocat de Microsoft. « Avec la fonction ‘Ajout/suppression de programme’ ? », a alors interrogé innocemment Harry Edwards avant que le défenseur de Microsoft ne tente de le convaincre que c’était « plus compliqué techniquement ».
Le juge Jackson sur la sellette ?
Au final, la première journée d’audience a surtout montré que rien n’était joué. Le président de la cour a fait une déclaration très remarquée : « Certains comptes-rendus des faits publiés par le tribunal [de première instance] ne sont que de vulgaires déductions auxquelles je ne vois aucun fondement », a-t-il lancé, remettant en cause les arguments avancés par les parties lors du jugement en première instance. « Je ne vois pas comment vous pouvez obtenir l’annulation du jugement », a estimé pour sa part le juge David Tatel. Ce mardi 27 février, les débats devaient surtout aborder la position du juge Jackson qui s’est prononcé pour la scission de Microsoft. Sa position est remise en question par la firme de Bill Gates, le juge s’est en effet exprimé publiquement à plusieurs reprises contre Microsoft (voir édition du 8 février 2001). On ne sait pas encore quand la cour d’appel doit rendre sa décision.
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